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GAUGUIN, Paul.

Lettre adressée au critique André Fontainas

.

Tahiti, mars 1899

.

Lettre autographe signée

Paul Gauguin

, 6 pages grand in-8 [245 x 150 mm], en-tête des

“Établissements français de l’Océanie”. Conservée dans une boîte en maroquin lavallière

avec fenêtre en plexiglas.

“Ce n’est point une réponse, mais une simple causerie d’art.”

En janvier 1899, dans le

Mercure de France

, André Fontainas avait rendu compte de l’exposition des

peintures de Gauguin chez Vollard et son avis était plutôt réservé : “Je n’aime pas beaucoup l’art

de Gauguin […]. J’ai du moins senti naître et s’affirmer en moi une estime sûre et profonde pour

l’œuvre grave, réfléchie, sincère du peintre. J’ai cherché à comprendre. […] En tout cas, je n’ai jamais

été transporté ni ému”…

Après lecture et pour la première fois de sa vie, Gauguin décida de répondre. Il ne prétendait pas

emporter l’adhésion du critique, mais il s’efforça de lui expliquer le sens de sa démarche : “Ce n’est

point une réponse, lui dit-il, mais une simple causerie d’art”…

Le manifeste d’un art nouveau.

En fait de “simple causerie”, cette lettre est si riche et si diverse qu’elle prend les allures d’un véritable

manifeste : Gauguin y évoque la difficulté de peindre, le langage des couleurs, les correspondances

musicales et littéraires (Beethoven, Mallarmé, Verlaine), son intransigeance (“L’État a raison de

ne pas me commander une décoration dans un édifice public”), il convoque Delacroix et Puvis de

Chavannes – pour louer l’un et moquer l’autre – et revendique hautement sa liberté : “Voilà une

lutte de 15 ans qui arrive à nous libérer de l’école, de tout ce fatras de recettes hors lesquelles il n’y

avait point de salut, d’honneur, d’argent. Dessin, couleur, composition, sincérité devant la nature,

que sais-je. Hier encore, quelques mathématiciens nous imposaient […] des lumières, des couleurs

immuables. Le danger est passé. Oui, nous sommes libres et cependant je vois luire à l’horizon un

danger. […] La critique d’aujourd’hui, sérieuse, pleine de bonnes intentions et instruite tend à

nous imposer une méthode de penser, de rêver, et alors ce serait un autre esclavage.” Il termine en

implorant l’indulgence de son correspondant, indulgence dont il a besoin “pour [sa] folie et [sa]

sauvagerie”…

Gauguin mit en exergue de sa lettre quatre vers de Verlaine (qu’il avait rencontré à plusieurs

reprises), extraits de

Sagesse

:

Un grand sommeil noir

Tombe sur ma vie :

Dormez, tout espoir,

Dormez, toute envie !

Verlaine

Monsieur Fontainas,

Mercure de France nº de janvier deux articles intéressants Rembrandt – Galerie Vollard. Dans ce dernier il

est question de moi : malgré votre répugnance vous avez voulu étudier l’art ou plutôt l’œuvre d’un artiste qui ne vous

émotionne, en parler avec intégrité. Fait rare dans la critique coutumière.

Musique,

couleurs,

poésie,

peinture…

Sans doute

la plus belle

lettre de

Gauguin

sur son art