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STENDHAL.
Lettre adressée à Alphonse Gonssolin.
Isola Bella, le 17 janvier 1828
.
Lettre autographe de 4 pages in-4, adresse au dos.
Long et beau témoignage de la fin de son périple italien de 1827.
Le romancier est
persona non grata
dans les états autrichiens en raison de la nouvelle édition
de
Rome, Naples et Florence
. Forcé de quitter le territoire sur décision de police, Stendhal relate
ses pérégrinations. Il écrit depuis une des îles Borromées où il a pris quartier dans “
une auberge
passable à l’enseigne du Delfino, nom cher à tous les Français
.
C’est pour cela que je m’y arrête
depuis deux jours à lire Bandello et un volume compact de L’Esprit des Lois.”
Avocat installé à
Florence, Alphonse Gonssolin avait fait la connaissance de Stendhal peu avant.
“
J’ai assisté au fiasco de l’Opéra à Bologne le 26 décembre car il y avait opéra quoiqu’on nous
eût assuré le contraire à Florence. Croyez après cela à ce qu’on nous dit sur ce qui s’est passé il y
a cent ans ! J’ai été enchanté du spectacle de Ferrare. Il n’y avait de mauvais que la partition du
maestro, c’était l’Isolina de ce pauvre Morlacchi. Cet homme est en musique ce qu’est en littérature
M. Noël ou M. Droz. J’ai trouvé l’ hiver à Ferrare. Ce sont les plus obligeans des hommes. Un ami
de diligence voulait me présenter partout, l’étranger est rare sur le bas Pô.
”
Le “plaisir d’acheter ou de marchander des tableaux”.
Par une de ses connaissances de Bologne, M. Fanti, il a accès à une importante collection
composée de “
500 croûtes
”. Il charge donc Gonssolin de faire l’intermédiaire auprès d’Alphonse
de Lamartine, alors attaché à l’ambassade française de Florence. Stendhal lui avait rendu
plusieurs visites : “
J’ai trouvé qu’on donnait à Bologne pour 10 écus des tableaux dont l’on voulait
200 écus il y a quatre ans. Si jamais M. de L
[a]
M
[martine]
est curieux du plaisir d’acheter ou
de marchander des tableaux, il peut demander à Bologne M. Fanti.
[...]
On peut se faire un joli
cabinet passable avec 10 tableaux de 40 écus pièces, entre autres une esquisse du Guide.
”
Coups de cœur à Venise et Milan.
“
En arrivant à Mil
[an],
la police du pays m’a dit qu’il était connu de tous les doctes que Stendhal et
B
[eyle]
étaient sinonimes, en vertu de quoi elle me priait de vider les états de S.M. Apostolique dans
12 heures. Je n’ai jamais trouvé tant de tendresse chez mes amis de M
[ilan]
. Plusieurs voulaient
répondre de moi et pour moi. J’ai refusé et me voici au pied du Simplon.
Venise m’a charmé. Quel tableau que l’Assomption du Titien ! Le tombeau de Canova est à la fois le
tombeau de la sculpture. L’exécrabilité des statues prouve que cet art est mort avec ce grand homme.
M. Hayez, peintre vénitien à Milan, me semble rien moins que le premier peintre vivant. Ses
couleurs réjouissent la vue comme celles du Bassan et chacun de ses personnages montre une nuance
de passion. Quelques pieds, quelques mains sont mal emmanchés. Que m’importe ! Voyez la
Prédication de Pierre l’Ermite, que de crédulité sur ces visages. Ce peintre m’apprend quelque chose
de nouveau sur les passions qu’il peint.
”
Il charge son correspondant de messages divers, notamment à propos d’un tableau de Saint-
Paul, un chef-d’œuvre, qu’il a oublié chez M. Vieusseux. Ses instructions ne manquent pas
d’humour : “
Faites, je vous prie, 3 ou 4 phrases sur ce thème et avec quatre # à la clé.
[...]
Là aussi
faites des phrases surtout envers cette pauvre jeune marquise qui s’est imaginé trouver dans la patrie
de Cimarosa les douces mélodies de Mozart.
”
Il attend avec impatience
Gertrude,
le roman d’Hortense Allart de Méritens
.
“
J’ai passé mes soirées à Venise avec le grand poète Buratti. Quelle différence de cet homme de génie
à tous nos gens à chaleur artificielle ! Jamais je ne rapportai à Paris un plus profond dégoût pour ce
qu’on y admire ; voilà ce qu’il faudra bien cacher. Hayez me semble même l’emporter sur Schnetz.
Que dire de M. Buratti, comparé à M. Soumet ou à Me Tastu !
”
(Stendhal,
Correspondance
II, Bibliothèque de la Pléiade, n° 851.)
6 000 / 8 000
€