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les collections aristophil

littérature

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MALHERBE FRANÇOIS DE

(1555-1628).

L.A.S. « Malherbe », Paris 18

octobre 1625, à Honorat de RACAN,

« Monsieur de Racan gentilhomme

ord

re

de la chambre du roy a la Roche

au maine » ; 3 pages in-fol., adresse

avec cachets de cire rouge aux armes

(dont un quasi intact, l’autre brisé).

20 000 / 25 000 €

Remarquable et longue lettre familière de

Malherbe à Racan, d’une belle verdeur

de langage, citant ses propres vers, et

évoquant les nouvelles du temps

.

[Malherbe, qui a séjourné avec la Cour à

Fontainebleau, est rentré à Paris, alors que

Racan est encore dans sa terre de Touraine.

Malherbe se moque aimablement de son

désir d’épouser Mme de Termes (« la dame

de Bourgogne »), belle-sœur du Grand-

Écuyer Roger de Bellegarde. Il évoque la

préparation du

Recueil de lettres nouvelles

par Nicolas Faret (1627). La lettre a été publiée

dès 1630 dans

Les Œuvres de François de

Malherbe

(Paris, Chappelain, 1630, livre II,

lettre 14) ; elle présente quelques ratures et

variantes avec le texte publié.]

« Nous voila revenus a Paris. Il est temps

de reveiller ma.paresse. Ell’a dormy aussy

longtemps que Endymion ou gueres ne s’en

faut. Mais certainement si je ne vous ay fait

response a deux lettres que j’ay receues

de vous, toute la faute n’en est pas a elle.

J’estois a Fontainebleau, qui est un lieu d’ou

personne ne va chez vous, et de les envoyer

a Paris, pour delà les vous faire tenir, il n’y

avoit pas d’apparence de persuader a un

homme deffiant comme je suis que passant

par tant de mains, elles peussent sans courir

quelque fortune arriver jusques aux vostres ».

Il lui renvoie donc par le chevalier du BUEIL

des lettres, « telles que je les ai receues,

elles n’ont bougé de dessus ma cheminée

depuis que je les ay ». Quant aux lettres de

Mme des LOGES (animatrice d’un cercle

de poètes et beaux esprits), il ne les a fait

voir à personne, et ne sait plus où il les a

serrées : « Nous les chercherons à vostre

venue. Pour la dame de Bourgongne [Mme

de TERMES] je ne lui escriray point puisque

vous ne l’approuvez pas. Aussy n’en avois

je pas grande envie. Je ne me donne pas

volontiers de la peine aux choses dont je

n’espere ny plaisir ny profit. Si elle m’eust

envoyé de la moutarde son honnesteté eust

excité la mienne. Mais elle n’a que faire

de moy, ny de vous non plus, quoy que

vous disent ses lettres. Ell’escrit bien mais

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ce qu’elle escrit ne vaut rien. Si elle venoit

icy, vous seriez perdu, car elle se moque-

roit de vous sur vostre moustache, et s’en

moquant au lieu où ell’est, vostre deplaisir

est moindre d’une chose que vous ne voyez

pas. Je suis complaisant a l’accoustumée,

c’est a dire incomplaisant tout a fait. Mais

je n’y scauroys que faire. Il n’y a moien

que je force mon humeur. Elle est bonne,

je voudroys que la vostre luy ressemblast.

J’espere que a la fin vous deviendrez sage

& vous direz comme moy

Quand je verrois Helene au monde

revenue

Pleine autant que jamais de charmes

& d’appas

N’en estant point aimé je ne l’ai-

meroys pas ».

[Ces trois vers proviennent d’une pièce

perdue de Malherbe, dont il cite 22 vers

dans une autre lettre à Racan, qui serait

une églogue en l’honneur de la marquise

de Rambouillet.]

Malherbe engage Racan à se dépêcher « si

vous voulez que l’on mette quelque chose

du vostre dans le recueil de lettres que lon

va faire […] Mr FARET m’avoit dit quil vous

en vouloit escrire », mais Malherbe n’a rien

reçu de lui.

« De nouvelles nous n’en avons point. On

dit que nous avons esté battuz a la Valte-

line mais comment je n’en scay rien. Je ne

m’informe jamais des particularites d’une

chose que je voudrois qui ne fust point du

tout. J’aimeroys autant un mary a qui on

auroit dit que sa femme auroit chevauché,

qui voudroit scavoir si c’auroit esté sous un

poirier ou sous un pommier, sur le bord du

lit ou dessus, quelle juppe elle avoit, comme

estoit vestu le galand. Des choses fascheuses

ce n’est que trop d’en scavoir le gros, sans

en demander le menu ». Puis sur la fausse

nouvelle « que le comte de TILLY avoit esté

deffait par le roy de Danemark. Celuy qui

avoit fait le conte, avoit tué le pere, le fils,

le neveu. Je croy que sil eust peu tuer tous

ses descendans dicy au jour du Jugement,

il les eust tuéz. Mais tout cela s’est treuvé

sinon du tout faux, pour le moins en la

plus grande partie. Lon dit qu’il s’est fait

quelque leger combat ou il a perdu 4 ou

500 hommes & le roy de Danemark 2 ou

300. Tant y a que lon tient qu’il a levé le

siege de Nienbourg. Dieu nous en donne

davantage. Mes veux ne s’arrestent point

là. Car j’aime les Espagnols autant que

jamais. La Court est a S

t

Germain. La Royne

mere du roy [Marie de Médicis] estoyt

allée a Monceaux, mais elle s’en ira delà

à S. Germain. Qui croit quelle repassera

par icy qui croit que non. La Royne [Anne

d’Autriche] se porte bien. Lon tient qu’elle

s’en va aujourdhuy a St Germain », où

Malherbe ira dans quelques jours. « Nous

vous attendons à la St Martin. Cest le vray

temps pour vous en revenir, car toutes les

ma[jes]tés seront a Paris »...

Œuvres

(Bibl. de la Pléiade), p. 260.