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les collections aristophil
germanica
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EINSTEIN ALBERT
(1879-1955).
L.A.S. « A. Einstein », 2 mars 1932,
au Dr. Gabriel SEGALL ; 1 page petit
in-4 ; en allemand.
5 000 / 7 000 €
Le Dr. Segall lui écrit qu’il a fondé en Californie
du Sud une organisation pour la « Palestine
au travail » (« arbeitende Palästina »). Il fait des
vœux cordiaux pour sa réussite. La « Palestine
au travail » représente sans doute en premier
lieu le progrès social et la justice sociale en
Palestine, et par là les idées qui en constituent
l’idéal. C’est d’ailleurs du travail de cette
communauté-là que dépend la réalisation
essentielle d’un accord satisfaisant avec
le peuple arabe (« den sozialen Fortschritt
und die soziale Gerechtigkeit in Palästina
und damit jene Ideen, welche nach meiner
Überzeugung den idealen Wert des Aufbau-
Werkes in erster Linie ausmachen. Diese
Gemeinschaft ist es auch, von deren Wirken
die so wichtige Erzielung einer befriedigenden
Übereinkunft mit dem arabischen Volke
abhängt »). Cette œuvre mérite pleinement
le soutien moral et matériel de tous ceux
pour qui la résolution du problème social
(dans l’acception générale du mot) est un
sujet de vive préoccupation. Einstein exprime
des remerciements cordiaux pour les dons
généreux de Segall ces deux derniers mois,
et des vœux pour ses objectifs d’utilité
publique…
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EINSTEIN ALBERT
(1879-1955).
L.A.S. « Dein Papa », Caputh 8 octobre
1932, à son fils Eduard EINSTEIN ;
1 page ¾ in-4 (papier jauni, fente au pli
réparée) ; en allemand.
5 000 / 7 000 €
Longue lettre à son fils cadet Eduard dit
Tetel, souffrant de schizophrénie.
Que Tetel ne s’inquiète pas d’avoir dû se faire
interner pour être soigné (« in klösterliche
Behandlung »). Un ami de sa connaissance à
Pasadena était dans un tel état de dépression
due à la douleur, au début de la Guerre, qu’il
a dû se rendre dans un hôpital neurologique.
Quand il s’est enfin remis, après y avoir
séjourné un an, et qu’on a voulu le relâcher,
il y est resté quand même, en déclarant
qu’il n’y avait pas meilleur refuge pour un
travailleur intellectuel (« kein besseres Asyl
für einen geistigen Arbeiter »), et le voilà à ce
jour, de bonne humeur et en excellente santé.
Et d’abord, Tetel ne doit plus se tourmenter
de l’affaire du testament : son père n’en
parlera plus, qu’il se rassure et qu’il lui
fasse confiance. Ce serait merveilleux qu’il
vienne lui rendre visite avant décembre,
époque du voyage d’Einstein en Californie.
Lui-même ne peut quitter Caputh, car
il a besoin de son collaborateur pour
d’importants travaux. Il espère emmener
son fils en Amérique l’an prochain ; cette
année c’eût été trop coûteux, et aussi trop
ardu, puisqu’Einstein a des responsabilités
épuisantes en Californie (« weil ich in
Californien austrengende Verpflichtungen
habe »). Mais l’année prochaine, il passera
cinq mois à Princeton, près de New-York,
un endroit tranquille et hospitalier, parfait
pour lui. En ce moment il passe ses jours à
travailler et à faire de la voile (« Ich verbringe
meine Tage mit Arbeit und Segeln »)… Son
fils aussi devrait s’efforcer de se créer une
vie aussi simple et paisible que possible.
A-t-il lu les contes de fée de Hans Christian
Andersen ? Il y a si longtemps, qu’il les a lus,
qu’il compte les relire. Récemment il a lu la
seconde partie de
Faust
, sans en être aussi
impressionné que la plupart des gens (« In
der letzten Zeit hab ich den zweiten Teil vom
Faust gelesen, bin aber nicht so begeistert
davon wir die meisten andern Menschen »).
Il prie Tetel d’écrire bientôt, et en détail, au
sujet de ses soucis. Ilse était à Carlsbad après
plusieurs années de psychanalyse qui l’ont
beaucoup aidée. Il faudra un jour, quand
Tetel lui rendra visite, qu’il enseigne à son
père la psychanalyse : Einstein promet de
faire attention, et surtout de rester sérieux.
Mais le plus important, c’est de se ressaisir,
pour enfin pouvoir venir le voir…