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“Dis-moi ce que tu penses, ne me rassure pas perfidement, oui, ce serait perfidie,

songes-y bien, Adèle, que de me tranquilliser à tort. Dis-moi la vérité, toute la vérité,

il faut que je la sache, afin de vivre ou mourir.

[…]

Mon Adèle, dis-moi de moins

penser à toi, de moins t’écrire – mais non, ne me parle pas ainsi, car je croirai que tu

ne m’aimes plus et d’ailleurs je ne pourrais t’obéir.

[…]

Tu vas à présent trouver que

je t’écris trop. Mais que veux-tu ? C’est ta faute. Pourquoi t’es-tu fait adorer de ton

pauvre mari ?”

Les doutes sur l’amour d’Adèle submergent Hugo dans la troisième lettre,

datée du “dimanche 9 h½” [9 ou 16 juin 1822] :

“Mon sommeil dépend de ton adieu.

[…]

Oh ! Dis-moi, oui, dis-moi, répète-moi

que ce n’est pas de l’indifférence, mais… qu’est-ce donc alors ? – tout, plutôt que de

l’indifférence.

[…]

Adèle, puisses-tu toujours bien dormir, quand même ce serait la

nuit de ma mort ! – mais non, tu m’aimes, tu m’aimes, n’est-ce pas, ange ? Je n’ai

besoin que de cette conviction dans la vie, mais j’en ai tant besoin !”

Les tourments de l’amour sont encore présents dans la quatrième missive,

datée du “jeudi 9h du soir” [25 juillet ou 1

er

août] :

“Je souffre, je souffre bien cruellement, moi qui ai vu pleurer mon Adèle

[…]

Toute

mon âme se soulève tumultueusement, et toutes les douleurs que j’éprouve sont

également inexprimables. Tu m’as accusé de ne pas t’aimer, et ce reproche m’est bien

amer, puisque ce qui me tourmente, et ce qui t’importune, c’est mon trop d’amour.

Adèle, il est donc vrai que tu aurais été plus heureuse d’être aimée par quelque être

tranquille et froid, qui n’eût connu ni la chaste susceptibilité, ni les délicates jalousies

d’un grand amour ?

[…]

Je voudrais savoir si j’ai aujourd’hui commis à mon insu

quelque crime qui m’ait mérité une telle douleur.”

La dernière lettre est datée du “mardi 4 h½” [11 septembre 1822].

Enfin la lettre d’Adèle à son mari, qui semble inédite, n’est pas datée mais porte

cette mention de la main de Victor Hugo : “

Reçu le samedi 16 février 1822

” :

“Tu me demandes que je t’écrive. J’ai peur de te fatiguer à force de faire ce que tu veux.

Que veux-tu que je te dise que je t’aime, tu le sais bien.

[…]

Tu m’as grondée, tu m’as

fait de la peine car je ne suis heureuse que lorsque je danse avec toi. Cher ami tu es

quelquefois injuste moi qui t’aime tant.”

Parfait exemplaire dans une reliure doublée de Marius Michel.

De la bibliothèque

Louis Barthou

, avec ex-libris (I, 1935, n° 217). L’ancien président

du Conseil et ministre des Affaires étrangères, mort assassiné à Marseille en 1934

dans l’attentat contre le roi Alexandre 1

er

de Yougoslavie, fut un hugolâtre impénitent.

30 000 / 40 000 €

920

HUGO, Victor.

Lettres à la fiancée

. 1820-1822.

Paris, Bibliothèque-Charpentier, Eugène Fasquelle, 1901

.

In-8 [235 x 146 mm] de (2) ff., 340 pp., (4) ff. et 2 planches : maroquin janséniste bleu nuit,

dos à nerfs, doublure de maroquin bleu canard, encadrement de deux doubles filets dorés cintrés

aux angles avec fleurs mosaïquées de maroquin ocre, gardes de soie moirée or, tranches dorées sur

témoins, couverture et dos conservés, chemise demi-maroquin bleu nuit à bande et étui

(Marius

Michel)

.

Première édition de la correspondance amoureuse de Victor Hugo à Adèle Foucher :

un des 6 exemplaires sur Japon (n° 5).

L’illustration comprend deux portraits héliogravés d’après des lithographies, celui de Victor Hugo

par Victor Ratier et celui d’Adèle Foucher d’après Devéria, et le fac-similé d’une lettre manuscrite

d’Hugo.

De janvier 1820 à octobre 1822, la correspondance s’achève peu de temps avant leur mariage,

célébré le 12 octobre 1822. Le ton est passionné et douloureux, dévoilant un poète amoureux mais

solitaire, inquiet des sentiments de sa fiancée.

Les lettres originales sont conservées au département des Manuscrits de la BnF.

Exemplaire exceptionnel renfermant 6 pièces autographes de Victor Hugo – un poème d’amour

et cinq lettres adressés à sa fiancée – et une lettre autographe d’Adèle Foucher au poète.

Ces lettres autographes étaient alors inconnues et ne figurent donc pas dans la présente édition.

Elles ne furent publiées qu’en 1947 dans les

Œuvres complètes

éditées par Paul Meurice et Gustave

Simon, chez Ollendorf.

La pièce autographe intitulée

Elégie

est le premier poème d’amour de Victor Hugo adressé à sa

fiancée. Composé en décembre 1819, il fut publié pour la première fois dans

Odes et Ballades

(1826)

sous le titre

Premier soupir

.

L’autographe offre des variantes importantes et plusieurs strophes entièrement inédites.

Suivent 5 lettres autographes de Victor Hugo, dont deux signées.

Dans la première, datée “dimanche soir” [23 ou 30 juin 1822], Victor Hugo s’indigne du

traitement qu’il reçut lors d’un dîner dans la famille d’Adèle et lui témoigne son amour :

“Adèle tu n’es l’égale de personne. Je ne connais pas une âme humaine qui puisse se comparer à la tienne

[…].

Il me semble, chère, bien chère amie, que j’ai déjà vécu une vie entière de tourments et de privations

depuis que je t’aime ; il est bien temps que j’arrive à ma vie de bonheur. Ô mon Adèle, bonheur est un mot

trop faible pour exprimer ce qu’éprouvera ton mari dans ce bienheureux jour, ce qu’il éprouve quand tu

daignes lui permettre une caresse ou un baiser.”

La seconde lettre, datée du “jeudi 9 ½ du soir” [18 juillet 1822], est une missive pleine d’angoisse,

Victor Hugo ayant laissé Adèle souffrante :

Avec

six lettres

autographes

à la fiancée

et un poème

d'amour