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les collections aristophil
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COCTEAU JEAN
MANUSCRIT autographe, [
Manon
, 1947]
; 2 pages in-4 très
remplies d’une petite écriture, avec ratures et corrections.
800 / 1 000 €
Brouillon pour la préface à
Manon Lescaut
de l’abbé Prévost
.
[Cette préface a été écrite pour une réédition du roman chez Stock
en 1947
; elle a paru dans la
Revue de Paris
en octobre 19417. Les
quatre derniers paragraphes manquent dans ce manuscrit.]
«
Il ne saurait être question de parler d’un livre illustre et qui se passe
de commentaires, mais d’éclairer certains de ses angles qu’on s’efforce
d’arrondir ou de laisser dans l’ombre pour concilier la gloire des
lettres françaises avec une habitude détestable den déplorer le vif.
L’abbé Prévost ne se peut comparer qu’à Pétrone. Son atmosphère
est celle du
Satyricon
, réserve faite de l’admirable chaleur d’amour
que Manon dégage comme une rose grande ouverte dans un corsage
entrouvert. Mais quel cortège aux flambeaux de joueurs, de tricheurs,
de buveurs, de débauchés, de descentes de police
! C’est ce parfum
crapuleux de poudre à la maréchale, de vin sur la nappe et de lit
défait qui donne à Manon la force de vivre à travers les siècles et de
ne se point confondre avec d’autres figures dont les mouches et le
sourire ne me suffisent pas. La grandeur de Manon, ce qui la sauve
d’être, comme
Les Liaisons dangereuses
, le chef d’œuvre des livres
de deuxième classe, ce qui en fait un chef d’œuvre tout court, c’est
la rafale parisienne qui roule cette étonnante histoire d’un parloir de
séminaire jusqu’à la tombe que Des Grieux creuse, à la Guyane, de
ses propres mains. C’est l’amour qui ne se mélange pas à la crapule
et couvre les personnages de cet enduit des plumes de cygne, enduit
grâce auquel le cygne barbote dans l’eau sale sans s’y salir
»… Etc.
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JOUHANDEAU MARCEL
(1888-1979)
L.A.S. « Marcel
», 15 octobre 1947, à Jean COCTEAU
; 4
pages in-8 à l’encre violette.
600 / 800 €
Belle lettre libre à Jean Cocteau, à propos de
La Difficulté d’être
.
« Mon petit Jean, Pardonne-moi, je suis en retard. La difficulté d’être
partout à la fois, au four, au moulin, s’ajoutant à la difficulté d’être
tout court, on a beau se lever tôt, on se couche tard. Comment
rencontrer un vitrier sans penser à toi, mais celui que j’ai vu Avenue
Malakoff hier matin […], c’est toi qui l’avais dessiné. L’envergure des
ailes à remuer de fond en comble l’inquisition et du pantalon et des
paupières. Assis, pourquoi était-il assis sur un banc avec cette grande
main rose qui lui ballait entre les jambes. Heurtebise en soi-même.
Tu ne pourras plus voir une épicerie sans songer à ton Marcel, dont
l’innocence en l’occurrence est à encadrer de papier de dentelle et
de turlututu. Ces petits sont gentils. Je leur parle de Berkeley, entre
un pot à moutarde et une corbeille de cornichons, sous les yeux
d’une grosse mère qui s’ouvrent sur moi, quand je m’annonce de loin,
comme deux portes cochères. Devant maintes gens distinguées, tu
penses
? à la table de notre Florence [GOULD] internationale, Jean
PAULHAN a fait l’éloge de ton livre. Seulement il l’a loué pour une
chose que je n’y ai pas vue. C’est ce qui fait l’intérêt des ouvrages. Ils
ne font pas les mêmes cachotteries à tout le monde (des ouvrages
qui en valent la peine). Le tien fait bander l’âme à chaque tournant
des pages. Entrebaisons-nous et à bientôt
»…
On joint une autre L.A.S.
« M.
», [1939, à Jean COCTEAU]
; 1 page in-8
à l’encre violette.« Au fond, c’est vrai tu as raison, ce livre de Sachs
[Maurice SACHS,
Au temps du Bœuf sur le toit
], c’est peut-être un peu
mieux que les mémoires de Poiret ou de Cécile Sorel, mais c’est du
même ordre. La paille qui brûle fait de hautes flammes un instant
»…