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les collections aristophil

569

EINSTEIN Albert

(1879-1955).

MANUSCRIT autographe signé « A. Einstein »,

Zur

Enthüllung von Ernst Machs Denkmal

, avec L.A.S. d’envoi,

[Berlin] 22 janvier 1926, au physicien allemand Moritz

SCHLICK ; 1 page in-4 et 1 page oblong in-8, enveloppe

(légères traces d’adhésif dans le bas de la lettre en-dessous

du texte) ; en allemand.

8 000 / 10 000 €

Bel hommage à Ernst Mach, qu’Einstein salue comme un précurseur

de la théorie de la relativité

.

[Einstein considérait Ernst MACH (1838-1916), physicien et philosophe

autrichien, comme un précurseur de la théorie de la relativité, par

ses travaux sur la physique des sensations.

Cet hommage a été écrit à l’occasion de l’inauguration du monument

à Ernst Mach, pour le dixième anniversaire de sa mort, surmonté de

son buste par Heinz Peter, sur la Rathausplatz à Vienne. C’est Moritz

Schlick qui avait demandé à Einstein d’écrire ce texte d’hommage,

qui parut dans le journal viennois

Neue Freie Press

, le 12 juin 1926.]

« Die Bedeutung eines Denkers zeigt sich den folgenden Genera-

tionen viel klarer als der eigenen Generation. Man muss einen Berg

von einiger Entfernung sehen, damit man ihn als Glied des Gebirges

würdigen kann ; mit der Entfernung verschwinden die Kleinen und

wachsen die Grossen.

Ernst Machs stärkste Triebfeder war eine philosophische : Die Dignität

aller wissenschaftlichen Begriffe und Sätze ruht einzig in den Ein-

zel-Erlebnissen, auf die sich die Begriffe beziehen. Dieser Grundsatz

beherrichte ihn in all seinem Forschen und gab ihm die Kraft, den

hergebrachten Grundbegriffen der Physik (Raum, Zeit, Trägheit)

gegenüber eine für seine Zeit unerhörte Selbständigkeit entgegen-

zubringen. Machs schöne Einzelleistungen auf physikalischem und

physiologisch-psychologischem Gebiete treten für uns zurück neben

dem gewaltigen Impuls, den die Physik seiner Kritik der Grundbegriffe

verdankt, die von den Zeitgenossen für unfruchtbar gehalten wurde

und die später eine der wirksamsten Triebfedern für die Aufstellung

der Relativitätstheorie wurde.

Philosopher und Naturforscher haben Mach oft mit Recht getadelt,

weil er die logische Selbständigkeit der Begriffe gegenüber den

“Empfindungen” verwischte, weil er die Realität des Seins, ohne deren

Setzung keine Physik möglich ist, in der Erlebnisrealität aufgehen

lassen wollte und weil er durch solche Einseitigkeit des Standpunktes

zeitweilig fruchtbare physikalische Theorien (Atomtheorie, kinetische

Gastheorie) verworfen sehen wollte. Aber anderseits gab ihm gerade

jene grandiose Einseitigkeit die Kraft zur fruchtbaren Kritik, welche

auf anderen Gebieten der Entwicklung den Weg freilegte. Deshalb

hat sein Werk die Entwicklung des letzten Jahrhunderts entscheidend

mitbestimmt. »

Traduction

 :

L’importance d’un penseur est mieux comprise par la génération sui-

vante, que par la sienne. Il faut regarder une montagne de loin avant de

la reconnaître comme faisant partie d’une chaîne montagneuse plus

grande ; de loin, les petites disparaissent et les grandes s’accroissent.

Le moteur le plus fort chez Ernst Mach était philosophique : la

dignité de tous les termes et phrases scientifiques relève unique-

ment des événements singuliers auxquels les termes se réfèrent. Ce

principe l’a guidé dans toute sa recherche et lui a donné le pouvoir

d’opposer à la terminologie traditionnelle de la physique (espace,

temps, inertie), une notion d’indépendance jusqu’alors inouïe. Les

réalisations magnifiques de Mach dans le domaine de la physique

et de la physiologie-psychologie deviennent secondaires à côté du

puissant stimulant que la physique doit à sa critique de la terminologie

de base, critique que ses contemporains ont jugée stérile, et qui est

devenue l’un des moteurs les plus puissants dans le développement

de la théorie de la relativité.

Des philosophes et des savants ont critiqué Mach, à juste titre, d’avoir

brouillé l’indépendance logique des termes par rapport aux “sensa-

tions”, parce qu’il voulait fusionner la réalité de l’être, sans le postulat

duquel la physique ne serait pas possible, avec la réalité-événement,

et parce qu’il voulait abandonner des théories physiques fructueuses

(la théorie de l’atome, la théorie du gaz kinétique), à cause de cette

approche partiale. Mais d’un autre côté, c’est cette partialité grandiose

qui lui a donné la force de prodiguer une critique fructueuse qui a

ouvert la voie à des progrès dans d’autres domaines. Pour cette raison,

son œuvre représente une contribution majeure au développement

de ce demi-siècle écoulé.

Dans sa lettre d’envoi, Einstein explique que, malgré une charge

importante d’obligations, il devait dédier quelques mots à Mach pour

cette occasion. Si Schlick trouve que cette contribution ne convient

pas par son caractère laconique et critique (« wegen seiner Kürze

oder wegen seiner Kritik »), qu’il n’hésite pas à la lui renvoyer. Il espère

que les choses s’arrangeront avec REICHENBACH, sinon il fera une

tentative en Amérique du Nord. C’est gentil de la part de PLANCK,

lui qui développe tant d’objectivité, même si le cœur n’y est pas (« Es

ist rührend von Planck, der so viel Objektivität entwickelt, trotzdem

sein Herz licht dabei ist »)…