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les collections aristophil
littérature
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SADE DONATIEN-ALPHONSE-
FRANÇOIS, MARQUIS DE
(1740-1814).
MANUSCRIT autographe,
Plan
,
[vers 1775 ?] ; 2 pages in-4 (fortes
mouillures, avec quelques déchirures
et manques).
3 000 / 3 500 €
Sur ses projets d’ouvrages historiques
sur l’Italie.
« Mon histoire de Florence se faira sur
MACHIAVEL
que j’attends qui va de la
fondation en 1492 ;
GUICHARDIN
qui prend
de 1490 à 1534 ;
VARILLAS
[
Les Anecdotes
de Florence, ou l’Histoire secrète de la
maison de Médicis
, La Haye, 1685] qui
prend à la naissance des Medicis jusqu’à
l’avant dernier duc vraisemblablement ;
et les notes de Florence depuis l’avant
dernier duc jusqu’à présent.
L’histoire romaine je la fairai sur Laurent
ECHARD qui va depuis la fondation jusqu’à
Constantin », mais il aura besoin d’une
« bonne histoire des papes » pour la
suite… « Celle de Naples, sur Giannone
[...] Je n’ai foncièrement à desirer que
la fin des annalles de St Marc qui doit
amener jusqu’à nos jours »… Il ajoute une
Note
à l’intention de son collaborateur :
« Pour remplir votre histoire de Rome
depuis Constantin, l’histoire des papes
ne vous suffira pas. Il vous faudra les
volumes couchés de Le Beau, et après
les annales d’Italie ; les papes je crois
tiendront trop à la religion et pas assez à
l’histoire profane »….
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SADE DONATIEN-ALPHONSE-
FRANÇOIS, MARQUIS DE
(1740-1814).
L.A., [Vincennes 1777 ou 1778] « samedi
à 5 heures du soir », à SA FEMME,
« A Madame Madame de Sade à
Paris » ; 2 pages in-4, adresse.
5 000 / 6 000 €
Curieuse lettre sur un projet de résidence
surveillée pour quitter son cachot de
Vincennes, en évitant un transfert dans
une citadelle en Provence
.
La lettre est écrire « 6 heures après celle de
M. LE NOIR » [lieutenant général de police]
« Voici une idée qui me vient qui est si rais-
sonnable que je suis sur que vous l’accep-
terez a moins que ce ne soit decidement mon
mal, et le deshoneur de vos enfants que vous
preferiez a tout. Si vous reflechissiez sur ma
conduite en tout ceci vous me loueriez au
lieu de me blamer, et vous sentiriez que ce
nest uniquement que le bruit, le tapage et
l’esclandre que je veux eviter, et nullement
mon bien etre que je cherche ». Il veut éviter
ce tapage « pour le tort irreparable qui en
rejaillit sur vos enfants. La preuve de ce que
je vous dis la, est que j’aime mieux le plus
infame cachot sans esclandre, que l’habi-
tation de Paris meme, au prix de tous vos
tumultes et de tous vos tapages ordinaires ».
Il s’est rappelé que « de Vaux [M. de VAULX,
gentilhomme français rencontré en 1772 à
l’auberge de la Pomme d’or à Chambéry, au
retour du voyage en Italie, qui est devenu son
ami, et essaya de faire évader Sade du fort
de Miolans] a une petite campagne aupres
de Montelimart. Prenez quelqu’arrangement
avec lui pour que je ne lui sois pas a charge,
et obtenez moi d’aller m’enfermer la, ou
tout seul, ou avec lui seul quand il voudra
bien m’y venir tenir compagnie. Là je vous
attendrai puisquil paroit par votre lettre quil
n’est question que de cela
un an, deux
sil le
faut et je donne à M. LE NOIR ou à qui l’on
voudra ma parole d’honneur la plus formelle
de ne pas sortir l’enclos de son jardin, et
soyez sure qu’en bien, comme en mal quand
j’aurai donné ma parole je la tiendrai. Point
d’esclandre […] point de tapage, personne
ne le scait, aucune nouvelle de repandue au
lieu qu’en cette citadelle, ou jamais on n’a vu
arriver de prisonnier, vous pouvez compter
que toute la ville sera sous les armes […] et le
lendemain vous pouvez être sûre que ce sera
imprimé dans les nouvelles de la province.
Acceptez mon idée elle est bien raisonnable,
comptez sur ma parole ; n’ayiez pas peur
que je m’écarte jamais d’un plan que j’aurai
prescrit moi meme. A l’egard du chemin je
m’y rendrai sur ma parole au jour et a la
minute qui me sera prescrit sous peine de
dix ans de Vincennes »...
En seconde page, un précis sur la « Maniere
de faire voiyager un homme avec plus de
sureté encor sil est possible qu’avec un
exempt et cependant sur sa parole. – Le
commandant de Vincennes (je suppose)
lui remet l’ordre du roi, et une route. Cette
route est arrangée par diné et par couché,
observant de faire toujours tomber les altes
dans de gros endroits, afin que s’y trouve
ou un bailli, ou un brigadier au moins de
marechaussée ». À chaque arrêt, le prison-
nier « va prendre un certificat chez le bailli
ou le brigadier, qu’il fait partir sur le champ
à l’adresse de M. Le Noir. […] On previent
qu’au premier qui manquera, on mettra toute
la marechaussée de France apres lui, pour
le ramener en prison pour sa vie, il en signe
l’aveu avant de partir […] Veut-on une sureté
de plus ? On fait courir un espion derriere,
qui muni de lettres met a linstant toute la
marechaussée apres, sil voit son homme
s’écarter d’une ligne, mais cet espion ne
fait que suivre, ne lui parle jamais et n’a ni
l’air de le connaître, ni jamais celui d’être
ensemble. Je me soumets a cette marche
la si l’on veut », elle évite celle avec l’exempt
« et l’esclandre, et cette abominable com-
pagnie la, et je donne vingt mil francs et la
moitié de mon sang pour l’eviter.
A
mblet
[son
précepteur] vous dira ce que c’est que cette
route par le Bourbonois et le Vivaret et sans
passer par Lion »...
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SADE DONATIEN-ALPHONSE-
FRANÇOIS, MARQUIS DE
(1740-1814).
L.A., [Vincennes, avril 1778] à SA
FEMME ; 2 pages in-4.
7 000 / 8 000 €
Longue lettre pleine de violente colère,
écrite de sa prison au donjon de Vincennes
.
« Votre ruse ne vaut rien elle est devinée, et
vous vous etes vous meme jettée dans le
piege que je vous tendois pour decouvrir
si le docteur etoit gagné ou non, il l’est je
n’en doute plu je savois bien qu’en vous
faisant comprendre mon dégout à pour-
suivre ce commerce vu ce qu’il me couteroit
inutilement si je ne devois pas continuer
l’ouvrage qui en est le motif. Vous deviez
nécessairement par une contrefeinte me
faire entendre que je devois toujours ecrire
quelque rencheri que ce docteur se montrat
et appuiyer meme sur cette circonstance,
suggerée peutetre par les lettres que vous
aves ecrites à cet homme. Me voila au fait et
votre conductrice aidée de
son Albaret
n’a
pas encor asses de finesse pour qu’on ne
puisse, sans sortir de sa chambre demeler
toutes ses fourberies. »
À propos du domestique ALBARET, il ajoute :
« Cest en fremissant que je nomme un drôle
pris d’abord chez moi par charité parce que
sa mauvaise conduite l’avoit mis sans feu ni
lieu, ouvertement convaincu d’excroqueries,
de vols, et d’autres horreurs que la decence
ne permet pas de nommer ; renvoyé de
chés moi par les mauvais propos quil osat
tenir et sur votre mere et sur ce qui l’en-
toure […], adopté ensuite par cette meme
femme dont il avoit dechiré la reputation et
la famille, devenu son confident le factotum
de son fils, l’aigle et le conseil de la maison,
votre conducteur dans un voiyage important,
l’homme préposé pour aller mettre de l’ordre
dans mes terres, celui peutetre qu’on veut
mettre aupres de mes enfants (mais qu’on
n’imagine pas que je le souffre) oui cest en
fremissant qu’on nomme un tel scelerat, et
pour voir de telles absurdités de la part de
votre famille, un tel aveuglement, il faut avoir
bien de la philosophie »…
L’autre domestique Mesnil ne vaut guère
mieux, et Sade a enfin compris sa fausseté.
Sade réclame ce qu’il a demandé, « et cessez
de m’induire plus longtemps dans de fatales
erreurs dont l’unique but, digne des deux
creatures qui vous conduisent est de me
jetter dans le desespoir chaque fois qu’echoit
l’époque dont vous cherchez à m’amuser.
C’est une infamie à ceux qui vous dirigent.
Quand j’aurois boulversé l’état encor un
coup, on ne me traiteroit pas avec tant de
furie, ni ne me laisseroit gemir aussi long-
temps dans une aussi cruelle captivité, qu’on
me mette au moins dans un fort, comme tous
les prisonniers de famille ! Qu’ai-je fait pour
etre dans la maison de force du gouverne-
ment ! Il est inoui de punir aussi cruellement
un homme qu’on n’a pas entendu, dont on
ignore les defenses, et cela sur le rapport de
cet ostrogoth de Castillon, car vous sentez
bien que je commence à decouvrir le nœud,
et que ces beaux services qui devoient nous
disoit-on nous le faire regarder comme un
pere ne sont que des fourberies et des
calomnies atroces de cet imposteur, ami de
celui de Marseille, conspirant tous les deux à
ma perte, et devenus par cela seul bien chers
aux yeux de celle qui, depuis si longtemps
ne ruminoit que les memes projets. Libre
comme detenu je penserai toujours de meme
soyiez en sure ; ma situation ne changera
point mes pretendus torts, personne ne scait
mieux que moi de quels especes ils sont, et
je vois bien que je suis beaucoup plus puni
que ne l’exigent ces torts »...
Quant au délit dont il est accusé, notamment
par sa belle-mère et le fourbe Castillon, il peut
prouver « que ce pretendu delit n’existe pas
et que les choses arrachées par sa fourberie
et sa mechanceté, à un pretendu temoin
(qui ne pouvoit pas l’être) n’ont pas le plus
leger fondement, et que pour preuve je lui
conduirai d’une main les personnes quil ose
m’accuser d’avoir lezées en lui brulant la
cervelle de l’autre »… On saura que Mme de
MONTREUIL « ne cherchoit qu’à perdre son
gendre, alors par mes soins le public eclairé
apprendra les motifs de cette double com-
plication d’horreurs, et je m’éloignerai pour
jamais d’un pais aussi detestable que barbare,
où le credit et l’or font tout, et où le crime
opulent scait toujours écraser l’innocence.
Quant à ce qui vous regarde je vous ai tou-
jours rendu justice et je vous la rendrai tou-
jours, vous avez été contrainte à faire ce que
vous avez fait je n’en doute pas, mais ceux
qui vous y ont obligé sont des monstres,
dont le dernier degré possible d’infortune
ou la mort ne satisfairoit que faiblement ma
vengeance ; adieu voila les sentiments qui
ne me quitteront qu’avec la vie. »
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