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Suit un passage encadré d’un trait concernant le manuscrit de ses
Mémoires
: « à propos de cette boëte, qui contient autant et plus
de manuscrit que vous en avés déjà », elle la lui fera porter quand sa cachette sera prête : « Avisés à sa conservation pour tous les
cas possibles, afin qu’un
protecteur
ne lui manque pas, s’il vous arrivoit quelqu’accident ».
« Quant à moi Jany, tout est fini. Vous savés la maladie que les Anglois appellent
heart-breaken
? J’en suis atteinte sans remède,
et je n’ai nulle envie d’en retarder les effets ; la fièvre commence à se développer, j’espère que ce ne sera pas très long. C’est un
bien ; jamais ma liberté ne me seroit rendue ; le ciel m’est témoin que je la consacrerois à mon malheureux époux ! Mais, je ne
l’aurois point et je pourrois attendre pis ; c’est bien examiné, réfléchi, et jugé ».
Suivent des considérations sur les effets de l’amour sur le moral ; sa propre expérience des sentiments amoureux infirme les idées
que l’on porte d’ordinaire sur la passion : « c’est par le
moral
qu’elles sont
passions
et qu’elles ont de beaux ou d’éclatans effets ;
ôtés ce moral, tout n’est qu’appétit et se réduit aux besoins physiques. Si le moral de l’amour ne valoit rien, il faudroit dire que
l’état social où il se développe est le pire de tous »…
Elle termine en s’inquiétant du sort de B
UZOT
: « Je
le
crois perdu ; mais, s’il parvenoit jamais dans le monde heureux où votre
fils est cultivateur [l’Amérique], ménagés-vous des renseignemens qui vous permettent de lui faire parvenir ce que vous saurés de
moi. Je sais que ce sentiment inspire de se conserver pour qui nous aime ; mais je suis à d’autre avant lui, et je n’aurai jamais la
faculté de me rendre, même à mes devoirs. Ainsi tout doit finir pour moi. Heureux quand la nature s’y prête ! Adieu Jany, adieu
cher Jany, mon unique consolateur ».
Publiée dans les
Lettres de Madame Roland
(éd. Claude Perroud, Imprimerie nationale, 1900-1902, t. II, p. 528, n° 551).
Ancienne collection du marquis de L’A
IGLE
(25 mai 1973, n° 85)
343.
Louise de C
HÂTILLON
, duchesse de LA TRÉMOILLE
(1763-1814) dame d’honneur de Marie-Antoinette, elle
émigra après les massacres de Septembre et écrivit des
Mémoires
.
Lettre autographe signée « Louise de la Trémoille », [Londres] « 8 heures du soir » [octobre 1793 ?], à Charlotte A
TKYNS
à Piccadilly ; 1 page et demie in-8, enveloppe avec cachet cire brune.
600/800
É
MOUVANTE
LETTRE
SUR
LA MORT
DE
M
ARIE
-A
NTOINETTE
, que Charlotte Atkyns avait cherché à faire évader du temple.
« J’ai commencée ma journée aux pieds des autels, couverte et environnée de deuil, ma seule mon unique pensée à étée Elle ; tous
mes vœux, toutes mes prieres les plus ferventes, Elle en a étée l’objet, et j’ai demandée au ciel un bonheur dont je ne peux plus
être témoin, c’est dans cette disposition triste que j’ai reçue en rentrant votre touchante lettre [...] j’accepte avec transport l’offre
d’une amitié qui m’attache à l’amie de celle que j’ai aimée plus que tout au monde et à laqu’elle je resterai également intéressée
malgré le temps qui détruit tout. Votre lettre ma chere ma tendre amie, est sur mon cœur, sur un cœur tout à vous, qui est lié au
votre par des liens qui ne sont plus en notre pouvoir, mais qu’une connoissance plus ancienne resserrera et rendra aussi long que
nottre vie, j’ai lue en tremblant un des articles de votre lettre, celui où vous dites, qu’elle me regardoit comme à Elle, c’est à genoux
que je vous remercie du bonheur que vous m’avez donné, mais, hélas... je ne puis en jouir »...