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à midy et demy le roy a entendu la messe dans sa chambre avec la même attention qu’il a accoutumé de l’entendre le

jour qu’il a pris médecine, les yeux toujours ouverts, en priant Dieu avec une ferveur surprenante... La messe nie, il a

fait approcher de luy le cardinal de Rohan et le cardinal de Bissy auxquels il a parlé pendant une minute, et en nissant

de leur parler, il a adressé la parolle à haute voix à tous ce que nous étions de ses of ciers dans la ruelle, et auprès de son

balustre, nous avons tous aproché de son lit, et il nous a dit :

M

ESSIEURS

,

JE

SUIS

CONTENT DE

VOS

SERVICES

, vous m’avez dellement servuy et avec envie de me plaire. Je suis fâché

de ne vous avoir pas mieux récompensé que j’ay fait, les derniers tems ne l’ont pas permis.

J

E

VOUS QUITTE AVEC REGRET

,

SERVEZ

LE DAUPHIN AVEC

LA MÊME AFFECTION QUE

VOUS M

AVEZ

SERVY

.

C’est un enfant de

cinq ans qui peut essuyer bien des traverses, car je me souviens d’en avoir beaucoup essuyé pendant mon jeune âge.

J

E M

EN

VAIS MAIS

L

ÉTAT DEMEURERA

TOUJOURS

, soyez y dèlement attachez et que votre exemple en soit un pour tous

mes autres sujets, soiés tous unis, et d’accord, c’est l’union et la force d’un état.

E

T

SUIVEZ LES ORDRES QUE MON NEVEU

[

LE

FUTUR

R

ÉGENT

]

VOUS DONNERA

.

I

L VA GOUVERNER LE ROYAUME

,

J

ESPÈRE QU

IL

LE

FERA BIEN

.

J

ESPÈRE AUSSY QUE VOUS

FEREZ

TOUS VOTRE DEVOIR

,

QUE VOUS VOUS

SOUVIENDRÉS QUELQUES

FOIS DE MOY

”.

A

UX

DERNIÈRES

PAROLLES

NOUS

SOMMES

TOUS

FONDUS

EN

LARMES

, et rien ne peut exprimer les sanglots, l’af iction et

le déespoir de tout ce que nous étions...

» (pp. 332-333).

«M. de Saint-Simon répondit brusquement que non... »

L

A CASSATION DU TESTAMENT DE

L

OUIS

XIV

SOUS

LA

PRESSION DU

R

ÉGENT

ET DES DUCS DONT

S

AINT

-S

IMON

EN

1715.

«Relation de ce qui s’est passé au Parlement le lundy 2

e

septembre 1715. Messieurs les ducs avoient préparé leurs

contestations contre ce qu’ils prévoyaient se devoir passer et même avoient prévenu M. le duc d’Orléans... M. le duc

d’Orléans ayant entendu la messe vint à la Grande Chambre accompagné de messieurs les princes du sang. Avant

que de prendre place, il parla quelque tems debout assés bas à M. le premier président en faveur des ducs. Aussitost

M. l’archevêque et duc de Reims t les remontrances sur la contestation présente sur les protestations par écrit qui

fut remise...

M.

LE

DUC

DE

S

AINT

-S

IMON

ÉLEVA

SA

VOIX

POUR

SOUTENIR

LA

PROTESTATION

et demander qu’il luy en fut donné acte.

Il interpella M. le duc d’Orléans s’il n’avoit pas promis à messieurs les ducs de faire régler leurs prétentions avant que

l’assemblée fut fermée. M. le président de Novion prit la parolle, et dit qu’à l’occasion d’une assemblée aussy auguste

convocquée pour les plus importantes affaires de l’état, il étoit hors de propos de mêler une contestation qui étoit entre

des particuliers. M. le premier président dit que pour nir il n’y avoit qu’à donner acte à messieurs les ducs, que ce qui

se passeroit dans la journée ne pouroit nuire à leurs prétentions.

C

ELA AINSY APAISÉ

, M.

LE DUC D

’O

RLÉANS

PARLA

EN

CES

TERMES

: «Messieurs, après tous les malheurs qui ont accablé

la France, et la perte que nous venons de faire d’un grand roy, notre espérance est en celuy que Dieu nous a donné.

C’est à luy seul, Messieurs, que nous devons à présent nos hommages, et une delle obéissance. C’est moy comme le

premier de ses sujets qui doit donner l’exemple de cette délité inviolable pour sa personne... » Le manuscrit donne

ensuite la teneur complète du testament de Louis XIV, et poursuit :

«P

ENDANT

LA

LECTURE

DU

TESTAMENT

, M.

LE

DUC

D

’O

RLÉANS

NE

PUT

S

EMPÊCHER

DE MARQUER

SA

SURPRISE

PAR

SES

GESTES

.

M. le duc d’Orléans présenta ensuite à M. le premier président les codiciles du roy que M. le le chancelier

luy avoit remis entre les mains ; ils furent donnés à M. de Dreux qui en t la lecture ainsy qu’il ensuit : «Par mon

testament déposé au Parlement, j’ay nommé le duc du Mayne

[ ls naturel légitimé de Louis XIV]

pour tuteur du

dauphin... Mon intention est que... il ayt toute l’autorité sur les of ciers de la Maison du jeune roy, et sur les troupes

qui la composent...»