les collections aristophil
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grief qu’on oppose à des textes comme
celui que je suis en train de vous lire. On
leur reproche le manque de gravité. Mais
je crains l’air de gravité. Je ne crois pas
qu’une chose puisse être et avoir l’air d’être.
Je redoute l’homme qui veut être grave
à toute force et dont le sang se caille au
lieu de circuler joyeusement. J’aime qu’on
s’expose. J’aime qu’on ne confonde pas
ce qui est grave et ce qui est ennuyeux
»…
D’emblée, Cocteau pointe ce qui est pour
lui le trait caractéristique de son pays
: «
La
grande tradition française est une tradition
d’anarchie. C’est de toutes la plus solide.
Le désordre permet à la France de vivre
comme l’ordre est indispensable à d’autres
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COCTEAU JEAN
MANUSCRIT autographe signé « Jean
Cocteau
»,
Paroles en l’air
, [1948]
;
35 pages in-4 à l’encre bleu nuit et au
stylo bille bleu sur papier à en-tête de
la
Maison du Bailli
à Milly.
3 000 / 4 000 €
Manuscrit complet d’une conférence sur la
France et l’esprit français, réutilisée dans
la
Lettre aux Américains
.
Le titre primitif de cette conférence, biffé
et remplacé par
Paroles en l’air
, était
Réflexions sur la France
. Il est probable
que cette conférence, rédigée en 1948 (la
date est donnée p.
15
: « Je sais bien qu’en
1948
»…), l’a été pour être prononcée à New
York, où Cocteau est parti fin décembre
présenter son film
L’Aigle à deux têtes
; dans
l’avion du retour, pendant la nuit du 12 au 13
janvier 1949, il rédige la
Lettre aux Américains
(Grasset, 1949), où cette conférence est
presque entièrement réutilisée (p.
92-104
du tome
II de
Poésie critique
).
Le texte proprement dit de la conférence,
paginé de 1 à [30], est précédé de 5
feuillets
non paginés d’introduction
: « Mesdames,
Messieurs, Avant de prendre la parole
»…,
avec indication d’un texte de Baudelaire à
lire en introduction (non recopié), assorti
d’un bref commentaire sur Baudelaire et
Edgar Poe.
Ces pages sont une passionnante et brillante
réflexion sur la singularité de la France,
traversée par des anecdotes, des digressions,
des souvenirs personnels. Cocteau s’en
explique et s’en justifie
: «
Je connais le