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les collections aristophil
Littérature
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SARTRE, Jean-Paul
Manuscrit autographe pour
les
Mains sales.
S. l., fin 1947.
28 p. sur 23 ff. in-4 (26,7 x 20,8 cm).
8 000 / 15 000 €
Manuscrit autographe pour la pièce
de théâtre
Les Mains Sales
. Composé
de notes préparatoires, il date de fin
décembre 1947. Le présent manuscrit n’est
pas connu des éditeurs de la Pléiade et
contient des renseignements inédits sur
l’œuvre.
L’idée de la pièce trouve son origine en
pleine crise de l’idéal marxiste, dans le
contexte de la guerre froide. En situant le
drame au sein d’un parti « prolétarien »,
Sartre posait explicitement la question du
droit que le révolutionnaire a, ou non, de
« se salir les mains ».
Dans ce document, nous trouvons
quelques ébauches de scène comportant
de
nombreuses
variantes,
des
commentaires sur les thèmes abordés,
mais aussi des fiches détaillées sur les
personnages principaux tels que Hugo
(Victor dans le manuscrit), Jessica, Olga
ou encore Hoederer.
« Victor, 19 ans : Hanté par la personnalité
de Trotski. Seul avec sa femme dans le
bureau de Trotski, touche les objets que
touche Trotski pour en tirer leur secret
[…] A ceci de bien qu’il ne prend pas sa
mission au sérieux. N’arrive pas à se
mettre dans la peau de l’assassin. »
Sartre s’attarde également sur les
motivations de ses personnages ; toujours
à propos de Victor, il poursuit :
« Veut
agir. Mais l’acte est chez lui déductif. But :
réconciliation de l’être et de l’évidence,
de lui-même avec lui-même mais dans
la mort. »
Les idées directrices et les indications
psychologiques s’articulent autour d’un
plan de la pièce, montrant qu’elle était à
l’origine découpée en 3 actes, contenant 3
scènes, contre les 7 tableaux de la version
définitive, contenant de 1 à 6 scènes. Par
ailleurs, certains personnages ont des
noms différents de la version imprimée :
Hugo s’appelait Victor, Karsky se nommait
Trotsky et le Prince était un régent.
Ces 28 pages sur papier crème, rédigées
à l’encre, comportent quelques ratures,
ajouts et corrections.
Précieux manuscrit pour découvrir les
premières fondations des
Mains Sales
.
Légères traces de pliure aux coins, et
jaunissements. Déteinte d’encre sur un feuillet.
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SARTRE, Jean-Paul
Manuscrit autographe pour un essai
politique.
S. l. n. d. [ca 1953].
108 p. in-4, dont 107 manuscrites et
une dactylographiée. Encre bleue
sur papier quadrillé, recto. Quelques
ratures.
6 000 / 12 000 €
Manuscrit autographe, non signé dans
lequel Sartre réagit à la loi pénalisant
les « tentatives de démoralisation ». Il y
voit une attaque dirigée contre le Parti
Communiste.
« Le projet de 1950 risque
de réussir là où l’occupant a échoué, avec
un peu de chance, il détruira le régime.
Que réclame-t-il ? Le droit d’emprisonner
des communistes quand ça lui chante et
sans être obligé de mettre en cause le
Parti lui-même. Bref le droit de violer la
Constitution […]. Les véritables exigences
du projet, on nous les cache et, bien
qu’elles soient parfaitement intraduisibles
en langue démocratique, c’est dans cette
langue qu’on choisit de les exprimer. Bref
on prend les mots, on les plie, on les tord,
on les fait entrer de force dans des puzzles
monstrueux, on leur donne l’air de définir
le délit […] en fait on fabrique un trompe-
l’œil dont le sens miroite de loin et, de
près, s’évanouit ; on traduit arbitraire par
égalité, loi d’exception par universalité,
politique du gouvernement par vérité
universelle ; on expose les principes de la
terreur en terme de liberté et l’on décrit la
guerre sous le nom de la Paix. »
Plus encore, Sartre s’attaque au
gouvernement et à ceux qui l’incarnent :
« Nos ministres sont des petites gens qui
vivent à la petite semaine […]. Emménager,
aménager, déménager, voilà le plus clair
de leur existence. »
Article dense dans lequel Sartre multiplie
les réflexions et les références autour de
l’Indochine et de Georges Bidault, l’ancien
président du gouvernement provisoire en
1946, qui s’est élevé contre la politique
indochinoise du gouvernement français.
Précieux document sur l’engagement
politique de Sartre.
Jaunissements.
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SARTRE, Jean-Paul
Manuscrit autographe pour
Nekrassov
.
S. l. n. d. [vers 1955].
Ens. 43 p. in-4.
6 000 / 12 000 €
Manuscrit autographe pour la pièce
Nekrassov
, offrant des versions primitives
d’importants passages, présentant de très
nombreuses variantes.
Certains passages figurent en plusieurs
rédactions différentes, d’autres ont
même complètement disparu dans la
version définitive (notamment une scène
d’interrogatoire après des arrestations,
lors de la manifestation contre le général
Ridgway). Sartre a en effet noirci de
nombreux feuillets, « ne numérotant pas
ses feuilles de brouillon, empilant des
versions successives, pour l’écriture d’une
scène, et les jetant à la corbeille après les
avoir relues […]. On ne parviendra sans
doute jamais à reconstituer une première
version de Nekrassov, quatre fois plus
longue que celle que nous connaissons. »
(Jacques Lecarme, dans
Jean-Paul
Sartre
,
Théâtre complet,
Pléiade, 2005.)
Pièce légère, mettant en scène les
aventures d’un escroc infiltrant un journal
anticommuniste, elle dévoile une facette
inédite du philosophe, celle d’un auteur
comique. « Non que je sois d’accord
avec tous les propos que Sartre prête à
ses personnages, j’ai beaucoup ri parce
que le rire n’a pas de parti et aussi
parce que je ne pouvais faire autrement,
emporté que j’étais par la violence
comique, l’irrésistible drôlerie, l’entrain,
le mouvement, l’invention, les piquantes
trouvailles […]. Quel triomphe ! Ce Sartre,
décidément est un bel emmerdeur »
(Henri Jeanson.
Le Canard Enchaîné,
22
juin 1955).
Le présent manuscrit permet donc
d’enrichir considérablement la version
publiée et constitue un document précieux
pour la genèse de cette œuvre.
Légères salissures, quelques manques
sans atteinte au texte.
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