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SCIENCES

espèces ou en actions ne fournissent aucune

sécurité, et tout autre chose absorberait la

force et la sérénité qu’Einstein considère plus

importantes que toute autre chose.

Il avait la ferme intention d’aller à Zurich voir

Tetel, mais y a renoncé, car étant donné le

déluge d’éléments allemands douteux en

Suisse, sa visite n’aurait pas été sans danger.

Même ici il vit sous protection spéciale de

la police, car il est considéré comme un

dangereux adversaire par les Nazis, non pas

parce qu’il pourrait avoir un quelconque effet

politique, mais à cause de son influence à

l’étranger.

Il ne pardonnera pas à Albert son compor-

tement envers lui, même s’il pense être dû

à l’influence de son épouse. Son avidité ne

sera pas récompensée car il ne laissera rien

derrière lui, et s’en réjouit. Mais Mileva doit

prendre des dispositions avec le Dr Zürcher

pour subvenir au sort de Tetel si elle venait

à mourir, le plus tard possible ; il ne faut

pas compter sur Albert et son épouse. Si

cela devient possible, Einstein fera quelque

chose pour lui aussi, mais il doute qu’il n’y

ait moyen de le faire.

Il travaille avec ses collègues et leur collabo-

ration est très réussie ; c’est sa plus grande

satisfaction. Mais à d’autres égards, il peut

également faire beaucoup de bien, grâce à

son influence en dehors de l’Allemagne. Mais

là-bas il est un des hommes les plus haïs.

Il est amusant de voir comme les relations

humaines sont instables et imprévisibles. La

meilleure solution consiste à tout accepter

avec humour et sans sourciller…

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EINSTEIN Albert

(1879-1955).

L.A.S. « A. Einstein », Princeton 26

septembre 1936, à M. EISNER ; 1 page

et demie in-4 (marques de plis, trous

de perforation sans toucher le texte) ;

en allemand.

4 000 / 5 000 €

À un violoniste qu’il regrette de ne pouvoir

aider, notamment à cause de l’antisémi-

tisme qui règne aux États-Unis

.

Meine Frau gab mir soeben Ihren Brief und

ich beeile mich, ihn zu beantworten. Sie

gehen leider von einer unrichtigen Voraus-

setzung aus. Ich sitze hier ganz einsam und

habe mit niemand Fühlung, am wenigsten

mit irgendwelchen Musikern. Die Vergebung

von Stellen an den Schulen ist absolut nicht

organisiert, sodass man nur auf Grund per-

sönlicher Beziehungen erfahren kann, wenn

irgendwo eine Stelle frei ist. Ich erfahre es

nicht einmal, wenn es sich um mein eigenes

Spezialfach handelt.

Zweitens existiert hier ein mächtiger Antisemi-

tismus, besonders in Universitätskreisen (aber

auch in der Industrie und im Bankwesen).

Dieser nimmt zwar niemals die Form von

brutalen Reden und Handlungen an, arbeitet

aber desto intensiver unter der Decke. Es

ist sozusagen ein allgegenwärtiger Feind,

den man aber nie zu sehen sondern nur zu

fühlen bekommt.

Damit Sie eine Vorstellung erhalten, brauche

ich Ihnen nur zu sagen, dass ich meinen

jungen Assistenten, mit dem ich zwei Jahre

lang erfolgreich gearbeitet habe, vor zwei

Monaten in – Russland untergebracht habe,

weil sich hier keine Möglichkeit zeigte.

Es ist aber keineswegs gesagt, dass es für Sie

allzu schwer sein müsse, passende Arbeit zu

finden, wenn auch nicht in den paar grossen

Städten, wohin sich alles zusammendrängt.

Sie müssen versuchen, persönliche Ver-

bindungen zu bekommen in musikalischen

Kreisen. Besuchen Sie den alten L. Godowsky

270 Riverside Drive. Derselbe dürfte zwar

selber nicht mehr so viel thun, aber er kennt

das Land und ist mit Recht von allen hoch

geschätzt. Grüssen Sie ihn herzlich, wenn

Sie zu ihm gehen.

Es freut mich, dass Sie bei so guten und lieben

Menschen wohnen. Herrn Talmey kenne ich

von Kindheit her (er war damals Student). […]

Ich lege einen Zeddel an Godowsky bei. Sie

müssen sich bemühen, in die einschlägige

Gewerkschaft aufgenommen zu werden. Dem

jungen Violinisten Schwarz ist dies neulich

gelungen »...

Einstein regrette de ne pouvoir aider Eisner

dans sa quête d’une place dans une école de

musique ; il n’est en contact avec personne,

notamment des musiciens. La répartition

des postes dans les écoles est absolument

indépendante, et même il n’aurait aucun

pouvoir dans sa propre spécialité. De plus,

l’antisémitisme est fort présent, surtout dans

les cercles académiques (mais aussi dans

le monde de l’industrie et de la banque).

Rien n’est exprimé sous forme de mots ou

d’actions violentes, mais le sentiment affleure.

Pour donner une idée de l’ennemi omni-

présent (qu’on ne voit jamais, mais que l’on

ressent partout), il a dû placer son jeune

assistant – avec lequel il avait travaillé avec

succès pendant deux ans – en Russie, il y a

deux mois, car il a été tout à fait impossible

de lui trouver un travail ici.

Mais il n’est nullement dit qu’il doit être trop

difficile de trouver un travail convenable, sauf

dans les grandes villes où tout est bondé.

Il faut essayer d’obtenir des contacts per-

sonnels dans les cercles musicaux. Einstein

donne l’adresse de Leopold GODOWSKY,

qui ne pourra probablement rien lui-même

mais connaît le pays et est à juste titre très

apprécié par tout le monde. Il ajoute qu’il

devrait adhérer au syndicat, comme l’a fait

le jeune violoniste Schwarz qui a réussi. Il se

réjouit de savoir qu’il habite chez les Talmeys,

des gens bons et aimables (il connaît Max

Talmey depuis l’enfance, quand ils étaient

étudiants). Il lui souhaite bonne chance…