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moralement ou pécuniairement par ceux qui exploitent, il faut bien en prendre son parti, et aller de l’avant ». Elle conseille à Lafontaine

de ne pas attendre

Mauprat

pour débuter à ce théâtre. « Je ne pourrai travailler à

Mauprat

qu’au mois de juin. Je fais un roman qui finira

dans le courant de mai. Il est probable qu’en juillet la pièce sera prête. Il faudrait tâcher de nous voir à ce moment-là si vous étiez libre

pour une quinzaine de jours, nous essaierions sur notre

théâtre-tabatière

de Nohant, sinon de jouer toute la pièce, si nous manquons de

personnages, du moins certaines parties où on vous donnerait la réplique en jouant tant bien que mal avec vous. Mais ceci n’est qu’un

plaisir que nous prendrions en famille, et qui m’est utile à moi pour la confection de la pièce, car croyez bien que je n’ai pas besoin de

vous voir essayer pour savoir que vous jouez admirablement bien n’importe quel type. Seulement ce sera un très grand plaisir pour nous

de vous avoir quelque temps dans notre atelier

rustico-dramatique

, et en vous amusant, même à des improvisations avec mes enfans, vous

pourriez me donner l’idée pour vous de quelque type neuf au théâtre, et faisant valoir des qualités que vous n’avez pas eu l’occasion de

mettre en lumière »… Quant à Bignon : « Pour rien au monde je ne lui retirerais le rôle que je l’ai prié d’accepter, il ne faudrait même

pas lui en montrer du regret car il serait capable de croire que vous parliez d’après mon désir, et il m’offrirait de vous le laisser, avec

empressement. Mais je jouerais là un rôle désobligeant envers lui, et je serais désolée d’avoir un tort vis-à-vis de cet excellent artiste et

de cet excellent ami »...

Correspondance

, t. XI, p. 91.

211.

George SAND

(1804-1876). L.A.S., Nohant 14 janvier 1854 [pour 1855], à Mme

S

aint

-A

ubin

D

eslignières

 ; 1 page in-8

à l’encre bleue.

200/300

É

mouvante

lettre

sur

sa

petite

-

fille

J

eanne

C

lésinger

,

dont

S

and

ignore

alors

la mort

dans

la

nuit

(des suites d’une scarlatine ;

elle avait été mise par son père dans la pension de Mme Deslignières).

« Je vous remercie, Madame, et vous supplie de me faire donner tous les jours des nouvelles de ma pauvre Jeanne. Je n’en espère pas

de bonnes, pourtant, je vois par votre lettre que son état est grave puisque vous ne me dites ni ce qu’elle a, ni ce qu’en pense votre

médecin. Je suis navrée »...

Correspondance

, t. XXV, S 778.

212.

George SAND

.

M

anuscrit

autographe signé,

Autour de la table

, septembre 1856 ; 32 pages in-8.

3 000/4 000

M

anuscrit

complet d

un article de

critique dialoguée

. C’est l’avant-dernier d’une série de huit articles publiés dans

La Presse

du 24

juin au 25 octobre 1856 sous le titre

Autour de la table

, et recueillis en 1862, avec d’autres articles, dans un volume qui porte ce titre,

chez l’éditeur Dentu. Celui-ci, paru le 26 septembre 1856 sous le numéro VII, deviendra le dernier (VIII) dans le volume.

Le manuscrit, à l’encre bleue, présente de nombreuses ratures et corrections. Il est daté en tête « 15 7

bre

1856. Montfeuilly » [20

septembre dans

La Presse

et le volume], le lieu fictif de Montfeuilly n’étant autre que Nohant. Autour d’une table, se réunissent

les membres de la famille et l’auteur, dont Théodore, Julie, Louise, qui interviennent dans cet article pour discuter des « auteurs

nouveaux », et d’abord du

Livre du bon Dieu

d’Édouard

P

louvier

, avec des musiques de Joseph

D

arcier

. C’est l’occasion de débattre de

« l’association du chant et de la poésie ». À Julie qui soutient que la musique prime sur les paroles, Théodore répond : « Je vous accorde

que les paroles doivent être très simples, parce que la musique, étant une succession d’idées et de sentimens par elle-même, n’a pas

besoin du développement littéraire, et que ce développement recherché et orné lui créerait une entrave et un trouble insurmontables. Je

crois que de la musique de

B

eethoven

sur des vers de

G

oethe

(à moins qu’ils n’eussent été faits

ad hoc

, et dans les conditions voulues)

serait atrocement fatigante. Mais, de ce que j’avoue qu’il faut que le poëte s’assouplisse et se contienne pour porter le musicien, il n’en

résulte pas que j’abandonne, comme vous, le texte littéraire à un crétinisme de commande. Nous sommes, du reste, en progrès sous ce

rapport et j’ai entendu, dans ces derniers temps, des opéras très bien écrits et d’excellens ou de charmants vers qui ne gênaient en rien

la belle musique : entr’autres la

Sapho

de

G

ounod

, dont Émile Augier avait fait le poëme. Et si vous voulez monter plus haut encore

dans la région de l’art, vous reconnaîtrez que le

Dies irae

de

M

ozart

doit l’ampleur sublime de son style à la couleur sombre et large du

texte latin »... On lit les poèmes de Plouvier, et on en fait l’éloge, les rapprochant des

Contemplations

de Victor Hugo : « Vous verrez que,

chez les poëtes vraiment inspirés de ce tems-ci, la réhabilitation par l’expiation est annoncée, et que cette doctrine, sortant victorieuse

de la démonstration philosophique, a trouvé dans l’art son expression éloquente et sa forme vulgarisatrice. C’est la prédiction du progrès

indéfini, c’est la bonne nouvelle des âges futurs, l’accomplissement des temps, le règne du bien vainqueur du mal par la douceur et la

pitié ; c’est la porte de l’enfer arrachée de ses gonds, et les condamnés rendus à l’espérance, les aveugles à la lumière ; c’est la loi du

sang et la peine du talion abolies par la notion du véritable Évangile […] Le dix-neuvième siècle a pour mission de reprendre l’œuvre de

la Révolution dans ses idées premières. […] Nos poëtes descendent aujourd’hui dans l’arène du progrès pour purifier le siècle nouveau,

et cette fois leur tâche est à la hauteur d’un apostolat »…

On parle ensuite de

La Tentation

du poète italien Giuseppe

M

ontanelli

, « un des hommes dont s’honore l’Italie patriotique et

littéraire », grand poème dominé par « l’idée de douceur, de chasteté, de dévouement et de pitié », dont Théodore résume les différents

chants, peignant la lutte du Christ contre Satan ; mais c’est aussi « une œuvre philosophique et patriotique […] une large esquisse

symbolique de l’histoire de l’Italie », par un homme appartenant « à la politique révolutionnaire libérale de son pays », qui conclut à

« l’alliance avec la monarchie sarde pour sauver la nationalité italienne » …

On finit par

La Mort du Diable

de Maxime

D

u

C

amp

 : « La forme est un mélange de tristesse, d’ironie et d’enthousiasme : c’est ce

que l’on peut appeler de

l’humour

, et vous verrez que cela mène à une conclusion philosophique […] Théodore nous lut ce poëme

remarquable, abondant, facile, un peu trop facile parfois, mais dont les longueurs sont rachetées par des traits brillants et un sentiment

profond »... On en conclut qu’il « est bien temps que l’homme soit guidé vers le bien par l’idée du beau, et que le laid périsse en prose

comme en vers. […] C’est par la foi, ce rêve sublime, que tout ce à quoi l’homme aspire devient une certitude, une conquête, une réalité ».

Reproduction en 1

re

page de couverture