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avec elle un peu de notre pauvre bonheur à tous… la palpitation d’un temps vivable encore… C’est grave – le moindre souvenir à présent
fait pleurer… Infiniment grave. Chassés du Paradis paraît-il. Chassés à présent de la Terre par la haine, la méchanceté des nôtres. Oui
nous la regrettons bien Lucette et moi ta pauvre femme, foudroyée, elle si discrète, dominant si bien, si gentiment, son grand chagrin,
votre chagrin. Que toutes ces tragédies s’emmêlent, si souvent, on ne sait plus… On n’ose plus… Je te vois là-bas dans ta Tour. Pauvre
barde. Et puis vivre… mourir, n’est pas tout… même pas tout »…
Lettres
(Bibl. de la Pléiade), p. 948 (l. 47-74).
229.
Louis-Ferdinand CÉLINE
. L.A.S., [Copenhague] le 20 [octobre 1949], à son ami Charles
D
eshayes
, à Lyon
; 1 page in-
fol., enveloppe.
600/800
« Vous m’avez fait un admirable travail. Recommencez voulez-vous – pour
Bagatelles
où on me cherche
pouille
. Il y a des passages
patriotiques et anti hitlériens
je pense
et dans
L’École des cadavres
. Voulez-vous ? Cela
urge
on est en train de monter mon gibet ! »…
230.
Louis-Ferdinand CÉLINE
. L.A.S. « LFC », [Copenhague ou Korsor] le 3 [1950, à son ami Henri
M
ahé
à Quimper] ;
2 pages in-fol.
1 200/1 500
« Votre appui a été
indispensable
votre lettre si vaillante a fait un bien immense à ma cause. Toute notre gratitude et bien fidèle amitié.
Qu’allons nous devenir à présent ? Je n’en sais rien. Il est rare que le bourreau vous décolle à moitié la tête. Tel est pourtant mon
état. Rentrer en France ? Ce n’est pas à penser. On verra… Et pourtant je vous assure que le climat d’ici tue aussi… Qui nous rendra
l’Odet ! Ah je voudrais bien ne pas être devenu maudit. J’irais finir mes jours avec vous à Quimper et Lucette. Je donnerais des coups
de chapeaux terribles. Mais moi vu mon
indignité
! à tout le monde ! »…
231.
François-René de CHATEAUBRIAND
. L.A., mercredi [1822], à Delphine de
C
ustine
; ¾ page in-8, adresse. 300/400
« Je suis désolé de vos chagrins. Je suis fort content des affaires d’Espagne et vous voyez que je n’ai pas besoin de consolation excepté
des votres quand vous êtes malheureuse. J’irai vous voir bientôt »…
232.
François-René de CHATEAUBRIAND
. L.A.S., Rome 8 novembre 1828 ; 5 pages in-4.
1 800/2 000
T
rès
belle
lettre
inédite
de
son
ambassade
à
R
ome
,
pleine
de mélancolie
.
La lettre de son correspondant lui est parvenue « dans ma solitude de Rome ; elle a suspendu en moi le mal du pays que j’ai fort. Ce mal
n’est autre chose que mes années qui m’ôtent les yeux, pour voir comme je voyois autrefois : mon
débris
n’est pas assez grand pour se
consoler avec celui de Rome […] Quand je me promène seul à présent au milieu de tous les décombres des siècles, ils ne me servent plus
que d’échelle pour mesurer le temps : je remonte dans le passé ; je vois ce que j’ai perdu, et le bout de ce court avenir que j’ai devant moi.
Je compte toutes les joies qui pourroient me rester ; je n’en trouve
aucune ; je m’efforce d’admirer ce que j’admirois, et je n’admire plus.
Je rentre chez moi pour subir mes souvenirs, accablé du
Siroco
ou
percé par la
Tramontane
. Voilà toute ma vie, à un tombeau près que je
n’ai pas encore eu le courage de visiter. On s’occupe beaucoup ici des
monuments croulants ; on les appuie ; on les dégage de leurs plantes
et de leurs fleurs ; les femmes que j’avois laissées jeunes à Rome, sont
devenues vieilles, et les ruines se sont rajeunies : que voulez-vous
qu’on fasse ici ? »… Il n’aspire qu’à rentrer dans sa rue d’Enfer ; il a
rempli envers son pays et ses amis tous ses engagements. « Quand
vous serez dans le Conseil d’État avec M. Bertin de Vaux, je n’aurai
plus rien à demander pour vos talents […]. Ma retraite a contribué un
peu, j’espère, à la cessation d’une opposition redoutable ; les libertés
publiques sont acquises à jamais à la France : mon sacrifice doit
maintenant finir avec mon rôle. Je ne demande rien que de retourner
à mon
infirmerie
. Je n’ai qu’à me louer de ce pays : j’y ai été reçu à
merveilles ; j’ai trouvé un gouvernement plein de tolérance et fort
instruit des affaires hors de l’Italie. Mais enfin rien ne me plaît plus,
que l’idée de disparoître entièrement de la scène du monde. Il est bon
de se faire précéder dans la tombe du silence que l’on y trouvera »…
Il termine en faisant des offres de service pour aider son
correspondant dans ses travaux de recherche : « une
fouille
au
Vatican pourroit vous fournir des trésors »… Il déplore la grave
maladie d’Augustin
T
hierry
: « Si jeune, si plein de l’amour de son
travail, et s’en aller ! et comme il arrive toujours au vrai mérite, son
esprit s’amélioroit et la raison prenoit chez lui la place du systême :
j’espère encore un miracle »… Il espère que justice sera rendue à son
correspondant, et se dit « très flatté d’être pour quelque chose dans le
discours de M. de
B
arante
»…