169
les collections aristophil
littérature
168
193
[PASCAL BLAISE (1623-1662).]
PÉRIER GILBERTE, NÉE PASCAL
(1620-1687).
MANUSCRIT (copie d’époque),
Vie
de Blaise Paschal
; [suivi de :]
Lettres
et Extraits de Lettres de feüe S.
A. Madame de Longueville
... ; les
deux manuscrits d’une même main,
[entre 1677 et 1680] ; un volume petit
in-4 (230 x 160 mm) de 16 ff blancs,
68 pages numérotées (
Vie de Blaise
Paschal
), 3 ff blancs, 30 feuillets
non chiffrés (
Lettres de Mme de
Longueville
) et 8 ff blancs ; reliure
de l’époque, veau brun, dos à nerfs
orné de fleurons à froid, tranches
mouchetées (habiles restaurations aux
coins et au dos) ; dans une boîte-étui
demi-maroquin noir, intérieur gainé
de daim violet.
15 000 / 20 000 €
Exceptionnelle et précieuse copie manus-
crite de la fin du XVII
e
siècle de la
Vie de
Blaise Pascal
par sa sœur, l’une des moins
fautives des sept connues et l’une des deux
conservées en mains privées
.
C’est dans les mois qui ont suivi la mort de
Blaise Pascal, le 19 août 1662, que Gilberte
Périer entreprend la rédaction de la biogra-
phie de son frère, achevée probablement
au début de 1663, puisque Florin Périer
(époux de Gilberte) en insère des extraits
dans la préface à l’édition qu’il a préparée
des
Traités de l’équilibre des liqueurs et de la
pesanteur de l’air
de Pascal (Paris, Guillaume
Desprez, 1663). « C’est un petit ouvrage que
j’ay fait pour ma famille et pour quelques
amis particuliers qui m’en avoient prié »,
écrira-t-elle à M. Audigier. « Il s’agissait par
conséquent d’un écrit de deuil destiné à
célébrer la mémoire d’un être cher, ce qui
explique le ton d’hagiographie dont il est
empreint. Le texte ne tarda toutefois pas à
être connu pour la valeur de son témoignage
et la qualité de son style, de sorte que des
copies manuscrites circulèrent assez tôt hors
du cercle des Périer » (Jean-Marc Chatelain).
On connaît aujourd’hui sept copies manus-
crites anciennes de ce texte dont le contenu,
la datation et les variantes ont été minu-
tieusement étudiés par Jean Mesnard
dans le tome I de son édition des
Œuvres
complètes
de Blaise Pascal (Desclée de
Brouwer, 1962). Cinq sont conservées dans
des bibliothèques : Avignon (ancien fonds
Calvet, Ms 1875, fol. 1-24), Orléans (n° 1139, fol.
81-114), Bibliothèque de Port-Royal (collection
Gazier) ; celle de la BnF (Manuscrits, Français
25080, fol. 178-190) a été copiée d’après
l’édition fautive de 1684, assez tardivement
(après 1697) ; celle de la Bibliothèque Maza-
rine (Ms 4546) présente une version amplifiée
postérieure (après 1690-1694), probablement
due à Louis Périer, le second fils de Gilberte.
Deux autres copies sont en mains privées :
l’une, provenant de la collection de Jean-
Pierre Parison (1771-1855) [vente Laverdet,
25-29 mars 1856, n° 501] et acquise dans les
années 1960 par M. Parcé ; et celle-ci, prove-
nant de la collection de Georges HAUMONT,
dont Jean Mesnard (
op. cit.
, p. 304-305)
donne une description très précise.
Ce manuscrit de l’ancienne collection Hau-
mont présente, d’après l’étude approfondie
de Jean Mesnard, la version originale du
texte, et émanerait selon lui « plus ou moins
directement de la famille Périer ». En effet,
Blaise et Louis Périer arrivent à Paris vers
mai-juin 1675 et y séjournent jusqu’en 1684,
et ces copies auraient été faites sur des
pièces qu’ils avaient réunies. Considérant le
manuscrit Haumont comme « supérieur » et
le moins fautif, c’est sur ce texte que Mes-
nard base son édition critique de la
Vie de
Pascal
, dont il résume ainsi les qualités :
« Chef-d’œuvre du genre biographique, il se
recommande également par le charme de
l’expression, par la pénétration et la profon-
deur associées à une extrême simplicité ».
La
Vie de Blaise Pascal
, dont Gilberte Périer
souhaitait préserver la confidentialité, fut
publiée pour la première fois contre son
gré, à Amsterdam, en 1684, chez Abraham
Wolfgang, qui en intégra la même année le
texte à son édition des
Pensées
.
Incipit
: « Mon frere naquit à Clermont le 19
me
Juin de l’année 1623. Mon Pere s’appelloit
Estienne Pascal President en la Cour des
Aydes, et ma mere Antoinete Begon. Dès
que mon frere fut en aage qu’on luy pust
parler, il donna des marques d’un esprit tout
extraordinaire par les petites reparties qu’il
faisoit toutafait à propos, mais encore plus
par des questions sur la nature des choses,
qui surprenoient tout le monde. Ce commen-
cement qui donnoit de belles esperances,
ne se démentit jamais ; car à mesure qu’il
croissoit, il augmentoit toujours en force de
raisonnement ; de sorte qu’il estoit toujours
beaucoup au dessus de son aage »...
La
Vie de Blaise Paschal
s’achève ici (p. 66)
par le début de la première phrase relative
à l’autopsie du corps : « En suitte de quoy
l’ayant fait ouvrir, on trouva &c », immédia-
tement suivi (p. 66-68) par un appendice
relatif aux derniers sentiments de Pascal au
moment de sa mort, destiné à réfuter les
rumeurs d’une prétendue rétractation de
Pascal [cet ajout est évoqué dans une lettre
du 8 juin 1677 adressée par Blaise et Louis
Périer à leur mère Gilberte] : « M
r
Le Curé de
S
t
Estienne le recommanda le Dimanche sui-
vant à son prosne aux prieres des assistants,
et il en fit un éloge qui marquoit l’estime qu’il
faisoit de sa pieté, et combien il regrettoit
la perte que l’on avoit faite à sa mort. Il en
parla de la mesme maniere à feu M. l’Ar-
chevesque de Paris, qui luy en demanda des
nouvelles, ayant sceu qu’il l’avoit assisté à la
mort. Et quoyque ce qu’il luy rapporta dans
la mesme occasion d’une conversation qu’il
avoit eüe avec M. Pascal dans sa maladie,
ayt donné lieu à quelques personnes, qui
auroient voulu, s’ils avoient pû, noircir sa
memoire et sa reputation, de faire courir le
bruit qu’il avoit fait avant que de mourir, une
retractation entre les mains de M. le Curé
de S
t
Estienne : Neantmoins il y a peu de
gens à present, qui ne soient entierement
desabusez de cette calomnie », et elle cite
des lettres dudit curé, le père Beurrier, « par
lesquelles il declare qu’il n’a jamais dit ni de
bouche ni par écrit à qui que ce soit, que
M. Pascal se fust retracté, comme en effect
cela estoit très faux. […] J’ay cru qu’il estoit
necessaire d’en faire connoître la fausseté,
et de justifier la mémoire d’une personne qui
n’a jamais eu des sentimens qui ne fussent
tres catholiques, et dont il ayt eu besoin de
se retracter, qui a toujours eu un fort grand
respect et une très parfaite soumission pour
toutes les veritez de la foy, et dont l’entiere
application et l’unique travail pendant les cinq
ou dix dernieres années de sa vie a esté de
combattre les ennemis de la Religion, et de
la morale chrétienne ».
La deuxième moitié du volume présente la
copie de 53 lettres de la duchesse de LON-
GUEVILLE (Anne-Geneviève de Bourbon,
fille d’Henri II de Bourbon, prince de Condé,
1619-1679), dont 35 adressées à M. Marcel,
son directeur de conscience et curé de Saint-
Jacques-du-Haut-Pas, et 18 à diverses car-
mélites. Saint-Jacques-du-Haut-Pas était
la paroisse de Blaise et Louis Périer entre
1675 et 1681, et il est très probable que les
neveux de Pascal aient obtenu des copies des
lettres originales de l’ex-frondeuse devenue
protectrice de Port-Royal et des jansénistes.
On relève quelques ratures et corrections, et
une note marginale au folio 25 des
Lettres
.
Ces lettres furent en partie recopiées entre
1731 et 1739 dans un des trois recueils du
R.P. Pierre Guerrier (oratorien, arrière-petit-
neveu de Pascal du côté maternel), décrits
par Prosper Faugère (
Pensées, fragments et
lettres
de Pascal, 1897, t. I, p.
lv
sq.).
Provenance :
ancienne collection Georges HAUMONT ;
ex-libris E. et N. Le P. de L.C. de V. [Le
Poittevin de La Croix de Vaubois] ; vente
Christie’s, Paris 29 avril 2013, n° 130.
Exposition
Blaise Pascal (1623-1662)
, Bibliothèque natio-
nale, 1962, n° 498.
193