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922

BARRÈS, Maurice.

Le Voyage de Sparte

.

Paris, Librairie Félix Juven, 1906

.

In-12 [187 x 118 mm] de 300 pp., (2) ff. : demi-maroquin tabac à coins, dos à nerfs orné,

non rogné, tête dorée, couverture et dos conservés

(Semet & Plumelle)

.

Édition originale : elle est dédiée à la comtesse Anna de Noailles.

Exemplaire sur papier d’édition. (Il a été tiré 10 Japon et 20 Hollande.)

Le récit inspiré du pèlerinage de Maurice Barrès en Grèce au printemps 1900 prend figure de

manifeste et dresse le bilan d’un séjour qui l’avait déçu, au point de le ramener encore à sa terre

et à son héritage propres.

Précieux envoi autographe signé à l’encre violette sur le faux-titre :

à Marcel Proust,

son ami,

Maurice Barrès

Du “prince de la jeunesse” à l’un de ses disciples inavoués.

Les rapports qu’entretinrent Proust et Maurice Barrès, l’aîné de neuf ans dont certains traits ont

été empruntés pour le personnage de Bergotte, furent complexes ; si l’influence barrésienne est

manifeste dans son œuvre, l’auteur de la

Recherche

s’évertua à prendre ses distances en public,

raillant son “amour du poncif” ou dénonçant son nationalisme anti-dreyfusard. “Toute sa vie

Proust se flatte d’avoir résisté à Barrès, à son ironie glacée, et de son côté Barrès se méfie de Proust,

affiche sa condescendance avant d’en être réduit au dépit étonné devant la gloire du romancier en

1921. [...] Le prestige de Barrès va toucher d’un rayon oblique certaines pages proustiennes et le

préparer à des révélations importantes” (Anne Henry).

Les deux écrivains se rencontrèrent sans doute dans le salon d’Anna de Noailles dont ils étaient des

familiers ; c’est aussi là, en 1905, qu’ils se réconcilièrent après avoir pris des positions radicalement

opposées lors de l’Affaire Dreyfus. Ainsi, en janvier 1906, quelques semaines avant la publication

du

Voyage de Sparte

, Proust avait adressé à Maurice Barrès une lettre fameuse le remerciant de ses

attentions lors du décès de sa mère : “Si je n’étais malade il y a bien longtemps que je vous aurais

remercié d’avoir été si bon pour moi, dans cette lettre que j’ai souvent relue. Il me semblait que

Maman la lisait avec moi, que nous l’admirions ensemble […].”

Les tribulations

en Grèce d’un

Chateaubriand

pince sans rire

Fin février 1906, Marcel Proust adressait une longue critique à l’auteur de “ce merveilleux

Voyage de Sparte

” qu’il a lu avec attention. Aux éloges sur “la fécondité incessante du style”

ou “l’admirable comique qui enchante plus que Molière parce qu’il est plus près de nous”,

le romancier ajoutait des réserves. “Les quatre vingt premières pages du livre sont il me

semble le chef d’œuvre d’un des deux Barrès qui est en vous, du Chateaubriand pince sans

rire, et qui pince vraiment, qui plus embrasse que Chateaubriand ce qui ne l’empêche pas de

plus exactement étreindre.” Il lui reproche cependant “des pages stériles que vous avez laissé

mâcher par les chèvres et où vous vous êtes «souvent ennuyé comme ici». Même des épithètes

de louanges mises avec ennui et froides. […] Quant à l’autre Barrès, le divin mélodiste, jamais

il ne fut plus inspiré que dans la seconde partie du volume et dans la dédicace” – à leur amie

commune Anna de Noailles.

Maurice Barrès (1862-1923) assista à l’enterrement de Proust et, s’adressant à Mauriac au

cimetière du Père-Lachaise, il aura cette réflexion : “Enfin, ouais… c’était notre jeune homme !”

Bel exemplaire.

Des bibliothèques

Jacques Guérin

(24 nov 1986, n° 9) et

Louis de Sadeleer

, avec ex-libris.

6 000 / 8 000 €