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Littérature
156.
Joris-Karl HUYSMANS
. L.A.S., Paris 8 février 1894, [à Camille
M
auclair
], 3 pages in-12 (petites réparations). 300/400
« Je sors de la lecture d’
Éleusis
, un peu drainé dans tous les sens. Il y a des idées sur l’art vraiment intéressantes, et d’autres d’une
philosophie qui me caresse à rebrousse-poil. Le chapitre sur le symbole est parfait ; c’est, à coup sûr, la première fois que l’on explique
et qu’avec une telle lucidité, on remet les choses en place. Mais, cet encensement de son Moi, cette croyance, en l’état actuel, à une
beauté intérieure, cette idée que tout est en vous, cette foi en la validité de la pauvre raison humaine ! Narcisse est Dieu – c’est pourtant
pas bien beau de se contempler l’âme – ah ! le foutu Dieu ! Vraiment cela me fait rêver à une littérature qui nourrisse moins son Satan,
comme vous dites, à une littérature d’humilité ! Il est vrai que, vous-même, en un mélancolique retour sur la vanité de l’être, avez
montré en une vibrante page les comédiens de nous-mêmes que nous sommes et, faisant craquer l’armure des idées allemandes, vous
avez présenté une plus douloureuse, une plus tremblante Éleusis ! Cela dit, ce que je trouve véritablement extraordinaire, c’est d’être
parvenu dans des sujets aussi abstraits, à vous révéler un très parfait artiste»…
157.
Joris-Kart HUYSMANS
. L.A.S., Paris 18 novembre 1897, au poète belge Iwan
G
ilkin
; 2 pages in-12, enveloppe. 250/300
Après la lecture de
La Nuit
(Fischbacher, 1897) de Gilkin : « Je viens de lire des hymnes infernales de votre nuit ; et ce livre contient
vraiment des pièces de premier ordre, des sonnets d’une forme impérieuse, impeccable, comme personne maintenant n’est de taille à en
faire ». Huysmans cite et commente plusieurs poèmes, et « tout le dessert empoisonné de ce Satanisme brûlant. L’idée de votre tryptique
est belle et c’est une fière tâche que vous nous annoncez [...] En attendant, c’est bon de lire de fermes et de puissants vers et dans un
temps de niaiseries amorphes, sans idées et sans rimes, cela régale »...
158.
Max JACOB
(1876-1944).
M
anuscrit
autographe signé,
Roman abrégé
, Saint-Benoit-sur-Loire
; 9 pages petit
in-4.
800/1 000
M
anuscrit
d
’
un
conte
ou
nouvelle
,
probablement
inédit
;
non datée, elle est
dédiée « à Pierre Colle, poète », son futur
exécuteur testamentaire.
Cette curieuse nouvelle, dans le genre des contes de
Jouhandeau (l’action se situe dans la Creuse), raconte la fausse
amitié, qui cache une terrible rivalité, entre un bon avoué
de province, Maître Julien Bonnefous, de la ville du Blanc-
Sainte-Mesme, d’un caractère plutôt bonhomme en apparence,
mais aigre en dedans, faible et lâche, et le principal clerc de
son étude, Thomas Thomas, personnage mauvais, veule et
tyrannique, qui tient, sous des dehors aimables, son patron et
toute la ville au creux de sa main… « S’il y a jamais eu d’amitié
entre le clerc et l’avoué c’est que l’amitié peut exister entre
gens à mauvaises humeurs. Thomas n’a d’amitié que pour une
vieille parente auvergnate qu’il ne voit jamais et un camarade
de la guerre qui ressemble à Bonnefous. Bonnefous a pour amis
tout le département de la Creuse. Plutôt qu’amis ils étaient
préoccupés l’un de l’autre et le furent vingt-cinq ans. Thomas
accordait à son patron de la douceur et une politesse naturelle
alors que lui-même n’avait que l’affectation de ces deux
vertus ». Le patron croyait qu’il ne pouvait se passer du bon
sens et des précisions de son clerc. « L’amabilité, la gracieuseté
était le clou des rapports de ces deux bilieux »… Cette fausse
amitié « était empoisonnée par des nuages et des criailleries
d’une familiarité casanière. L’ami Bonnefous remplaçait les
violences par des aigreurs […] il n’était grossier que dans ses
goûts secrets. Au lieu de mettre son clerc dehors il se résignait
lâchement au malheur », mais il rêvait secrètement d’une vengeance éclatante. On verra comment, après des années de tyrannies,
d’humiliations, de dégoût, Bonnefous se vengera d’une façon tout aussi mesquine de son clerc…
159.
Max JACOB
. 2
manuscrits
autographes ; 1 page in-fol. (bas un peu effrangé) et 1 page oblong in-4.
350/400
M
éditations
inédites
. —
L’enfer
: « Tous ces êtres échevelés, suants ! Toutes ces pauvres nudités montrant par leurs déchéances les
vies qu’elles ont eues dans la vie terrestre ! Tous ces cris venant de douleurs aigues et sans remède, et cela sans espoir, sans l’espoir
même de la mort. Et cela en soi ! cela hors de soi ! »... —
Quand la Consolation sera venue
(suite)
: « La responsabilité de la foi vient
de ceci qu’on mérite ce don de Dieu par une vie antérieure sans tache. [...] Ayez une vie sans tache et Dieu se révèlera »...
O
n
joint
la fin
(p. 2) d’une autre méditation,
Créatures
: « Quand je n’étais pas chrétien, je croyais que les hommes étaient sur la terre pour fabriquer
de l’esprit par leur travail, maintenant je pense que puisque Dieu leur a donné cet esprit ou le moyen de le faire c’est qu’il a lui aussi et
combien plus cet esprit et ce moyen. Il n’y a pas d’autre raison que cette bonté dont tu vois la preuve partout »…