66
Tu n’as pas lu sans doute une foule de choses de moi, qui ne sont que musc et roses. Après cela, tu es si fou, que tu t’es peut-être dit :
Je vais lui faire bien plaisir ! »
Dans le troisième paragraphe, il prie Nadar d’aller « faire la Cour » au marchand de tableaux Moreau (« Je compte bien lui faire la
mienne à propos d’une étude générale que je prépare sur la peinture espagnole ») afin d’obtenir « la permission de faire une double belle
épreuve photographique d’après la Duchesse d’Albe, de
G
oya
(archi-Goya, archi-authentique). Les Doubles (grandeur naturelle) sont en
Espagne où
G
autier
les a vus. Dans l’un des cadres, la Duchesse est en costume national, dans le pendant, elle est nue et dans la même
posture, couchée à plat sur le dos. La trivialité même de la pose augmente le charme des tableaux. Si je consentais jamais à me servir
de ton abominable argot, je dirais que la Duchesse est une
bizarre fouterie
; l’air méchant, des cheveux comme Silvestre, et la gorge, qui
masque l’aisselle, atteinte d’un strabisme
sursum
et divergent à la fois ». C’est, selon Baudelaire, « du Bonnington ou du Devéria galant
et féroce ». Moreau les a achetés au fils de Goya et en demande 2400... Il recommande de ne pas faire de trop petites épreuves : « Cela
enlèverait une partie du caractère »…
Ensuite, Baudelaire charge Nadar de lui trouver un artiste « pour les frontispices qu’il me faut pour mes articles sur
P
oe
(un portrait
enguirlandé d’emblèmes), mon
Opium et Haschisch
, mes nouvelles
Fleurs
[
du Mal
], et mes
Curiosités
[
esthétiques
] » ; comme il ne veut pas
de
D
uveau
, « l’éternel ami de Malassis », il prie Nadar de se renseigner sur Alfred
R
ethel
, « l’auteur de la
Danse des morts en 1848
, et
de la
bonne Mort
faisant pendant à la
première invasion du Choléra à l’opéra
»... Puis Baudelaire parle des derniers articles sur la peinture
qu’il écrit avant de publier les
Curiosités esthétiques
, et cela sans avoir été au Salon ; il s’aide du livret : « Sauf la fatigue de deviner les
tableaux, c’est une excellente méthode [...] On craint de trop louer et de trop blâmer, on arrive ainsi à l’impartialité ».
Dans un dernier paragraphe (5), Baudelaire supplie Nadar de ne pas écrire « de farces, selon ton antique mode, sur l’enveloppe de ta
lettre »...
Correspondance
(Pléiade), t. I, p. 573.
202.
Charles BAUDELAIRE
. L.A.S. « C.B. », 14 [décembre 1859], à son éditeur Auguste
P
oulet
-M
alassis
à Alençon ; 1 page
in-8, adresse avec timbre.
2 000/2 500
S
ur
ses
traductions
d
’E
dgar
P
oe
.
« Vous ne vous donnez même pas la satisfaction banale des reproches. Vous êtes un Ami parfaitement généreux, et d’une manière
201