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les collections aristophil
littérature
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VOLTAIRE (1694-1778).
L.A.S. « V », Plombières 7 juin [juillet
1754], à Michel
LAMBERT
, « libraire
pres de la comedie française à
Paris » ; 1 page in-4, adresse.
4 000 / 5 000 €
Lettre relative au tome III de l’
Histoire
universelle
, imprimé chez Schœpflin, à
Colmar
.
Voltaire est « dans une douleur assez juste
de ce qu’au lieu de vous entendre avec
Shopfling, comme je le croiois, vous voulez
imprimer l’ouvrage à vos frais. Vous auriez, ce
me semble gagné tout autant en le debitant
avec profit sans frais d’impression. Il a fallu
absolument que je le fisse imprimer sous mes
yeux. C’est impossible d’en user autrement
parce qu’on se corrige sur les epreuves,
et qu’on change quelquefois des feuilles
entieres. Sans cela je vous aurais fait present
de ce petit volume comme j’en ai fait present
a Shopfling. Tout ce que je vous demande
en grace, c’est de ne le point débiter sans la
préface corrigée et sans l’épitre dédicatoire
que je vous enverrai à la reception de votre
réponse »…
Correspondance
(Pléiade), t. IV, p. 206.]
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VOLTAIRE (1694-1778).
L.A.S. « V », Prangins pays de
Vaud 12 janvier [1755, à François de
CHENNEVIÈRES
] ; 1 page in-8.
2 000 / 3 000 €
« Nous vous faisons les plus tendres com-
pliments madame Denis des bords de notre
lac et du milieu de nos montagnes nous vous
prions de faire donner a M
r
d’Argenson cette
lettre en main propre, in tempore opportuno.
[…] Comptez sur l’amitié du malade et de
la garde malade ». À côté de la signature
« V » de son oncle, Marie-Louise
DENIS
a
signé « D ».
[François de CHENNEVIÈRES (1699-1779)
était poète et librettiste.]
Correspondance
(Pléiade), t. IV, p. 338.]
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VOLTAIRE (1694-1778).
L.S. « V » avec compliment
autographe, Prangins 3 janvier 1755,
à Jean-Vincent Capperonnier de
GAUFFECOURT, chez le comte de
Bellegarde, envoyé de Pologne, à
Paris ; la lettre est écrite par son
secrétaire Cosimo COLLINI ; 2 pages
in-4, adresse (légères rousseurs).
1 200 / 1 500 €
Belle lettre littéraire, saluant les philo-
sophes de l’
Encyclopédie
.
[Jean-Vincent Capperonnier de GAUFFE-
COURT (1692-1766), littérateur et bibliophile,
était très lié avec Mme d’Épinay et Jean-
Jacques Rousseau. Il avait une maison à
Montbrillant dans les faubourgs de Genève,
où il avait installé une presse privée, et se
livrait à la reliure. Voltaire fait ici allusion à
la publication désavouée de l’
Abrégé de
l’Histoire universelle
par Néaulme à La Haye
en 1753, et aux rumeurs de la préparation
d’une édition pirate de son poème
La Pucelle
d’Orléans
, qu’il n’a jamais voulu publier.]
Il ne peut lui écrire de sa main : « je suis
tout perclus sur les bords de votre Lac. Le
soleil de Montpellier me serait plus favo-
rable que les glaces du Mont Jura. Je n’ai
point eu la force d’aller aux bains d’Aix en
Savoye dans une saison si rigoureuse. Il faut
attendre le retour du printemps, et le vôtre
pour adoucir tant de souffrances. On me fait
craindre que les mêmes personnes qui ont
donné sous mon nom une prétendue His-
toire Universelle remplie de fautes absurdes,
n’impriment aussi un Poëme composé il y
a plus de vingt ans, qu’elles défigureront de
même. Les Belles Lettres ne sont pas faites
pour rendre heureux ceux qui les cultivent,
et notre royaume n’est pas de ce monde.
Je me console avec ma garde-malade [sa
nièce Mme DENIS] des maux que me font
la nature, la fortune et les imprimeurs : son
courage m’en donne beaucoup ; elle brave
les neiges et mes malheurs, et me rend tout
cela très supportable. Vous m’avouerez que
sans elle il serait assez dur de n’être entouré
que des Alpes, et d’être privé même de la
consolation d’avoir ses livres. Nous man-
quons de tout assez patiemment, mais nous
espérons vous revoir cet été, et alors nous
ne manquerons de rien. On prétend que je
ne saurais vivre, et que je suis un homme
mort si je m’éloigne du Docteur TRONCHIN.
Il faut que je sois désespéré si je crois enfin à
la medecine : je crois bien davantage à votre
amitié ». Il salue M. de LA POPELINIÈRE,
espérant « que sa philosophie se souviendra
de moi. À propos de philosophie, voyez-vous
toujours Messieurs de l’Enciclopedie ? Ce
sont des seigneurs de la plus grande terre qui
soit au monde. Je souhaite qu’ils la cultivent
toujours avec une entiere liberté ; ils sont
faits pour éclairer le monde hardiment, et
pour écraser leurs ennemis »…
Il ajoute de sa main : « Je vous embrasse V ».
Correspondance
(Pléiade), t. IV, p. 360.
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VOLTAIRE (1694-1778).
L.A.S. « V », aux Délices 4 juin [1756],
à Nicolas-Claude THIERIOT ; 4 pages
in-4 (infime déchirure marginale sans
toucher le texte).
5 000 / 7 000 €
Sur l’édition de ses « petits sermons » :
le
Poème sur le désastre de Lisbonne
et
le
Poème sur la loi naturelle
.
[Voltaire s’était lié dès 1714 avec Nicolas
THIERIOT (1697-1772), qui restera son ami,
et lui servait d’agent littéraire à Paris.]
« Je reviens dans mon hermitage vers
Geneve mon ancien ami, sans savoir si
mes petits sermons ont été imprimez à
Paris comme je les ai faits et comme je
vous les ay envoiez, mais je reçois une
lettre de M
r
d’ARGENTAL qui met presque
en colere ma dévotion. Il me fait part d’un
scrupule que vous avez eu quand je vous
ai mandé, que la condamnation un peu
dure des ennemis de Baile [Pierre BAYLE]
ferait tort à l’édition, et à l’éditeur. Vous
avez fait comme tous les commentateurs ;
vous n’avez pas pris le sens de l’auteur.
Quel galimatias, ne vous en déplaise, de
regarder ce danger de l’éditeur autre-
ment que comme le danger d’imprimer
un reproche fait à un corps respectable !
Comment avez vous pu imaginer que je
pusse avoir un autre sentiment. Vous avez
la bonté de faire imprimer un ouvrage qui
vous plait, et je ne veux pas qu’il y ait dans
cet ouvrage la moindre chose qui puisse
vous compromettre. Il faut que vous ayez
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le diable au corps, le Diable des Bentley,
des Burman, des Variorum pour expliquer
ce passage comme vous avez fait.
J’attends des exemplaires reliez de mon
recueil de rèveries pour vous en envoyer.
Je ne sais pas quel party prend Lam-
bert [libraire]. Je voudrais bien ne pas
desobliger Lambert. Je voudrais aussi que
les Crammer pussent profiter de mes dons.
Il est difficile de contenter tout le monde ».
Il vient de parcourir une partie des
Pensées
philosophiques d’un Citoyen de Mont-
martre
[attaque contre les philosophes,
par Pierre Sennemaud] : « c’est un ane
qui affiche sa patrie » ; il pense que Fréron
et La Beaumelle sont les auteurs de « cet
infame et ridicule libelle. On me mande
qu’il n’a excité que l’horreur et le mépris ».
Il évoque la publication par LA BEAUMELLE
de « lettres originales de Louis 14 et de
Madame de Maintenon dont on pourra
faire quelque usage dans la nouvelle édi-
tion du
Siècle de Louis 14
. Un scelerat et
un sot peut avoir eu par hazard de bons
manuscrits »… Il vante « l’abaye des Délices
[…] mon abaye en vaut bien une autre, c’est
celle de Thélème. On m’en a voulu tirer
en dernier lieu pour aller dans des palais.
Mais je n’ai garde »...
Il lui envoie une nouvelle édition de ses
« sermons », à distribuer à D’ALEMBERT,
DIDEROT et ROUSSEAU : « Ils m’entendront
assez. Ils verront que je n’ai pu m’exprimer
autrement et ils seront édifiez de quelques
notes. Ils ne dénonceront point ces ser-
mons ».
Correspondance
(Pléiade), t. IV, p. 780.
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