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TOCQUEVILLE (Alexis de).

Lettre adressée au baron Auguste de Balzac.

Sans lieu, ce

lundi matin

[Paris, début juin 1834 ?].

Lettre autographe signée “Alexis de Tocqueville” ; 3 pages in-8.

Importante lettre politique adressée au futur député de l’Aveyron, Auguste de

Balzac : elle est inédite.

Non datée, la lettre a sans doute été adressée en juin 1834 : le 27 du mois, le baron de Balzac

fut élu député contre Thiers. Légitimiste convaincu, il avait été précédemment préfet : il fut

notamment en poste à Metz, comme préfet de Moselle de 1824 à 1828 – il avait succédé à

ce poste à Hervé de Tocqueville, le père d’Alexis. Sans doute est-ce là l’origine de leurs liens.

La “circulaire” qu’évoque Tocqueville dans cette lettre et pour laquelle il suggère des

corrections est la profession de foi du candidat – sans doute la

Lettre à Messieurs les électeurs de

l’arrondissement de Villefranche

datée de Mazet, le château du baron de Balzac, le 15 juin 1824.

Mon cher Balzac, je n’ai reçu qu’ hier au soir à 10 heures votre lettre. Il était tems qu’elle arrivât,

car je pars ce matin à 7. Je me hâte de vous répondre.

Votre circulaire me paraît parfaitement bien de fond et de forme. La seule phrase qui doit

[...],

je

pense, attirer votre attention est celle que j’ai marquée d’un trait en marge. Cette phrase renferme

une idée que j’approuve entièrement ; mais il ne faut pas se dissimuler qu’elle est ferme et hardie ;

il faut donc que vous en pesiez de nouveau les conséquences avec vous-même, seul juge compétent de

cette question. Il y a, renfermé dans cette phrase, tout un système de gouvernement qui peut n’être

pas exactement du goût même de l’administration actuelle et qui est diamétralement opposé aux

Doctrinaires. Je vous repette que si vous ne demandez que mon avis, il est entièrement favorable au

fond de votre idée, puisque je pense absolument ce que vous avez dit. Mais la seconde question est de

savoir si l’intérêt du journal est de s’expliquer aussi catégoriquement. C’est cette question à laquelle

connaissant le pays vous pouvez seul répondre. En tout cas, à votre place après révoquer j’ajouterais

ou adoucir. Au lieu de développement graduel, je mettrais développement lent et graduel, au lieu

des principes posés... je dirais : de ce ceux des principes posés dans la charte de 1830 qui n’ont pas

encore reçu d’application. De cette manière le fond resterait le même et la forme serait moins hostile.

Je suis fort content de votre conversation avec le préfet, mais je ne conçois pas ses doutes. Comment

mes actions et surtout mes écrits peuvent-ils lui permettre de les conserver. Je vous dirai à ce sujet

ce que je ne cesse de repetter autour de moi et jusqu’au sein de ma famille : c’est fort clair. Je n’ai

point concouru à la Révolution de Juillet. Je n’ai donc point d’attrait particulier pour la branche

cadete ; je n’ai jamais eu personnellement à me plaindre des Bourbons de la branche aînée ; je n’ai

donc nulle animosité contre eux, leur infortune excite même mon respect. Mais la Révolution de

Juillet est un fait accompli que j’ai reconnu dès son origine puisque j’ai prêté serment, que dans

mon opinion on ne pourrait détruire que par une nouvelle révolution populaire dont je ne veux

point, ou par une invasion du territoire dont je veux encore moins. Je ne suis donc point hostile

à ce qui existe que je considère comme la plus grande garantie que nous ayons, quant à présent,

contre l’anarchie au dedans et la guerre générale au dehors. Loin de vouloir renverser l’état de

chose actuelle, je désire sincèrement qu’on parvienne à l’utiliser. Mon but serait d’arriver à ce que

ce gouvernement-ci agit d’une manière plutôt que d’une autre, mais non pas de le détruire. Ceci

répond je crois clairement aux questions qu’on vous a faites et rentre bien dans vos réponses. S’il

y a un membre de la Chambre auprès duquel ma place se trouvât naturellement, et sur ce point

je n’entends prendre aucun engagement d’avance, ce serait mon parent et un de mes meilleurs amis

M. le Baron Lepeletier d’Aunay. C’est très probablement de ce côté-là que j’irais m’établir.

Aristocrate de vieille souche, fils d’un légitimiste fameux, Alexis de Tocqueville avait prêté

serment à Louis-Philippe sans enthousiasme ; élu en 1839 comme député de Valognes, il siégea

à la gauche du Parlement.

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