216
217
les collections aristophil
littérature
227
SAINT-PIERRE BERNARDIN DE (1737-1814).
MANUSCRIT autographe,
La mort de Socrate
, drame en
un acte
, [1808] ; 2 pages in-4 (quelques rousseurs).
1 000 / 1 500 €
Début de ce drame ou dialogue philososophique
.
Publié en 1808, précédé d’un
Essai sur les journaux
, et suivi d’un
Discours académique
(Paris, imprimerie de P. Didot l’aîné), ce
drame est le seul essai théâtral de l’auteur de
Paul et Virginie
. Le
manuscrit donne l’« Argument », les deux premières scènes et le
début de la troisième ; il présente quelques ratures et corrections,
et des variantes avec l’édition.
«
Argument
. Socrate le plus sage des Athéniens, s’étant fait beau-
coup d’ennemis parmi les superstitieux et les athées en soutenant
l’existence d’un seul Dieu, fut condamné à mort sur l’accusation
de Mélitus magistrat appuyée par Anytus prêtre de Cérès et par
Lycon sophiste. L’accusation était conçue en ces termes.
“Mélitus fils de Mélitus du peuple de Pithos, accuse Socrate fils
de Sophronisque, du peuple d’Alopécé.
Socrate est criminel parce qu’il ne reconnait point les Dieux que
la république reconnait et qu’il introduit de nouvelles divinités.
Il est encore criminel parce qu’il corrompt la jeunesse. Pour sa
punition, la mort.”
Socrate fut condamné par des juges tirés de toutes les sections,
tribus ainsi que de tous les peuples qui composaient les habitans
d’Athenes, quoiqu’il leur eut prouvé la fausseté de cette accusation.
Je suppose que le jour où il mourut, ses trois accusateurs s’in-
troduisirent dans sa prison en lui promettant la vie, la liberté, de
la fortune et des honneurs s’il voulait s’avouer coupable. Quand
aux paroles de Socrate et aux raisonnements de ses ennemis,
ainsi qu’aux diverses scenes de ce drame, on les trouve presque
en entier, dans Platon, Xenophon et Plutarque, je n’ai gueres eu
d’autre merite que de les mettre en ordre. »
La « scène première » montre Anytus, Mélitus et Lycon entrant
dans le vestibule intérieur de la prison ; dans la « scène seconde »,
intervient le geôlier ; à la « scène troisième » commence l’échange
entre Socrate, « les fers aux mains et les jambes engagées dans
une grosse pièce de bois », et ses trois juges ; le feuillet s’achève
sur cette phrase de Socrate : « Je reconnais pour agents de la
divinité, tous ceux de la nature. Il n’y en a point qui en soit une
aussi vive image que le soleil ».
228
SAINT-PIERRE BERNARDIN DE (1737-1814).
MANUSCRIT autographe (incomplet),
Loix de la nature
;
8 pages in-fol. (paginées 1 à 4 et 17 à 20) sur 4 feuillets de
papier bleuté.
2 000 / 3 000 €
Manuscrit de premier jet de réflexions sur les lois et les harmonies
de la nature
.
Thèmes de prédilection de Bernardin de Saint-Pierre, ces réflexions
doivent se rattacher au vaste chantier des
Harmonies de la nature
(1815, 3 vol.), ou au code du roman inachevé
L’Amazone
. Le manuscrit
présente de nombreuses ratures et corrections.
« Loix de la nature. Il y a sur la terre sept puissances permanentes
qui forment entre elles douze harmonies dans le cours de l’année.
Ces harmonies ce sont les ames des puissances. Voilà tout ce que
Dieu nous a permis d’entrevoir des loix qui gouvernent notre petit
monde. Lui seul connoît les causes. Il a permis à l’homme d’étudier
les resultats.
Des sept puissances de la terre
. Ces puissances sont
au nombre de sept. La premiere est céleste c’est la lumiere les six
autres sont terrestres. Ce sont l’air, l’eau, la terre, les vegetaux, les
animaux et l’homme.
De la puissance celeste ou de la lumiere
. La
lumiere est un element celeste. Elle paroit repandu dans toute la
nature et le principal agent de tous ses ouvrages. Elle est invisible
de sa nature, elle ne paroit qu’au lieu d’où elle part, et sur celuy ou
elle arrive. Le gerbe lumineux du soleil qui la nuit éclaire les planetes
ne laisse aucune trace dans les cieux. Un rayon, qui traverse le jour
l’obscurité d’une forest, est invisible, elle ne paroit que sur le sol ou
sur le feuillage qu’elle touche dans son cours. La lumiere est blanche.
Son absence donne la couleur […]. Si on renferme les trois couleurs
primitives dans un cercle vous aurés un triangle equilateral, premier
simbole de la trinité divine formée de trois personnes distinctes et
egales en puissance qui ne forment qu’un dieu, comme ces trois
couleurs diverses, et d’une seule etendue ne composent qu’un rayon
blanc. La lumiere paroit. Ce n’est donc pas sans raison, que Pythagore
l’a apellé le char des ames et Platon l’ombre de Dieu »... Etc.
Suivent d’autres rubriques traitant du soleil, de la puissance de l’air,
de la puissance de l’eau, de la puissance de la terre, de la puissance
de végétaux, de la puissance des animaux, etc.
227
228
229
SAINT-SIMON LOUIS DE ROUVROY,
DUC DE (1675-1755).
L.A.S. « Le Duc de S
t
Simon », La Ferté 3 décembre 1744, à
Marc-Pierre, comte d’ARGENSON, ministre et secrétaire
« ayant le dep
t
de la guerre » ; 1 page in-4 très remplie (petit
cachet encre des
Archives d’Argenson
).
3 000 / 4 000 €
Sur la maladie de sa belle-fille la marquise de Ruffec, et le fief qui
risquerait d’
échapper à sa famille en cas de décès.
[Le fils aîné de Saint-Simon, Jacques-Louis (1698-1746), duc de RUFFEC,
à qui son père a transmis sa qualité de duc et pair, avait épousé en
1727 Catherine-Charlotte-Thérèse de Gramont (1707-1755). Son second
fils Armand-Jean (1699-1754), marquis de RUFFEC, avait épousé en
1733 Marie-Jeanne-Louise Bauyn d’Angervilliers (1711-1761), qui avait
reçu de son père, intendant d’Alsace, lors de son premier mariage
avec le marquis de Maisons, le fief du Banc de la Roche (Zuinstein)
en Basse-Alsace. Le comte d’Argenson avait la province d’Alsace
dans son département, et le marquis de Ruffec désirait obtenir, en
cas de veuvage, la survivance de ce fief. On sait que Saint-Simon était
très attaché à l’éclat de sa maison, et il avait déjà sollicité le comte
d’Argenson à ce sujet. Le marquis de Ruffec héritera du titre de duc
à la mort de son frère ; n’ayant pas eu d’enfant, il fera de sa nièce
Marie-Christine, fille du duc, dite « Mademoiselle de Ruffec » (1728-
1774), qui avait épousé en 1749 le comte de Valentinois, sa légataire
universelle, et lui transmettra sa grandesse d’Espagne.]
« Je ne me douttois pas Monsieur d’avoir a vous importuner si tost
du memoire dont j’eus l’honneur de vous parler a Versailles, que je
joins icy, & sur lequel vous me répondistes si gracieusement. Par
une lettre que je reçois aujourdhuy du M[arquis] de Ruffec d’hier,
229
j’apprends que samedy d[ernie]r nov[embre] sa femme deja plus
incomodée qu’a l’ordinaire, & au lit depuis quelques jours, se trouva
tres mal d’estouffements violents, & d’un mal de teste insuportable ;
que l’agitation fut grande la nuit ; que VERNAGE [médecin] la fit saigner
du pied deux fois ; & qu’apres la seconde, la fievre a éclaté, sans que
les accidents soyent diminués. Cela sent bien une fievre maligne, qui
me fait dautant plus craindre, que sa santé est fort mauvaise depuis
longtemps. Vous jugés bien que si nous avions le malheur de la
perdre, ce fief seroit demandé par mil gens, & outre la douleur qui
empecheroit mon fils de penser a rien, il a la goutte à une main & un
peu dans la teste. Je ne puis quitter le D[uc] de Ruffec dans l’estat ou il
est, & au moment que j’apprends encore que sa femme sera demain
icy. Je suis honteux dans l’accablement des plus grandes affaires ou
vous estes, de vous parler de celles de ma famille, mais vous m’aves
permis de si bonne grace de compter sur l’honneur de vostre amitié,
que dans cette confience je vous explique le malheureux estat des
choses, & m’abandonne sans reserve a vos bontés aupres du Roy
pour une grace que l’estat de mes affaires rend si importante au M.
de Ruffec qui n’a point d’enfants. Vous ne doutteres pas s’il vous plaist
Monsieur de toute ma reconnoissance & des sentiments les plus vrais
avec lesquels je suis vostre tres humble & tres obeïssant serviteur »...
Les Siècles et les jours. Lettres
… (éd. Y. Coirault), n° 335, p. 575.