109
JEAN COCTEAU
97
MONTHERLANT HENRY DE
(1895-
1972)
L.A.S. « Montherlant
», 30 novembre
1946, à Jean COCTEAU
; 2 pages in-4.
200 / 250 €
Au sujet des dessins de Cocteau illustrant
Pasiphaé
(Palimugre, 1947).
«
Mon Cher Cocteau, Votre Bête
androcéphale, au mamelon puissant, nourrie
d’une graisse divine, ruminant de gras
souvenirs et projets, m’enchante. Étalée au
seuil de ma tragédie, elle semble en défendre
l’entrée, en disant qu’“on ne joue pas avec les
vilains” (vous avez écrit cela, je crois). Vous
êtes grippé, bon. Je veux dire
: bon, cela vous
débarrasse des fâcheux pendant huit jours.
Ces huit jours passés, je vous appellerai
»…
96
NEVEUX GEORGES
(1900-1982)
L.A.S. « Georges Neveux
», [novembre
1946], à Jean COCTEAU
; 2 pages
in-4.
100 / 150 €
Sur le film
La Belle et la Bête
, par le
dramaturge, dialoguiste et scénariste Georges
NEVEUX.
«
La Belle et la Bête
que j’ai vu hier soir […] est
un film inoubliable. Avec le personnage de
la Bête vous avez fait MARAIS et vous, cette
chose extraordinaire
: ouvrir une porte au
fond du spectateur, une porte qu’on n’avait
jamais ouverte et qui donne sur une chambre
mi féerique mi zoologique où dort une part
de nos organes (et de nos rêves) et qui se
trouve éveillée pour la première fois. C’est
absolument comme si on entendait au fond
de soi un ancêtre d’il y a cent mille ans qui
prendrait enfin et distinctement la parole.
Ce n’est pas agréable. C’est déchirant. Et
je crois bien que, malgré les résistances
(plus psychologiques qu’artistiques, pour
employer deux mots ridicules) votre film
s’installera définitivement dans la mémoire
de ceux qui l’auront vu, y travaillera, y jouera
et y grandira encore
»…
On joint
une l.a.s. « Margot
» par Marguerite
CATROUX [née Jacob, épouse du général
Georges Catroux, ambassadeur de France
en URSS] (4
p. in-8 à en-tête
Ambassade
de France Moscou
), Moscou 20 avril [1947],
racontant le succès des projections de
La
Belle et la Bête
qu’elle organise dans le cercle
restreint des épouses des dignitaires russes,
dont Mme Molotov
; toutes sont amoureuses
de Jean Marais...
98
JOUHANDEAU MARCEL
(1888-1979)
L.A.S. « Marcel
», 24 décembre 1946,
à Jean COCTEAU
; 2 pages in-12 à
l’encre violette.
200 / 250 €
Sur
L’Aigle à deux têtes
[la pièce avait
été créée le 21 décembre 1946 au Théâtre
Hébertot, par Edwige Feuillère et Jean
Marais, dans des décors d’André Beaurepaire
et des costumes de Christian Bérard.]
« Mon Jean, Il y avait derrière moi deux
grosses dames vulgaires qui répétaient
: “Il
en prend à son aise avec l’Histoire”. Comme
si l’Histoire existait
! Comme s’il y avait autre
chose que des histoires
! et si celle que tu
rapportes n’était pas la seule qui compte.
Au moment où les amants échangent leur
musique au 2
e
acte tu as retrouvé, sans
quitter le tien, le langage de Corneille. On
meurt de n’être pas mort, en disant des
choses pareilles et je me suis endormi le
poison de Jeannot dans les veines et le
poignard d’Edwige dans mon dos. Voilà le
théâtre
: c’est de nous porter à cette limite de
l’humain où il ne transige plus. Le lendemain
on retourne à sa mangeoire, tout honteux.
Et merci à Beaurepaire, à Christian, à toi,
d’avoir un peu ressuscitée cette rédemption
du Wittelsbach. Grâce à toi j’ai reconnu un
peu mieux cette Elisabeth que nous avons
aimé d’amour et pleuré, enfants, quand le
bruit est venu jusqu’à nous de sa mort à
Genève
»…