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les collections aristophil
littérature
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VOLTAIRE (1694-1778).
L.A.S. « V », Potsdam 24 octobre 1750,
[au marquis Henri de THIBOUVILLE] ;
4 pages in-4 (quelques fentes aux plis
et réparation à un coin).
8 000 / 10 000 €
Très belle lettre sur le début de son séjour
à Potsdam chez Frédéric II, et sur son
théâtre
.
[Voltaire a quitté Paris le 25 juin 1750 pour
Berlin, où il restera jusqu’en 1753 ; il ne
reverra Paris que quelques mois avant sa
mort. Henri Lambert d’Herbigny, marquis
de THIBOUVILLE (1710-1784), homme de
lettres et auteur dramatique, passionné de
théâtre, ami de Voltaire, lui servait volon-
tiers d’intermédiaire avec les comédiens
ou avec les éditeurs pour la publication de
ses pièces ; il l’aidait aussi pour les repré-
sentations dans le théâtre que Voltaire avait
aménagé dans son hôtel parisien de la rue
Traversière, jouant notamment le rôle de
Catilina (d’où le surnom que lui donne Vol-
taire) dans
Rome sauvée
. Voltaire évoque
ici successivement ses tragédies
Sémiramis
(1748),
Rome sauvée, ou Catilina
, qui sera
jouée à Berlin par les princes de Prusse,
et publiée en 1752, et
Le Duc d’Alençon,
ou les Frères ennemis
, remaniement de
son
Adélaïde du Guesclin
de 1734, qui sera
représentée plusieurs fois à Potsdam par
les princes.]
« Non seulement je suis un transfuge mon
cher Catilina, mais j’ay encor tout l’air d’etre
un paresseux. Je m’excuseray d’abord sur
ma paresse en vous disant que j’ay travaillé
à
Rome sauvée
, que je me suis avisé de faire
un opera italien de la tragedie de
Semiramis
[pour la Margrave de Bayreuth], que j’ay
corrigé presque tous mes ouvrages, et tout
cela sans compter le temps perdu à aprendre
le peu d’allemand qu’il faut pour n’etre pas à
quia en voiage, chose assez difficile à mon
age. Vous trouverez fort ridicule, et moy
aussi qu’à cinquante six ans l’autheur de
la
Henriade
s’avise de vouloir parler allemand
à des servantes de cabaret. Mais vous me
faites des reproches un peu plus vifs que je
ne merite assurément pas. Ma transmigration
a couté beaucoup à mon cœur. Mais elle a
des motifs si raisonables, si legitimes, et j’ose
le dire, si respectables, qu’en me plaignant de
n’etre plus en France personne ne peut m’en
blamer. J’espere avoir le bonheur de vous
embrasser vers la fin de novembre. Catilina
et le duc d’Alençon se recommanderont à
vos bonnes graces dans mon grenier [son
théâtre de la rue Traversière], et les nou-
veaux roles de
Rome sauvée
arriveront à
ma niece [Mme DENIS] dans peu de temps.
[…] Comment pui-je mieux meriter ma grace
aupres de vous que par deux tragédies et
un teatre ? Nous etions faits pour courir
les champs ensemble comme les anciens
troubadours. Je bâtis un teatre, je fais jouer
la comedie partout où je me trouve, à Berlin
à Potsdam. C’est une chose plaisante d’avoir
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VOLTAIRE (1694-1778).
MANUSCRIT autographe,
Remarques
historiques. Eglise
; 2 pages grand
in-fol. sur les deux faces d’un feuillet
de registre comptable (36 x 24 cm ; un
peu taché, légères effrangeures, pli un
peu fendu).
6 000 / 8 000 €
Notes historiques qui semblent inédites ;
elles pourraient se rattacher à la prépara-
tion de l’
Essai sur les mœurs
.
En tête, Voltaire a ajouté cette sentence :
« Les pretres doivent etre les medecins de
l’ame, mais un medecin fait il bruler celuy
qui ne veut pas de ses pillules ? »
Citons les premières entrées de ces notes
intitulées
Eglise
.
« Les anciennes eglises etoient des salles
d’assemblée car le peuple payen nentroit
point dans les temples, il se tenoit autour
des autels placez devant les temples.
On portoit devant les magistrats romains un
coussin et un livre avec deux chandeliers,
posez sur une table – c’est l’origine des
autels cretiens.
Des le commencement du troisieme siecle
les autels des cretiens etoient magnifiques, ils
avoient des colonnes dargent de trois mille
marcs, leurs calices empruntez des coupes
des romains etoient d’or […]
L’office se faisoit dans la langue vulgaire de
chaque peuple.
On prioit debout et cette coutume est
demeurée dans l’eglise grecque.
Il y avoit quinze ans de penitence pour les
adulteres »...
Suivent des remarques sur Constantin et la
basilique de Latran, les aumones touchées
par les papes, l’établissement de maisons
charitables, l’habillement des moines, le plan
des monastères à l’imitation « des anciennes
maisons grecques et romaines », l’établis-
sement des cardinaux, les écrits contre les
papes, etc.
« Si les pretres n’avoient servi qu’à l’autel, et
n’eussent eté que depositaires de misteres
ignorez du public, il n’y eut jamais eu de
guerres de relligion. […]
Dans toutes les disputes teologiques, Rome
a toujours décidé pour ce qui est le plus au
dessus des sens, cétoit tres bien connaitre
les hommes de son temps, puisquil sagissoit
de mistere, plus la chose etoit incomprehen-
sible, plus elle etoit mistere »… Etc.
À la fin, des notes brèves, certaines sur les
arts sous Louis XIV.
trouvé un prince et une princesse de Prusse
[le prince Henri et la princesse Amélie], tout
deux de la taille de Mademoiselle Gossin
[GAUSSIN], déclamant sans aucun accent,
et avec beaucoup de grace. Mademoiselle
Gossin est à la verité superieure à la prin-
cesse. Mais celle cy a de grands yeux bleus
qui ne laissent pas d’avoir leur mérite. Je
me trouve icy en France. On ne parle que
notre langue. L’allemand est pour les soldats
et pour les chevaux, il n’est necessaire que
pour la route. En qualité de bon patriote je
suis un peu flatté de voir ce petit hommage
qu’on rend à notre patrie à trois cent lieues
de Paris. Je trouve des gens elevez à Könis-
berg qui savent mes vers par cœur, qui ne
sont point jaloux, qui ne cherchent point à
me faire des niches.
À l’égard de la vie que je mene auprès du
roy [FRÉDÉRIC II] je ne vous en ferai point le
détail. C’est le paradis des philosofes. Cela
est audessus de toutte expression. C’est
César, c’est Marc Aurele, c’est Julien, c’est
quelquefois l’abbé de Chaulieu, avec qui on
soupe. C’est le charme de la retraite, c’est
la liberté de la campagne, avec tous les
petits agremens de la vie qu’un seigneur de
chatau qui est roy peut procurer à ses tres
humbles convives. […] Dites à Cesar [LEKAIN]
les choses les plus tendres. Gardez avec
Cesar un secret inviolable »...
La lettre porte en tête un ex-dono du littéra-
teur Louis-Simon AUGER (1772-1829), l’offrant
à son ami Etienne Cot.
Correspondance
(Pléiade), t. III, p. 261.