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les collections aristophil

108

COCTEAU JEAN

MANUSCRIT autographe signé « Jean Cocteau

»,

Réponses

à des spectateurs de L’Aigle à deux têtes

, [1948]

; 6 pages

in-4 au stylo bille bleu au dos de papier à en-tête de la

Maison du Bailli

.

1 000 / 1 500 €

Intéressantes explications sur son film

L’Aigle à deux têtes

.

L’Aigle à deux têtes

, tourné en 1947 et sorti en septembre 1948, est

l’adaptation cinématographique de la pièce créée à Bruxelles en

octobre 1946 et à Paris le 22 décembre 1946 par Edwige Feuillère

et Jean Marais.

Cocteau a soigneusement divisé ses réponses en quatorze points

numérotés et elles lui permettent de répondre aux critiques de tous

ordres qui lui furent adressées. Tantôt teintées d’impatience, tantôt

très pédagogiques, elles éclairent les ambitions qui ont présidé à

cette œuvre et ne cachent rien des difficultés qu’a rencontrées sa

réalisation. Sur les choix esthétiques des décors

: « On a dit de

L’Aigle

à deux têtes

que c’était le triomphe du mauvais goût. Bien sûr. On ne

saurait mieux dire. Christian Bérard et Wakhevitch ont voulu peindre

le mauvais goût des souverains. Nous sommes après les Goncourt.

Mallarmé, Manet, les impressionnistes découvrent le japonisme. Les

reines et les grandes actrices s’en inspirent.

L’Aigle

, outre la salle des

fêtes copiée sur la pagode du prince de Galles à Bath, montre le bric

à brac des ateliers de Marie Bashkirtseff et de Sarah Bernhardt

». Sur

les réactions négatives de certains critiques

: « Ce qu’on est convenu

d’appeler l’élite et nos juges jouent, inconsciemment, un jeu que notre

nouveau jeu dérange. Le public, lui, ne joue aucun jeu et adopte le

nôtre s’il lui plaît et au contraire, s’il le sort de ses habitudes qui le

fatiguent

». Sur ses interprètes

: «

J’ai tourné dans

l’Aigle

cinq cents

mètres de pellicule sur Edwige FEUILLÈRE qui parle toute seule. Sans

elle, ce tour de force était impossible. Il devient possible parce qu’elle

se meurt avec le génie d’un acteur chinois et parce que l’intensité du

silence de MARAIS vaut sa démarche et l’autorité de sa parole

». Sur

les contraintes que l’économie fait peser sur le cinéma

: « Je connais

les fautes de

l’Aigle à deux têtes

, mais hélas, l’argent que coûte un

film et le minimum de temps qu’il nous impose, ne nous permettent

pas de corriger nos fautes. Le cinématographe coûte trop cher. L’art

a presque toujours été le privilège des pauvres. Les grands poètes

meurent à l’hôpital. En outre, un art qui n’est pas à la disposition des

jeunes est criminel. Les producteurs craignent le risque. On imagine

mal un art qui ne soit pas basé sur le risque

». Sur la psychologie

des personnages

: «

La psychologie des personnages de

l’Aigle

n’a pas plus de rapports avec la psychologie proprement dite que

les animaux des tapisseries à la licorne n’en ont avec les animaux

véritables

». Sur ses partis pris de mise en scène

: «

Il n’y a pas de

mouvement d’appareil. L’appareil est fixe. C’est la reine qui bouge.

Suivez un cheval au galop, il cesse de galoper. Il galope immobile

»…

Provenance

: Carole WEISWEILLER.