92
93
les collections aristophil
Littérature
478
SAINT EXUPÉRY, Antoine de
Tapuscrit corrigé pour
Pilote de guerre.
Fin 1941.
202 p. (chiffrées 200) dactylographiées sur papier pelure
« Fidelity Onion Skin ».
3 000 / 5 000 €
Un des quatre tapuscrits aboutis du roman.
Publié en anglais à New-York le 20 février 1942, sous le titre
Flight
to Arras
, puis en français à Paris, sous le titre
Pilote de guerre
, le
27 novembre 1942, ce livre destiné à célébrer l’héroïsme français
eut un retentissement considérable aux États-Unis. Il figurera
parmi les records de vente pendant plus d’un an, alors même qu’il
avait été interdit en France par les autorités d’occupation et n’était
diffusé que clandestinement par les mouvements de résistance.
On sait, par Saint-Exupéry lui-même, qu’il existe quatre
dactylographies du texte : l’une d’elles, conservée à la Bibliothèque
nationale (cote
N.A.fr18269), porte une dédicace manuscrite à
Nadia Boulanger, datée « fin 1941 », qui précise : « Je suis bien
heureux de vous donner un des quatre manuscrits. » Il est fort
probable que notre dactylographie est l’une de ces quatre,
d’autant qu’elle a les mêmes caractéristiques matérielles que celle
de la Bibliothèque nationale.
Notre copie porte des corrections manuscrites à l’encre noire ou
au crayon. Ces corrections sont le plus souvent orthographiques
ou typographiques, mais certaines changent le texte (f. 15 : l’ajout
manuscrit des mots
« presque toujours »,
intégré dans le texte
de la B. n., ou, f. 18,
« vous aimiez le mort, vous n’êtes pas en
contact avec la mort »
, et corrigé à la main en
« nous qui aimions
le mort, nous ne sommes pas en contact avec la mort »,
texte
qui est celui de la B. n.) De même, les premières lignes du f. 156
sont totalement différentes du texte publié et ne sont pas dans le
document de la B. n.
Le découpage en paragraphes est presque toujours le même dans
les deux dactylogrammes, sauf pour le chap. VI qui ne commence
pas au même endroit (f. 34).
Parmi les interventions les plus importantes, il faut noter le
changement de numérotation des chapitres : le 6
e
est coupé
pour en introduire un 7
e
et les suivants sont renumérotés en
conséquence. Il demeure toutefois deux chapitres IX.
Version non-expurgée du récit, le dactylogramme propose le
texte voulu par l’auteur, avec la fameuse phrase
« Hitler qui a
déclanché [sic] cette guerre démente »
(f. 21) qui fut supprimée du
texte publié : la
Progagandastaffel
contraignit Gallimard, qui avait
demandé l’autorisation de publier, à supprimer cette phrase.
PROVENANCE :
Vente anonyme, n° 392 (Paris, 16 mai 2012).
Quelques taches et brunissures ; quelques pliures et froissements,
déchirures marginales, certaines avec manque de papier.
479
SAINT EXUPÉRY, Antoine de
Manuscrit autographe pour la
Lettre à un otage
.
[Vers 1941].
7 p. in-4 (27 x 21 cm) sur papier pelure jaune.
3 000 / 4 000 €
Précieux manuscrit du premier chapitre de la
Lettre à un otage,
« véritable poème symphonique » (F. Gerbod).
Notre manuscrit présente une version plus détaillée que celle
finalement publiée (
Œuvres complètes,
II, Bibliothèque de la
Pléiade, 2009, p. 89-92). Cette version inédite constitue un
important complément de celle conservée à la Smithsonian
Institution, à Washington. D’autant plus que, de ce premier
chapitre, ne sont connus que des manuscrits et dactylographies
peu élaborés.
Après le Portugal, plusieurs pages dépeignent New York, où Saint-
Exupéry se trouve absorbé par l’écriture de
Pilote de guerre
, mais
loin de sa patrie et des siens. Le bruit de la ville est envahissant, et
l’empêche d’écrire.
« Mais le Portugal essayait de croire au bonheur, et lui laissait un
couvert à sa table et ses lampions, et sa musique. Dès le premier
soir j’y dînai à bord d’une caravelle. Et tout était si plein de goût, si
plein de tact, cette expression était si mesurée, si pleine de goût si
charmant, si visiblement aimé par ceux qui l’avaient faite. Et qui,
me semblait-il avait désiré dire au monde “voyez la qualité de
notre sourire, et notre passé non trahi, voilà notre visage”. Et cette
musique répandue disait, cette musique et non ce tintamarre, et
qui faisait un bruit […] dans le cœur. Mais je retournais le soir à
Estoril où j’allais jeter un coup d’œil sur mes fantômes. […]. Une
fois de plus je me disais : la guerre. Ce n’est point la mort qui est
tragique. La mort n’est rien si j’ai où loger mes morts. Mais on fait
craquer mon armature. On veut me forcer d’habiter une grande
maison vide. On me découd de mon sens de la vie. Je me réveille
et ne reconnais pas les murs. Je me réveille et ne reconnais pas le
balancement de l’arbre. Je me réveille et je ne reconnais pas les
pas des servants. […] Je suis maigre d’une vie si elle commence à
quarante ans. Ce n’est rien d’être loin. J’ai toujours été loin. Mon
dieu, il suffit de les [voir] exister. Et la fête de la famille. Et la fête
du village. Je veux bien m’écarter. »
Foliotation partielle, de 2 à 5. Le texte présente quelques ratures.
PROVENANCE :
Vente anonyme, lot 386 (Paris, 16 mai 2012).
Quelques petites taches au premier f., quelques bords un peu
effrangés.