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341.
Manon P
HLIPON
, Madame ROLAND
(1754-1793) l’égérie des Girondins ; femme (1780) de Jean-Marie Roland de
la Platière (1734-1793), elle fut guillotinée.
Lettre autographe, [prison de Sainte-Pélagie] samedi [28 septembre 1793], à J
ANY
[surnom du géographe Edme
M
ENTELLE
] ; 5 pages in-8, adresse « To M. Jany ».
3 000/4 000
M
AGNIFIQUE
LETTRE DE
PRISON
,
VÉRITABLE
CONFESSION ALORS QU
’
ELLE
RÉDIGE
SES
M
ÉMOIRES
,
SACHANT QU
’
ELLE
SERA
BIENTÔT GUILLOTINÉE
.
Elle a eu beaucoup de plaisir à recevoir des nouvelles de son « cher Jany […] Placée sur les confins du monde, les témoignages
d’attachement d’un individu de mon espèce que je puisse estimer me font trouver encore quelques douceur à vivre. J’ai souffert
pour ma pauvre compagne [Mme Petion, dont la mère a été guillotinée le 24 septembre], au-delà de toute expression. C’est moi
qui me suis chargée du triste office de la préparer au coup qu’elle n’attendait guère et de le lui annoncer ; j’étois sûre d’y apporter
les adoucissemens qu’un autre eût peutêtre difficilement trouvé parce qu’il n’y a guère que ma position qui pût me faire partager
aussi bien sa douleur ». Elle passe depuis une grande partie de ses journées en sa compagnie : « j’en travaille bien moins, mais je
suis utile, et ce sentiment me fait goûter une sorte de charme que les Tyrans ne connaissent pas ».
Puis elle évoque le Tribunal révolutionnaire : « Je sais que B. [B
RISSOT
] va être immolé ; je trouve plus atroce que cela même la
disposition qui interdit tout discours aux accusés. Tant qu’on pouvoit parler, je me suis senti de la vocation pour la guillotine ;
maintenant, il n’y a plus de choix, et massacrée ici, ou jugée là, c’est la même chose ». Après avoir évoqué quelques commissions
auprès de Mme G.chp. [Grandchamp], et un envoi de livre [
Histoire de lady Barton, en forme de lettres
] pour lire au petit Petion,
elle évoque le sort de son amant B
UZOT
: « c’est un infortuné qui n’a que des malheurs pour prix de ses vertus ; persécuté, proscrit,
je ne sais s’il dérobera longtemps sa tête à la vengeance des fripons dont il étoit le rude adversaire ».
Puis elle revient, en évoquant les cahiers des
Mémoires
qu’elle lui a donnés, sur son passé : « Assurément, vous pouvés lire tout
ce que je vous envoye. J’ai regret maintenant de ne vous avoir pas envoyé les 4 premiers cahiers ; le reste ne sent rien quand on
ne les a pas vûs ; ils peignent mes dix-huit premières années, c’est le temps le plus doux de ma vie ; je n’imagine point d’époque,
dans celle d’aucun individu, rempli d’occuppations plus aimables, d’études plus chères, d’affections plus douces ; je n’y eus point
de passion ; tout y fut prématuré, mais sage et calme, comme les matinées des jours les plus sereins du printemps. Je continuerai,
si je puis, au milieu des orages ; les années suivantes me firent connoitre ceux de l’adversité et développèrent des forces dont le
sentiment me rendoit supérieure à la mauvaise fortune. Celles qui vinrent après furent laborieuses et marquées par le bonheur
sévère de remplir des devoirs domestiques très multipliés, dans une existence honorable mais austère ; enfin, suivirent les jours
de la Révolution et avec eux le développement de tout mon caractère, les occasions de l’exercer. J’ai connu ces sentimens généreux
et terribles qui ne s’enflamment jamais davantage que dans les bouleversemens politiques et la confusion de tous les rapports
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