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Littérature

Fitinghoff à Elisabeth », « Cimetière de Cannstadt » 10 juin 1859

(signé « A.F. »), « type irlandais », « Isle-la-Hesse vue du jardin de la

ferme » [en Belgique, château de son père naturel le baron Poupart

de Wilde].

Elle y a également collé des gravures, parfois annotées (Constanz,

Ludwigsburg, Rorschach, « Lac de Constance vu de l’hôtel

d’Allemagne 1859 », Saint-Gall, illustrations pour

Les Natchez

et

Atala

, religieux du Mont Saint-Bernard, horloge de la cathédrale de

Strasbourg, Ulm), et 3 photographies (cour du palais ducal à Venise,

Versailles).

Exposition

Alfred de Vigny

, Bibliothèque nationale, 1963, n° 299.

Le poème et un dessin reproduits dans Maurice Toesca,

Un dernier

amour, Alfred de Vigny et Augusta

(Albin Michel, 1975, p. 112/113).

367.

Alfred de VIGNY

. 10 L.A., 1861-1863, à Augusta

B

ouvard

 ; 24 pages in-8 montées sur onglets sur des ff. de papier

vergé, le tout relié en un volume in-8 demi-maroquin vert à coins avec filet doré, dos à nerfs orné de fleurons dorés, étui

(

Devauchelle

).

7 000/8 000

I

mportante

correspondance

,

témoignage

pathétique

des

trois

dernières

années

de

la

vie

du

poète

,

à

A

ugusta

B

ouvard

,

le

« 

dernier

amour

 »

.

[Augusta

F

roustey

, dite

B

ouvard

(1836-1882), fille naturelle du baron Poupart de Wilde, a rencontré Vigny en 1858 ; elle est alors

préceptrice dans une famille russe. Un an plus tard, Vigny l’installera dans un meublé, près de chez lui, rue du Colisée ; elle vivra

désormais de leçons particulières. Cette liaison dura jusqu’à la fin de la vie de Vigny, souffrant près de deux ans un terrible martyre de

la « gastralgie » ou cancer gastrique qui devait l’emporter (« les lugubres lettres d’amour de Vigny vieillissant à une jeune institutrice »,

a écrit Francis Ambrière) : la dernière lettre, ici recueillie, est écrite moins d’un mois avant sa mort ; quelques jours auparavant,

Vigny avait rédigé un codicille à son testament, léguant à Augusta (alors enceinte) une somme de 20.000 francs, « en témoignage de

l’attachement particulier que je lui ai voué et de mon estime pour son caractère courageux, pour ses talents rares et sa vie laborieuse ».

La plus grande partie des lettres de Vigny (38) à Augusta a été révélée par V.L. Saulnier en 1952,

Lettres d’un dernier amour

 : « Ces

textes sont extrêmement émouvants, bouleversants parfois ; cruels témoignages sur l’agonie d’un grand poète ; jamais nous n’avons été

si près de lui, dans l’intimité la plus humaine ». Une version très romancée de cette liaison a été donnée par Maurice Toesca,

Un dernier

amour, Alfred de Vigny et Augusta

(Albin Michel, 1975), avec des fragments d’une douzaine de nouvelles lettres. Cette correspondance,

selon Madeleine Ambrière, « permet de suivre un itinéraire fiévreux et pathétique d’amour et de mort », « la triste histoire, dans la nuit

de la souffrance des dernières années, des amours encore mal connues avec Augusta Bouvard, sous le signe des illusions perdues ».]

*

Jeudi à midi 12 septembre [1861]

(8 pages). « Je ne souffre plus mais j’ai cruellement souffert. – Depuis Jeudi dernier, je ne pouvais

plus rien manger un bouillon sans pain, une tasse de lait, tout était repoussé

à l’instant

par l’estomac. […] J’ai toujours gardé le lit depuis

huit jours. – La nuit et le jour il y a deux personnes à. mon chevet. Il m’est défendu de parler parce qu’il a suffi de dire un mot pour

me faire autant de mal que si je mangeais. […] on ne me soutient absolument qu’avec du lait de chèvre. Ce sont les jolies petites chèvres

du jardin Catelan qui m’envoient tous les jours leur lait avec beaucoup de bonté. Je n’ai plus cette affreuse douleur contre laquelle j’ai

lutté dix-huit mois. Mais je ne reprends pas la force de sortir du lit ». Il s’inquiète de la sûreté de leur correspondance. « Il n’y a que le

silence et la solitude absolue qui puissent en ce moment me conduire peu à peu à reprendre dans quelques jours, dit-on, la force de me

lever et de supporter quelque nourriture. Me voilà comme les naufragés de la

Méduse

, pauvres affamés à qui l’on défendait de manger

en arrivant au port parce qu’un morceau de pain les eût tués. J’ai été jusqu’au bout de mes forces »... Il engage Augusta à beaucoup

travailler « pour oublier le chagrin que te fait mon absence et mon silence forcé. – Souviens-toi que c’est la seule peine qui te soit venue

de moi et qu’elle est involontaire ». Il ne sait comment il lui fera parvenir cette lettre… « Je suis heureux de penser que tu as, près de

toi, Héloïse. Tu peux à présent voir tout Paris avec elle, et avec

Black

. Elle peut jouir de ta liberté sans crainte de me rencontrer. Tu

auras le temps de voir ta bonne Anna et de l’installer. – Tu es bonne comme un Ange pour elle ». Il ajoute, vendredi : « Toujours bien

faible. Le lait des petites chèvres me plaît parce que je me souviens que tu les aimes. Mais je ne peux pas être assez vite rendu à la santé,

je crois, par un régime si léger. On m’en donne 4 petites tasses par jour. C’est la seule boisson que je puisse garder sur l’estomac ». Ils

pourraient utiliser Victoire pour leur correspondance, mais pas Antony [

D

eschamps

] : « Il est transparent pour tout le monde et connaît

des personnes dangereuses pour toi qui as tant de craintes. Je sais bien ce que souffre ton bon petit cœur en ce moment, va, et j’en ai

un chagrin qui augmente mes incompréhensibles douleurs. – Je n’ai vu personne aujourd’hui, je ne néglige rien pour reprendre assez de

santé pour retourner vite à toi mon cher amour. »

*

Lundi 23 septembre 1861

(10 pages). « Tu fais bien, mon pauvre petit Ange. Sois bonne, sois attentive avec tout le monde. Cultive et

conserve toutes les amitiés. Les familles qui peuvent veiller sur toi me seront chères. […] Je veux que tu te portes bien et que tu aies

dans ce monde tous les bonheurs qui me manquent, c’est beaucoup ». Il a eu la visite d’Antoni

D

eschamps

et d’Adolphe

F

ranck

 : « j’ai

bien souffert des efforts inutiles que je faisais pour cacher cette crampe d’estomac qui m’est revenue et que je n’ai pu dissimuler. – Je

ne puis voir qu’une personne à la fois et rarement.

Ma faiblesse est telle que je ne puis me tenir debout ». Il n’a rien pu manger depuis vingt jours : « Je ne croyais pas que l’on pût vivre

aussi longtemps de lait de chèvre froid qui nous glace ». Il peut à nouveau « supporter le bouillon de poulet et de veau avec l’arow-root

des enfans de deux ans. Les insomnies me fatiguent affreusement. Je ne puis m’endormir que vers 6 ou 7 heures du matin quand les

… / …