18
à midy et demy le roy a entendu la messe dans sa chambre avec la même attention qu’il a accoutumé de l’entendre le
jour qu’il a pris médecine, les yeux toujours ouverts, en priant Dieu avec une ferveur surprenante... La messe nie, il a
fait approcher de luy le cardinal de Rohan et le cardinal de Bissy auxquels il a parlé pendant une minute, et en nissant
de leur parler, il a adressé la parolle à haute voix à tous ce que nous étions de ses of ciers dans la ruelle, et auprès de son
balustre, nous avons tous aproché de son lit, et il nous a dit :
“
M
ESSIEURS
,
JE
SUIS
CONTENT DE
VOS
SERVICES
, vous m’avez dellement servuy et avec envie de me plaire. Je suis fâché
de ne vous avoir pas mieux récompensé que j’ay fait, les derniers tems ne l’ont pas permis.
J
E
VOUS QUITTE AVEC REGRET
,
SERVEZ
LE DAUPHIN AVEC
LA MÊME AFFECTION QUE
VOUS M
’
AVEZ
SERVY
.
C’est un enfant de
cinq ans qui peut essuyer bien des traverses, car je me souviens d’en avoir beaucoup essuyé pendant mon jeune âge.
J
E M
’
EN
VAIS MAIS
L
’
ÉTAT DEMEURERA
TOUJOURS
, soyez y dèlement attachez et que votre exemple en soit un pour tous
mes autres sujets, soiés tous unis, et d’accord, c’est l’union et la force d’un état.
E
T
SUIVEZ LES ORDRES QUE MON NEVEU
[
LE
FUTUR
R
ÉGENT
]
VOUS DONNERA
.
I
L VA GOUVERNER LE ROYAUME
,
J
’
ESPÈRE QU
’
IL
LE
FERA BIEN
.
J
’
ESPÈRE AUSSY QUE VOUS
FEREZ
TOUS VOTRE DEVOIR
,
QUE VOUS VOUS
SOUVIENDRÉS QUELQUES
FOIS DE MOY
”.
A
UX
DERNIÈRES
PAROLLES
NOUS
SOMMES
TOUS
FONDUS
EN
LARMES
, et rien ne peut exprimer les sanglots, l’af iction et
le déespoir de tout ce que nous étions...
» (pp. 332-333).
«M. de Saint-Simon répondit brusquement que non... »
L
A CASSATION DU TESTAMENT DE
L
OUIS
XIV
SOUS
LA
PRESSION DU
R
ÉGENT
ET DES DUCS DONT
S
AINT
-S
IMON
EN
1715.
«Relation de ce qui s’est passé au Parlement le lundy 2
e
septembre 1715. Messieurs les ducs avoient préparé leurs
contestations contre ce qu’ils prévoyaient se devoir passer et même avoient prévenu M. le duc d’Orléans... M. le duc
d’Orléans ayant entendu la messe vint à la Grande Chambre accompagné de messieurs les princes du sang. Avant
que de prendre place, il parla quelque tems debout assés bas à M. le premier président en faveur des ducs. Aussitost
M. l’archevêque et duc de Reims t les remontrances sur la contestation présente sur les protestations par écrit qui
fut remise...
M.
LE
DUC
DE
S
AINT
-S
IMON
ÉLEVA
SA
VOIX
POUR
SOUTENIR
LA
PROTESTATION
et demander qu’il luy en fut donné acte.
Il interpella M. le duc d’Orléans s’il n’avoit pas promis à messieurs les ducs de faire régler leurs prétentions avant que
l’assemblée fut fermée. M. le président de Novion prit la parolle, et dit qu’à l’occasion d’une assemblée aussy auguste
convocquée pour les plus importantes affaires de l’état, il étoit hors de propos de mêler une contestation qui étoit entre
des particuliers. M. le premier président dit que pour nir il n’y avoit qu’à donner acte à messieurs les ducs, que ce qui
se passeroit dans la journée ne pouroit nuire à leurs prétentions.
C
ELA AINSY APAISÉ
, M.
LE DUC D
’O
RLÉANS
PARLA
EN
CES
TERMES
: «Messieurs, après tous les malheurs qui ont accablé
la France, et la perte que nous venons de faire d’un grand roy, notre espérance est en celuy que Dieu nous a donné.
C’est à luy seul, Messieurs, que nous devons à présent nos hommages, et une delle obéissance. C’est moy comme le
premier de ses sujets qui doit donner l’exemple de cette délité inviolable pour sa personne... » Le manuscrit donne
ensuite la teneur complète du testament de Louis XIV, et poursuit :
«P
ENDANT
LA
LECTURE
DU
TESTAMENT
, M.
LE
DUC
D
’O
RLÉANS
NE
PUT
S
’
EMPÊCHER
DE MARQUER
SA
SURPRISE
PAR
SES
GESTES
.
M. le duc d’Orléans présenta ensuite à M. le premier président les codiciles du roy que M. le le chancelier
luy avoit remis entre les mains ; ils furent donnés à M. de Dreux qui en t la lecture ainsy qu’il ensuit : «Par mon
testament déposé au Parlement, j’ay nommé le duc du Mayne
[ ls naturel légitimé de Louis XIV]
pour tuteur du
dauphin... Mon intention est que... il ayt toute l’autorité sur les of ciers de la Maison du jeune roy, et sur les troupes
qui la composent...»