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les collections aristophil

littérature

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LA FONTAINE JEAN DE (1621-1695).

POÈME

autographe,

A Monsieur

le chevalier de Silleri

, suivi d’une

L.A.S. « Delafontaine », 28 août 1692,

au chevalier de

SILLERY

;

3 pages

in-4 (bords renforcés ; un poème

contrecollé au dos du second feuillet).

80 000 / 100 000 €

Rarissime et précieuse épître sur la prise

de Namur et la bataille de Steinkerque

.

Elle célèbre des événements de la guerre

de la Ligue d’Augsbourg :

chute de Namur

le 5 juin 1692, reddition de la garnison les

22 et 30 juin ; bataille de Steinkerque le 3

août suivant.

L’épître (de 43 vers) et la lettre s’adressent à

Carloman-Philogène BRUSLART DE SILLERY

(1656-1727), colonel du Régiment de Conti, et

premier écuyer du prince de

CONTI

 ; Sillery

prit part à la bataille de Steinkerque, aux

côtés de Conti et de « M. le Duc » [Louis III

duc de

BOURBON

(1668-1710), petit-fils du

grand Condé]. La Fontaine avait dédié à sa

sœur Gabrielle Françoise de Sillery la fable

Tircis et Amarante

(

Fables

, VIII, 13).

L’épître,

A Monsieur le chevalier de Silleri

,

s’ouvre sur une strophe à la gloire de Louis

XIV, qui commandait à Namur :

« Jamais nos combattans n’ont esté si hardis.

Les moindres fantassins sont autant d’Amadis.

La présence d’un Roy, ses ordres, son

éxemple,

Quel Roy ! c’est aux neuf sœurs de luy

[dresser

biffé

] bastir un temple ;

Mon art ne suffit pas pour de si hauts projets.

Les soins, dis-je, du Prince animant ses

sujets,

On prend des murs ; quels murs ! vrays

remparts de la Flandre,

Qu’un autre que Louis seroit dix ans a

prendre.

Ah si le Ciel vouloit que nous eussions le

tout !

Quel paÿs ! vous voyez ses défenseurs a

bout.

S’en taire est le meilleur ; nostre Roy n’ayme

gueres

Qu’on raisonne sur ces matieres ».

Puis La Fontaine de s’interrompre pour se

critiquer : « Voilà bien des quels entassez les

uns sur les autres, et la mesme figure bien

répétée. Si faut il pourtant l’employer encore

sur ce qui regarde M. le Duc ». Et il reprend :

« Quel Prince ! nous scavons qu’il s’est

trouvé partout,

Que dédaignant le bruit d’une valeur com-

mune

Il s’est distingué jusqu’au bout,

Que Francœur, Jolicœur, Jolibois, la For-

tune,

Grenadiers, gens sans peur, engeance du

Dieu Mars,

Avec moins de plaisir s’exposent aux hazards.

Tel on void qu’un lion, Roy de l’ardente plage,

De sang et de meurtre alteré,

Porte sur les chasseurs un regard assuré

Et se tient fier d’estre entouré

De mille marques de carnage.

Je change en cet endroit de stile et de lan-

gage.

Ne vous semble-t-il pas que je m’en suis tiré

Ainsi qu’un voyageur en des bois égaré ?

Il faut reprendre nos brisées :

Les Muses ne sont pas sur Bourbon épuisées.

Quel plaisir pour celuy duquel il tient le jour,

Le bon sens, et l’esprit, conducteurs du

courage,

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LAGRANGE-CHANCEL FRANÇOIS-

JOSEPH DE (1677-1758).

M

anuscrit

,

Les Philippiques

, [XVIII

e

siècle] ; cahier cousu in-4 de 40 pages

(légères mouillures au bas des feuillets).

400 / 500 €

Copie d’époque des odes première à qua-

trième, avec des notes explicatives. Elle ne

fut pas faite d’après la première édition (1723)

qui ne comporte que trois odes, mais plus

probablement d’après la deuxième (sans

date) qui en donne quatre ; des éditions

ultérieures en ont cinq. Une note liminaire du

copiste identifie la cible de ces

Philippiques

,

le Régent Philippe d’Orléans, « un grand

génie », dont les qualités furent étouffées par

« son ambition et son amour pour le plaisir »…

De nombreuses notes marginales identifient

les personnages évoqués, commentent ou

éclaircissent les allusions…

Et [des Condé

biffé

] du sang des Condez

l’ordinaire apennage !

Moy j’en tiens cent loüis : chacun m’en fait

la cour.

Il a déifié ma veine.

Mes soins en valoient ils la peine ?

Il ne s’en faut point étonner :

Que ne luy vid on pas donner

Dans le temps qu’il tint cour pléniere

Pour une feste singuliere ?

Chantilli fut la scêne, endroit délicieux.

Tous rapporterent de ces lieux

De grosses et notables sommes.

Il a payé comme les Dieux

Ce qu’ils ont fait comme des hommes  ».

[La Fontaine fait ici allusion, non sans quelque

humour, au père de « M. le Duc », Hen-

ri-Jules de Bourbon, le fils du Grand Condé,

réputé pour son avarice, mais qui organisait

à Chantilly des fêtes magnifiques, dont celle

où La Fontaine reçut cette gratification de

cent louis.]

Après cette épître, La Fontaine revient, en

prose, sur les exploits guerriers récents : « Il

n’est bruit icy que de vostre Prince. Tout le

monde lui attribüe l’avantage que nous avons

remporté au combat d’Estinkerk. C’est là un

fort beau sujet de Poeme. Le caractere du

heros, l’action, et les circonstances, il n’y

manque rien que le bon Homere, le bon

Virgile si vous voulez. Car pour vostre poete,

il ne s’y faut plus attendre. Je suis épuisé,

usé, sans le moindre feu, et ne scais comme

j’ay pu tirer de ma teste ces derniers vers.

Quand je dis que je suis sans feu, c’est de

celuy qui a fait les fables et les contes que

je veux parler, car d’ailleurs je ne suis pas

avec moins d’ardeur que j’estois il y a dix

ans »… Il signe « Delafontaine » et date « 5

oust » (pour 5 septembre ?).

Puis il ajoute, en post-scriptum, cette note

explicative : « Les vers cy dessus furent com-

mencez apres la prise de Namur, et avant

les dernieres actions de M. le Duc a vostre

combat d’Estinkerk. Je les ay continüez sur

ce plan : car que ce prince me constitüe

tousjours en de nouveaux frais par de nou-

veaux témoignages de sa valeur, ny moy a

l’âge de vingt cinq ans ny teste d’homme

n’y suffiroit ».

Le manuscrit porte en haut une note

ancienne : « minute de la main mesme de

M

r

de La Fontaine ». On a collé au dos du

dernier feuillet le manuscrit d’une Épigramme

de neuf vers.

Cette lettre-poème a paru, avec quelques

variantes, dans les

Œuvres posthumes

(1696)

puis les

Œuvres diverses

(1729), avant d’être

éditée sur l’original par Walckenaer dans les

Nouvelles Œuvres diverses

(1820). Un autre

manuscrit de ce texte, dans une version plus

académique et moins familière, est conservé

au Musée Condé à Chantilly.

Bibliographie

 :

Œuvres complètes

, II,

Œuvres

diverses

, Bibliothèque de la Pléiade (éd.

Pierre Clarac), p. 717-719 (et notes p. 1032-

1037).

Ancienne collection Louis

BARTHOU

(1935,

I, 44).

Les manuscrits authentiques de La Fontaine

sont de la plus extrême rareté

.