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les collections aristophil

littérature

d’HOLBACH… « Bon jour, ma bonne Amie, je suis touché de vos soins

pour me rendre le repos, le malheur est que personne n’en dira à

Diderot autant que vous m’en avez dit, et qu’en vérité il est bien dur

de porter en toute occasion les torts de nos amis et les nôtres »...

Ce samedi 26 [mars]

[254/42]. Longue lettre sur la brouille avec

DIDEROT. « Vous devez être aussi ennuyée de cette longue tracas-

serie que j’en suis excédé »… Il veut lui faire sa « déclaration sur ce

que j’exige de l’amitié et sur ce que j’y veux mettre à mon tour. […]

Premièrement ; je veux que mes amis soient mes amis, et non pas

mes maitres ; qu’ils me conseillent sans prétendre me gouverner ;

qu’ils ayent toutes sortes de droits sur mon cœur, aucun sur ma

liberté. […] Qu’ils me parlent toujours librement et franchement ; ils

peuvent me tout dire : Hors le mépris, je leur permets tout. […] Leurs

grands empressemens à me rendre mille services dont je ne me

soucie point, me sont à charge ; j’y trouve un certain air de supériorité

qui me déplait […] mon cœur n’a pas un instant de relâche, et les

duretés d’un ami me donnent dans un jour des années de douleurs.

En qualité de malade, j’ai droit aux ménagemens que l’humanité

doit à la foiblesse et à l’humeur d’un homme qui souffre […] Je suis

pauvre, et il me semble que cet état mérite encore des égards. […]

Mais ma chère amie, parlons sincèrement, me connaissez vous

des amis ? Ma foi, bien m’en a pris d’apprendre à m’en passer. Je

connois force gens qui ne seroient pas fâchés que je leur eusse

obligation, et beaucoup à qui j’en ai en effet ; mais des cœurs

dignes de répondre au mien ; ah, c’est bien assés d’en connoitre

un. Ne vous étonnez pas si je prends Paris toujours plus en haine.

Il ne m’en vient rien que de chagrinant, hormis vos lettres. On ne

m’y reverra jamais »...

Ce samedi [16 avril]

[256/47]. Demande de nouvelles de son amie, de

sa fille, de Grimm…

Ce jeudi [21 avril]

[257/45]. Le mauvais temps l’a retenu d’aller la voir,

« outre que l’ours ne quite pas volontiers les bois. J’irai demain ven-

dredi diner avec vous s’il ne pleut pas dans l’intervalle et que vous me

fassiez dire que vous y serez et que vous n’aurez point d’étrangers »…

Ce 4 may

[258/48]. Il aura bientôt le plaisir de la revoir « et c’est alors

que les beaux jours seront tout à fait revenus, surtout s’il est vrai,

comme j’ai lieu de l’espérer, que vous viendrez en goûter quelques

uns de ceux de l’hermitage »...

Ce Dim. matin [29 mai]

[259/49]. « Voila, Madame, les premices de vôtre

hermitage à ce que dit le jardinier. […] Bonjour, Madame, aimez-moi

hermite autant que vous m’aimiez ours, autrement je quitte mon froc

et je reprends ma peau ».

A l’hermitage ce vendredi [12 août]

[262/54]. « Je suis, ma chère amie,

toujours malade et chagrin ; on dit que la philosophie guerit ce dernier,

pour moi je sens que c’est elle qui le donne, et je n’avois pas besoin de

cette découverte pour la mépriser. Quant aux maux, on les supporte

avec de la patience, mais je n’en ai qu’en me promenant »… Il évoque

l’échange de son portrait par « le Theologien la Tour » [Maurice Quentin

de LA TOUR] contre celui de Mme d’Épinay… Il attend le retour de son

amie après l’accouchement de Mme d’Holbach : « c’est une chose

terrible que depuis que les femmes se mêlent de faire des enfans, elles

ne sachent pas encore accoucher toutes seules ».

Ce mardi 16 [août]

[263/55]. Il lui envoie « de la musique de Malade »

[motet pour la dédicace de la chapelle de la Chevrette], et attend avec

impatience le retour de son amie : « Bonjour, la mère aux ours, vous

avez grand tort de n’être pas ici, car j’ai le museau tout frais tondu ».

A l’hermitage ce 23 [août]

[264/56]. Il est inquiet d’être sans nouvelles…

Ce mardi [30 août ?]

[265/52]. « Je ne souffris jamais tant de mes maux

que je fais depuis quelques jours. Tout le monde à commencer par

moi-même m’est insupportable ; je porte dans le corps toutes les

douleurs qu’on peut sentir, et dans l’âme les angoisses de la mort »…

Ce mercredi [31 août]

[266/50]. [Cette lettre et la suivante sont les

réponses de Rousseau aux billets de Mme d’Épinay lors de la « 

journée

des cinq billets

 », à propos des

calomnies sur l’amour de Rousseau

pour Mme d’Houdetot

 ; voir

Les Confessions

(Pléiade, t. I, p.49-453,

où les lettres sont citées).] « Je ne puis rien vous dire encore ; j’attends

d’être mieux instruit, et je le serai tôt ou tard. En attendant soyez sure

que l’innocence outragée trouvera un deffenseur assés ardent, pour

donner quelque repentir aux Calomniateurs, quels qu’ils soient ».

Ce mercredi au soir [31 août]

[266/51]. « Je ne puis ni vous aller voir, ni

recevoir vôtre visitte tant que durera l’inquietude où je suis. La confiance

dont vous parlez n’est plus, et il ne vous sera pas aisé de la recouvrer ;

je ne vois à présent dans vôtre empressement que le desir de tirer des

aveux d’autrui des avantages qui conviennent à vos vües, et mon cœur,

si prompt à s’épancher dans un cœur qui s’ouvre pour le recevoir, se

ferme à la ruse et à la finesse. […] Deux amans bien unis et dignes de

s’aimer me sont chers […] Je présume qu’on a tenté de les désunir et

que c’est de moi qu’on s’est servi pour donner de la jalousie à l’un

d’eux. Le choix n’est pas fort adroit, mais il a paru le plus commode à

la méchanceté, et cette méchanceté, c’est vous que j’en soupçonne.

J’espère que ceci devient plus clair. Ainsi donc, la femme du monde pour

laquelle j’ai le plus d’estime et de respect auroit de mon sceu l’infamie

de partager son cœur et sa personne entre deux amans, et moi dont

le cœur n’est ni sans délicatesse ni sans fierté, celle d’être paisiblement

l’un de ces deux lâches. Si je savois qu’un seul moment de la vie vous

eussiez pu avoir d’elle et de moi une pensée si basse, je vous haïrois

jusqu’à la mort. Mais c’est seulement de l’avoir dit et non de l’avoir cru,

que je vous taxe. […] Je n’ai caché ni à vous ni à elle tout le mal que je

pense de certaines liaisons, mais je veux qu’elles finissent par un moyen

aussi honnête que sa cause, et qu’un amour illégitime se change en une

éternelle amitié. Moi qui ne fis jamais de mal à personne, servirois-je

innocemment à en faire à mes amis ? Non, je ne vous le pardonnerois

jamais ; je deviendrois vôtre irréconciliable ennemi. Vos secrets seuls

seroient toujours respectés ; car je ne serai jamais un homme sans foi ».

S’il s’est trompé, il rachètera ses fautes : « En vous disant sincèrement

ce qu’on pense de vous dans le monde et les brèches que vous avez à

réparer dans votre réputation. Malgré tous les prétendus amis qui vous

entourent, quand vous m’aurez vu partir, vous pourrez dire adieu à la

vérité ; vous ne trouverez plus personne qui vous la dise ».

Ce jeudi matin [automne]

[269/58]. Il ira la voir le soir : « je suis trop

foible ce matin et les chemins sont trop mauvais pour tenter l’aventure

après une aussi mauvaise nuit. À ce soir, donc, ma chère amie, vous

connoissez trop mon cœur pour me soupçonner d’être en reste envers

ceux qui m’aiment et qu’il m’est si naturel d’aimer ».

Ce Dim. matin [16 octobre]

[273/7]. « Je commence à craindre d’avoir

porté mes projets plus loin que mes forces, et si l’état où je suis continue,

je doute que je revoye le printems ni mon païs ; au surplus l’ame est

assés tranquille, surtout depuis que j’ai revu mon ami [Grimm] »...

A l’hermitage le 29 8

bre

1757

[280/59]. Au sujet du prochain départ de

Mme d’Épinay pour Genève, où Mme d’HOUDETOT et DIDEROT

insistent pour que Rousseau l’accompagne : « Cet empressement à

me faire partir, sans consideration pour mon état, me fit soupçonner

une espèce de ligue dont vous étiez le mobile. Je n’ai ni l’art ni la

patience de vérifier les choses et ne suis pas sur les lieux, mais j’ai le

tact assez sur, et je suis très certain que le billet de Diderot ne vient

pas de lui. Je ne disconviens pas que ce desir de m’avoir avec vous

ne soit obligeant et ne m’honore, mais […] je ne puis souffrir qu’une

amie employe l’autorité d’autrui pour obtenir ce que personne n’eut

mieux obtenu qu’elle ; je trouve à tout cela un air de Tyrannie et

d’intrigue qui m’a donné de l’humeur et je ne l’ai peut-être que trop

exhalée mais seulement avec vôtre ami et le mien [Grimm et Diderot].

[…] J’ignore comment tout ceci finira, mais quoi qu’il arrive, soyez sure

que je n’oublierai jamais vos bontés pour moi, et que quand vous ne

voudrez plus m’avoir pour esclave, vous m’aurez toujours pour ami ».

Ce Lundi [31 octobre]

[282/60]. « Je suis sur vôtre état dans des inquiet-

tudes mortelles. Au reste je juge que vous prenez le bon parti. Adieu,

ma chère amie, quoique je me porte fort mal moi-même vous me

verrez demain matin au plus tard ».

A Montmorenci le 20 fev

r

1758

[308/61].

La toute dernière lettre de

Rousseau à Mme d’Épinay

. « Je n’entreprendrai pas de vous expliquer

ce que vous avez resolu de ne pas entendre, et j’admire comment avec

tant d’esprit on réunit si peu d’intelligence ; mais je n’en devrois plus

être surpris ; il y a longtems que vous vous vantez à moi du même

défaut ». Il refuse fermement le remboursement des gages du jardinier…

« À l’égard des quinze jours qui restoient jusqu’à la fin de l’année, quand

je sortis de l’hermitage, vous conviendrez que ce n’étoit pas la peine

de les déduire. A Dieu ne plaise que je prétende être quite pour cela

de mon séjour à l’hermitage. Mon cœur ne sait pas mettre à si bas prix

les soins de l’amitié, mais quand vous avez taxé ce prix vous-même,

jamais loyer ne fut vendu si cher. J’apprends les étranges discours

que tiennent à Paris vos correspondans sur mon compte, et je juge

par là de ceux que vous tenez, peut-être un peu plus honnêtement, à

Genêve. Il y a donc bien du plaisir à nuire ? à nuire aux gens qu’on eut

pour amis ? Soit. Pour moi, je ne pourrai jamais goûter ce plaisir-là,

même pour ma propre deffense. Faites, dites tout à vôtre aise. Je n’ai

d’autre réponse à vous opposer que le silence, la patience, et une

vie intègre. Au reste, si vous me destinez quelque nouveau tourment,

dépéchez vous : car je sens que vous pourriez bien n’en avoir pas

longtems le plaisir ».

Provenance :

Frédéric-Melchior von GRIMM ; son secrétaire LECOURT DE VILLIÈRE ;

Jacques-Charles BRUNET (vente 19 décembre 1868, n° 119, 62 lettres) ;

marquis de ROCHAMBEAU (vente anonyme [I], 17-18 mars 1948, n° 195,

61 lettres) ; Alexandrine de ROTHSCHILD ; Anne-Marie SPRINGER.