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les collections aristophil

littérature

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SADE DONATIEN-ALPHONSE-FRANÇOIS,

MARQUIS DE (1740-1814).

L.A.S. « Sade », [Charenton] 14 janvier 1812, à son avocat

Gaspard-François

GAUFRIDY

à Apt ; 3 pages in-4, adresse

(déchirure par bris de cachet avec perte d’un mot ; petite

fente au pli).

3 000 / 4 000 €

Sade essaie de trouver de l’argent, et se demande ce qu’il peut

récupérer de ses anciens droits féodaux.

« Je vous rends mil et mil graces mon cher avocat de toutes les peines

et soins que vous allez vous donner pour me faire passer une liste

exacte de tous ceux qui me doivent des pensions, soit à Mazan, La

Coste et principalement à Saumane. Je vois avec douleur quil me

sera difficile de tirer quelque chose de ces objets cependant vous etes

vous-même temoin qu’au dernier voiyage que je fis à Saumane et ou

vous vous trouvates, ces bonnes gens, (quoique dans le regime de la

terreur) m’en payerent pour plus de deux mille francs ; pourquoi ne

fairait-il pas à present ce quils consentirent à faire dans un temps si

difficile ». Il précise que François, le fils de Gaufridy, partagea son avis

lors de sa venue à Paris ; mais « cet objet vous a fait éprouver des

difficultes et pourquoi ? Voila ce que je n’entends pas puisque voila les

propres expressions de la loi ». Il retranscrit ici deux extraits, soit dix

lignes, du document en question définissant « les droits seigneuriaux

rachetables », et interroge : « Ai-je donc tort de m’appuyer sur cette

loi et d’agir en consequence lorsque vous m’aurez muni du nom des

particuliers contre lesquels j’ai des reclamations à faire ». L’homme

d’affaires MAYER, à qui il s’est adressé, « me parle a peu pres dans

le meme sens que vous ; ne sera-t-il donc pas possible d’obliger

les particuliers à separer, et à ne point payer sans doute ce qui tient

a la feodalité d’avec ce qui tient a la concession de fond, et de me

payer seulement cette seconde partie, enfin je vais entrer en lice et

nous allons voir une fois que vous m’aurez directement adressé les

papiers que vous me promettez »…

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SADE DONATIEN-ALPHONSE-FRANÇOIS,

MARQUIS DE (1740-1814).

MANUSCRIT

autographe,

Noms employes dans cet

ouvrage

, [1812] ; 2 pages petit in-4 (petit manque de papier

à un coin inférieur sans toucher le texte).

2 000 / 2 500 €

Sur son roman

Adélaïde de Brunswick

.

[Ce roman héroïque, tiré d’un récit historique du XI

e

siècle, écrit en

1812, ne sera publié qu’en 1964 par les soins de Gilbert Lely.]

Liste de 18 noms des personnages du roman : « Frederic prince

de Saxe / Adelaide de Brunswic sa femme / Louis de Thuringe son

cousin »… etc.

Au verso, Sade a noté : « J’ai commencé cet ouvrage le 1

er

de 7

bre

1812

le brouillon a été fini le 4 8

bre

. J’ai mis huit jours à corriger le brouillon,

ce qui a mené au 12 8

bre

, et je commence le net le 13 8

bre

1812 et fini

le 21 9

bre

39 jours de copie. […] C’est le 4 X

bre

que tout est absolument

fini, et que j’emballe ces brouillons. – En tout 3 mois 4 jours ».

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SAINT-PIERRE BERNARDIN DE (1737-1814).

L.A.S. « De Saint Pierre », Paris 28 octobre 1779, [à Pierre-

Michel HENNIN] ; 2 pages et demie in-4.

2 000 / 2 500 €

Belle lettre où il prend la défense de son frère emprisonné à la

Bastille, et où il fait appel aux grâces du roi pour pouvoir continuer

ses travaux pour les

Études de la Nature

, et pour pouvoir subsister

.

[Dutailly de Saint-Pierre, frère cadet de Bernardin, s’était engagé

au service des insurgents d’Amérique, mais accusé faussement de

trahison au profit des Anglais, il avait été arrêté et emprisonné à la

Bastille, où il perdit la raison. Bernardin tenta d’intervenir en sa faveur,

notamment auprès de son protecteur et ami Pierre-Michel HENNIN

(1728-1807), homme de lettres et de sciences, alors secrétaire de

Vergennes, secrétaire d’État aux Affaires étrangères de Louis XVI.

Bernardin de Saint-Pierre, revenu de sa mission à l’Isle de France

(Maurice) et Madagascar, avait publié en 1773 son

Voyage à l’île de

France, à l’île Bourbon et au cap de Bonne-Espérance

, sans grand

succès. Il travaille alors, dans la solitude et la plus grande misère, à

ses Études de la Nature, dont la publication en 1784 remportera un

très grand succès.]

Il rappelle à son ami sa promesse de demander à LE NOIR (lieutenant

général de police) « ce qu’il pense de l’affaire du prisonnier. Je vous

en rappelle la memoire et je vous prie de scavoir de lui ce qu’il auroit

à craindre s’il se trouvoit coupable, et à espérer s’il est innocent.

Tachés de scavoir encore si on a fait des informations dans le pays

et si elles lui sont contraires ou favorables. Il m’est impossible de rien

ajouter à sa deffense si on me cache les griefs, qui peuvent survenir.

S’il ne s’en presente pas de nouveaux l’innocence de l’accusé me

paroit démontrée car que seroit ce qu’une conjuration où il s’agit de

la subversion d’une vaste province formée par un seul conjuré ! »

Il le prie aussi de l’aider « dans la distribution des graces du Roy.

J’en ai grand besoin. Je compte plus sur votre service que sur les

miens, quoique j’aye employé de tout mon pouvoir ma personne

et ma plume, pour votre departement. Je suis à l’emprunt, et je n’ai

rien à attendre qu’au mois de fevrier de l’année prochaine. Si je ne

suis pas aidé, je succomberai au milieu de mon travail, sans que

ce que j’en laisserai, puisse être d’aucune utilité, s’il n’est pas mis

en ordre. Puisse le ciel en recompense des bons offices que vous

m’avés promis vous faire vivre un jour dans les pays fortunés que j’ai

décrits. Si j’avois été assés heureux, pour rassembler cent familles

infortunées et les rendre aux loix de la nature dans quelque isle de

la mer du Sud j’aurois preferé mille fois ma gloire à celle de Cortès.

On est toujours trop vieux pour faire le bien, mais on est toujours

assés jeune pour le conseiller. Que m’importe, j’aurai presenté de

beaux tableaux, j’aurai consolé, fortifié et rassuré l’homme dans le

passage rapide de la vie.

La nature a un ensemble magnifique, et nos sciences ne nous en

presentent que les débris. Nos academies ne recueillent que des

phenomenes et des monstres qu’elles exagerent. Si je peux montrer

la douce chaine de ces loix j’aurai servi ce me semble, la religion et

l’humanité, en rendant l’empire à la divinité, et à l’homme sa confiance.

Si je succombe au milieu de ces travaux entrepris parmi les maux

et les orages domestiques au moins j’aurai eu du plaisir à vivre et

j’en aurai encore à mourir. J’ai, suivant le conseil d’Horace, essayé

longtems ce que mes epaules pouvoient porter, je me suis exercé

dans la solitude. J’ai esquissé des paysages etrangers, des mœurs qui

ne sont pas les notres, et dans ces essais j’ai eu le plaisir de voir de

beaux yeux me donner des pleurs. J’ai osé alors m’avancer jusques

dans le temple de la nature, et etudiant le langage dont elle parle aux

hommes, j’ai emprunté tour à tour ce que ses illusions ont de plus

touchant, et ce que sa sagesse a de plus lumineux. Mes materiaux

sont épars, j’attends un peu de bonheur pour les rassembler. C’est

peutetre vous qui etes destiné à operer quelque revolution heureuse

dans ma fortune, vous qui y etes intervenu dans un tems de crise.

Alors je voulois mourir pour ma patrie et je le voudrois bien encore

s’il ne me paroissoit plus utile maintenant de vivre pour elle ».

Il propose de lui apporter quelques manuscrits, pour « vous distraire

des troubles politiques, par la lecture de mes essais, […] ils sont

imparfaits mais il y a des images qui ont interessé. Je les ai negligés,

pour de plus importans que je ne communiquerai que quand je leur

aurai donné la perfection dont je suis capable »...

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