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les collections aristophil

littérature

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SADE DONATIEN-ALPHONSE-FRANÇOIS,

MARQUIS DE (1740-1814).

L.A.S. « de Sade », [Vincennes octobre 1781], à

SA FEMME

 ;

4 pages in-8 très remplies d’une petite écriture serrée

(légères mouillures).

5 000 / 7 000 €

Magnifique et longue lettre de rage et de jalousie, écrite de sa

prison du donjon de Vincennes, après plus de quatre ans de

détention

.

Sade reproche amèrement à sa femme, et « comme un terrible

raffinement de cruauté », la manière persiflante dont elle répond à

« l’inquiétude affreuse d’une aussi longue détention », qu’il calcule

devoir durer 58 mois, soit jusqu’en juin 1783, « sans compter les

deux annés d’exil qui doivent clore le tout, et amener la vie de

mon suplice à l’epoque de ma viellesse »... Il en attribue la faute

à sa belle-mère, la présidente de MONTREUIL : « j’aurai été ma

vie entierre, la victime de sa rage et de sa brutale vengeance – et

cette femme est devote et cette femme communie.... il ne faudroit

qu’un exemple comme celui la pour rendre athée l’homme le plus

pieux de l’univers. Oh combien je la hais ! combien je la hais grand

dieu ! et quel moment pour moi que celui ou l’on m’apprendra la

fin de son abominable existance, je fais vœu sous le serment le plus

authentique de donner deux cents louis aux pauvres, le jour de cet

heureux evenement et cinquante au domestique qui me l’annon-

cera »... Il n’a jamais souhaité la mort de personne, sauf celle-là...

Il songe à ce qu’aurait été une telle situation avec ses propres

parents : « avec le caractere que tu leur a connu, crois tu qu’ils

t’eussent traitée, comme ta famille me traite, et crois tu que je

l’eus souffert »... Il développe cette idée, puis dirige son hostilité

contre sa femme, lui recommandant de tirer une leçon de ce que

son fils ne voulait pas que l’on battît son frère, alors qu’elle a laissé

enchaîner son époux... « Epargne toi donc quand tu viens me voir,

tous ces vilains petits mensonges [...] Tu scais bien que je ne donne

pas dans tout cela, et que si je ne dis rien pendant que tu fais tous

ces jolis petits rabachages la cest que je ne veux troubler en rien le

plaisir que jai de te voir, ni fournir aucun pretexte a la suppression

de tes visites, mais je n’en suis pas moins convaincu que tu mens,

et pas moins désolé de te voir adopter ce vil defaut

des halles

,

des comptoirs

– ou

des antichambres.

Renonce a ces infamies la

je t’en conjure, tu n’imaginerois pas a quel point elles finissent par

corrompre et par avilir une âme »...

Il exhale à nouveau sa rage contre sa belle-famille, contre l’injustice

d’une « détention d’une longueur infiniment trop cruelle » qu’on fait

prolonger au-delà du jugement rendu à Aix… Il s’emporte encore

violemment contre sa belle-mère : « cest exactement avoir voulu

me perdre et mes enfans pour le seul plaisir de faire du mal. Quel

monstre que je l’abhorre. Qu’elle en soit sure malgré tout ce que

ses flatteurs ou ceux qui gagnent à tout ceci peuvent lui dire, on ne

prononcent pas son nom dans le public, on ne l’annonce pas dans

une chambre, on ne pense à pas un seul de ses enfants ou des

miens, sans à l’instant rappeller mes malheurs »...

Il termine en donnant libre cours à la jalousie : « Si tu ne me tiens

pas parole tu m’exposeras a mil extravagances en sortant, car je

te proteste sur tout ce qui j’ai de plus cher au monde que rien ne

sera capable de m’arretter et de m’empecher de t’aller arracher aux

entrailles de la terre dut ce etre la que l’on voulut te cacher pour te

soustraire a moi. Que toutes les foudres du ciel puissent mecraser,

quelles engloutissent avec moi ma fortune mes enfants tout ce que

je possede dans le monde, que je ne puisse plus faire un pas dans

l’univers sans trouver des poignards ou des abimes, si je respire

huit jours hors des chaines –

sans toi

 »...

Ancienne collection Dina VIERNY (n° 128).

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SADE DONATIEN-ALPHONSE-FRANÇOIS,

MARQUIS DE (1740-1814).

P.A.S. « De Sade », « Memoire des frais de

l’emmenagement que j’ai fait dans la sixieme chambre de

la tour de la liberté à la Bastille au mois d’octobre 1788 » ; 2

pages in-4 (petite déchirure réparée au bas du feuillet).

7 000 / 8 000 €

Curieux document sur les conditions de détention du marquis de

Sade à la Bastille

.

Inventaire très précis et chiffré de chaque dépense liée à son chan-

gement de cellule, et à l’aménagement de sa nouvelle cellule, son

ameublement, afin d’établir un compte net de ses dépenses à cette

occasion, et de convaincre son épouse de finir de les régler…

Cela va de la toile des rideaux, de la housse du lit, du matelas, au

paiement des ouvriers : le maçon, le menuisier « qui a dirigé tout

l’ouvrage sous moi » ; ses meubles : bureau, bibliothèque, table à

manger, fauteuil de bureau, table et miroir de toilette, coussins, plu-

meaux, balais, etc. Tout cela montant à un total de 1006 livres 5 sols.

« Sur cette somme Madame de Sade a eu la complaisance d’envoiyer

en trois fois à monsieur le major », 192, puis 336 et enfin 150 livres, soit

un total de 678 livres. Il reste donc à solder la somme de 328 livres

5 sols, que la marquise de Sade « est humblement et instamment

supliée de vouloir bien aporter demain pour solde de tout compte

au moyen de quoi on lui donne parole que tout est absolument payé

et fini et qu’elle n’entendra plus parler de rien de tout ce qui peut

dépendre de cet objet du déménagement »…

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SADE DONATIEN-ALPHONSE-FRANÇOIS,

MARQUIS DE (1740-1814).

L.A., [donjon de Vincennes] 22 mai 1783, [à ses médecins

oculistes] ; 2 pages in-4.

4 000 / 5 000 €

Lettre de prison à ses oculistes, alors qu’il souffre d’un début

de cécité

.

[Sade a été soigné par les oculistes Henri et Guillaume GRANDJEAN

et Antoine DEMOURS fils.]

« On a fait usage de la poudre prescrite pendant quatre jours de

suite, et les effets quelle a produits et que l’on va décrire, ont forcé de

suspendre jusqu’a une plus ample explication de la part de Messieurs

les oculistes. La situation rendant l’administration de la dite poudre

impossible par l’operation du souffle, on y a suppleé en la jettant

soi meme dans l’œil, elle a produit une irrittation prodigieuse, elle a

enflamé considerablement tous les petits vaisseaux du blanc de l’œil,

et a rendu cette partie la toute rouge. Relativement a l’opacité dont

on esperoit la diminution par l’usage de cette poudre, bien loin d’en

accellerer la diminution ou la fin elle a remis, le louche de l’œil, ou

l’epaisseur de la gaze, au meme etat ou il etoit dans les commence-

ments, et a la suite des grandes douleurs produites par l’accident ».

Il a suspendu le traitement et prie « Messieurs les oculistes » de

revenir le voir, ou au moin de répondre en attendant à ses questions :

« L’effet qu’on eprouve est-il naturel ? Et malgré ce qu’il a de facheux

doit-on esperer du soulagement en continuant ? Ou faut-il changer

de remede ». En attendant, il a arrêté le traitement « a l’exeption des

injections de colire a raison de deux par jour »…

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