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191

littérature

l’espoir de les retrouver au printems, ou du moins de les revoir car

il y a longtemps que vous me faites connoitre qu’on les retrouve au

besoin dans toutes les saisons. Pour Dieu gardez bien cette chère

imbecillité, trésor inatendu dont le ciel vous favorise et dont vous aviez

grand besoin, car si c’est un rhumatisme pour l’esprit, c’est au corps

un très bon emplastre pour la santé ; il vous faudroit bien de pareils

rhumatismes pour vous rendre impotente, et j’aimerois mieux que

vous ne pussiez remuer ni pied ni patte, c’est à dire n’écrire ni vers

ni comedie, que de vous savoir la migraine »… Il se plaint de n’avoir

ni almanach ni pendule, et termine en plaisantant sur le « cotillon »

qu’elle lui a envoyé [« un petit jupon de dessous de flanelle d’Angle-

terre qu’elle me marquoit avoir porté »,

Les Confessions

, Pléiade, t. I,

p. 437] : « J’ai pourtant quelques peurs qu’il ne me tienne un peu trop

chaud, car je n’ai pas accoutumé d’être si bien fourré ».

Ce mercredi &c. [1

er

décembre] [232/23]. Amusante lettre. « Passe

pour le Cotillon, mais le sel ! Jamais femme donna-t-elle à la fois

de la chaleur et de la prudence. À la fin vous me ferez mettre mon

bonnet de travers, et je ne le redresserai plus »… Elle a vu « l’homme

[DIDEROT]. C’est toujours autant de pris ; […] quant à moi, je pense que

le Diderot du matin voudra toujours vous aller voir et que le Diderot

du soir ne vous aura jamais vüe. Vous savez bien que le rhumatisme

le tient aussi quelquesfois, et que quand il ne plane pas sur ses deux

grandes ailes auprès du soleil on le trouve sur un tas d’herbe perclus

de ses quatre pattes »… Il raille les plans de Mme d’Épinay pour ses

comédies : « Encore de nouveaux plans ? Diable soit fait des plans,

et plan plan relantanplan. C’est sans doute une fort belle chose qu’un

plan, mais faites des détails et des scènes théâtrales, il ne faut que

cela pour le succès d’une pièce à la lecture, et même quelquesfois

à la représentation »… Etc.

Ce mardi au soir [7 décembre]

[233/24]. Demande de nouvelles.

« Mad

e

[Dupin] de Chenonceaux a passé ici la journée ; elle vient de

partir au flambeau »...

[9 ou 16 décembre]

[234/36]. Sur la fille de Mme d’Épinay. « Que

signifient ces chagrins pour un enfant de six ans dont il est impos-

sible de connoitre le caractère. Tout ce que font les enfans tant

qu’ils sont au pouvoir d’autrui ne prouve rien, car on ne peut jamais

savoir à qui en est la faute ; c’est quand ils n’ont plus ni nourrisse,

ni gouvernantes, ni précepteurs qu’on voit ce que les a faits la

nature, et c’est alors que leur véritable éducation commence »…

Il a eu « de grands maux d’estomac pour avoir eu la presomption

de vivre en paysan et manger des choux au lard plus qu’à moi

n’appartenoit »...

[20 décembre]

[235/26]. Il espère qu’on a congédié les médecins de

GAUFFECOURT : « Qui pourroit tenir au supplice de voir assassiner

chaque jour son ami sans y pouvoir porter remède ; eh pour l’amour

de Dieu balayez moi tout cela, et les Comtes, et les Chevaliers, et

les Abbés, et les belles Dames, et le Diable qui les emporte tous.

[…] quant à moi, je suis très persuadé que je ne retournerai jamais à

Paris que pour y mourir »...

[26 ou 27 décembre]

[237/33]. Il ia la voir : « Songez à me bien carresser

demain ; cela me fera oublier combien je suis malingre et me donnera

plus de force pour embrasser notre pauvre ami »...

1757

.

Ce mardi au soir [4 janvier]

[239/32], demandant des nouvelles de

Gauffecourt. « Nous sommes tous malades ici de rhume et de fièvre »…

Ce mardi au soir [11 janvier]

[240/28]. Il a eu des nouvelles par Mme

d’HOUDETOT. « En attendant que les remèdes de M. Tronchin vous

soient utiles, vous ne perdez pas vôtre tems à les prendre puisqu’ils

sont agréables à prendre ; c’est un tour d’ami dont les médecins ne

s’avisent guères »...

[18 janvier]

[241/27]. « Nous sommes ici trois malades dont je ne

sais pas celui qui aurait le moins besoin d’être gardé ». Il va venir à

Paris. « Je choisis d’aller dîner avec vous et coucher chez DIDEROT.

Je sens aussi parmi tous mes chagrins une certaine consolation à

passer encore quelques soirées paisibles avec notre pauvre ami »...

Ce Lundi matin [31 janvier]

[243/34]. « Vôtre fièvre m’inquiète, car

foible comme vous êtes, vous n’êtes guères en état de la supporter

longtems. J’imagine que si elle continue, M. Tronchin vous ordonnera

le quinquina, car à quelque prix que ce soit il faut vous débarasser

de ce mauvais hôte. Moi, j’ai fait heureusement mon voyage, mais

j’ai actuellement une forte migraine »...

Ce mercredi 16 [février]

[245/9]. « Je vous jure que je vous ferois

volontiers mettre à la Bastille si j’étois sur d’y pouvoir passer six mois

avec vous tête à tête ; je suis persuadé que nous en sortirions tous

deux plus vertueux et plus heureux. […] Ne vous tracassez point l’esprit

de chimères, livrez vous aux sentimens honnêtes de vôtre bon cœur,

et en dépit de vos sistèmes vous serez heureuse »...

A l’hermitage le 13

e

mars

[247/37].

Première brouille avec DIDEROT

qui a « écrit une lettre qui m’a percé l’ame. Il m’y fait entendre que

c’est par grace qu’il ne me regarde pas comme un scelerat, et qu’

il

auroit bien à dire là-dessus

[…] Parce que Mad

e

LE VASSEUR est avec

moi. Eh bon Dieu que diroit-il de plus si elle n’y étoit pas ? Je les ai

recueillis dans la rüe, elle et son mari, dans un age où ils n’étoient plus

en état de gagner leur vie, elle ne m’a jamais rendu que trois mois

de service, depuis dix ans je m’ôte pour elle le pain de la bouche ;

je l’amêne dans un bon air où rien ne lui manque ; je renonce pour

elle au séjour de ma patrie. Elle est sa maîtresse absolue, va, vient

sans compte rendre, j’en ai autant de soin que de ma propre mère ;

tout cela n’est rien, et je ne suis qu’un scélérat […] Philosophes des

villes, si ce sont là vos vertus, vous me consolez bien de n’être qu’un

méchant. J’étois heureux dans ma retraite, la solitude ne m’est point

à charge, je crains peu la misère, l’oubli du monde m’est indifférent,

je porte mes maux avec patience ; mais aimer, et ne trouver que des

cœurs ingrats, ah voilà le seul qui me soit insupportable ! »…

Ce mercredi au soir [16 mars]

[249/38]. Rousseau conte le drame

familial quand il a dit à Mme Levasseur qu’elle devait aller vivre à

Paris avec sa fille : « Là dessus la fille s’est mise à pleurer, et malgré

la douleur de se séparer de sa mère, elle a protesté qu’elle ne me

quiteroit point, et en vérité les philosophes auront beau dire, je ne

l’y contraindrai pas. […] Ce qu’il y a de plus affreux pour moi, c’est

que la bonne femme s’est mise en tête que tout cela est un jeu joüé

entre Diderot, moi, et sa fille, et que c’est un moyen que j’ai ima-

giné pour me défaire d’elle. […] Il y a quinze jours que nous vivions

paisiblement ici et dans une concorde parfaite. Maintenant, nous

voilà tous allarmés, agités, pleurant, forcés de nous séparer »... Si

DIDEROT vient le voir, « il sera reçu avec honnêteté, mais mon cœur

se fermera devant lui et je sens que nous ne nous reverrons jamais.

Peu lui importe ; ce ne sera pour lui qu’un ami de moins. Mais moi,

je perdrai tout, je serai tourmenté le reste de ma vie. […] je n’ai point

un cœur qui sache oublier ce qui lui fut cher. Évitons s’il se peut une

rupture irréconciliable »...

Ce mercredi [16 mars]

[250/39]. « Je n’ai rien à répondre à ce que vous

me marquez des bonnes intentions de DIDEROT, qu’une seule chose

[…] Il connoit mon caractère emporté et la sensibilité de mon ame.

Posons que j’aye eu tort ; certainement il étoit l’aggresseur, c’étoit

donc à lui à me ramener par les voyes qu’il y savoit propres. Un mot,

un seul mot de douceur me faisoit tomber la plume de la main, les

larmes des yeux et j’étois aux pieds de mon ami. Au lieu de cela, voyez

le ton de sa seconde lettre ; voyez comment il racomode la dureté

de la première. […] Diderot est maintenant un homme du monde. Il fut

un tems où nous étions tous deux pauvres et ignorés et nous étions

amis. J’en puis dire autant de GRIMM. Mais ils sont devenus tous

deux des gens importans, j’ai continué d’être ce que j’étois et nous ne

nous convenons plus »...

Ce jeudi

[17 mars]

[251/40]. Rousseau a reproduit cette lettre dans

Les

Confessions

(Pléiade, t. I, p. 457). Il n’enverra pas sa lettre à DIDEROT,

puisque Mme d’Épinay s’y oppose. « Mais me sentant très grièvement

offensé, il y auroit, à convenir d’un tort que je n’ai pas, une bassesse

et une fausseté que je ne saurois me permettre et que vous blâmeriez

vous même sur ce qui se passe au fond de mon cœur. […] N’espérez pas

l’empêcher de venir […] Il s’excedera pour venir à pied me répéter les

injures qu’il me dit dans ses lettres. Je ne les endurerai rien moins que

patiemment ; il s’en retournera être malade à Paris, et moi, je paroitrai

à tout le monde un homme fort odieux. Patience ! il faut souffrir »…

Ce vendredi au soir

[18 mars]

[252/41]. Il a été incommodé : « j’y ai

beaucoup gagné ; car j’ai toujours remarqué que les maux du corps

calment les agitations de l’ame ». Il a besoin [pour la documentation

de

La Nouvelle Héloïse

] du

Voyage

de l’amiral ANSON, que doit avoir