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MONTAGU, Elizabeth.

Apologie de Shakespear

[sic], en réponse à la critique de M. de Voltaire. Traduite de l’Anglois.

Londres et Paris, Merigot le jeune, 1777

.

In-8 [198 x 120 mm] de (2) ff., 270 pp. : veau fauve marbré, dos lisse orné de chats dorés et répétés,

pièce de titre de maroquin rouge, coupes filetées or, tranches rouges

(reliure de l’époque)

.

Édition originale de la traduction française.

Une charge contre Voltaire par la “Mme du Deffand de la capitale anglaise”.

“Nous voyons l’éditeur des ouvrages de Corneille reprocher souvent à notre Shakespear le défaut de

délicatesse & de bienséance dans ses pièces, en termes si grossiers qu’ils sont inexcusables dans un

homme qui sçait si bien manier la fine plaisanterie. Il y a sans doute des passages qui se sentent de la

grossièreté des tems, dans lesquels il écrivoit ; mais on ne peut s’empêcher de rire lorsqu’on voit un

critique qui fait profession d’admirer Corneille, trouver à redire à la barbarie de Shakespear.”

Voltaire s’était, il est vrai, attaqué au dramaturge anglais parfois de manière un peu rude. Elizabeth

Montagu (1718-1800) lui répondit avec un livre qui eut un grand retentissement :

Essay on the Writings &

Genius of Shakespeare

, paru pour la première fois à Londres en 1769. Elle était à Paris en 1776 et assista

à la séance de l’Académie au cours de laquelle d’Alembert lut la fameuse

Lettre

de Voltaire réitérant ses

critiques envers Shakespeare. La publication en français de l’essai de Mme Montagu, l’année suivante,

ternit la réputation du philosophe qui lui en tint rigueur – ce qui n’était pas fait pour troubler cette

dernière.

Elizabeth Montagu fut l’une des femmes d’esprit les plus remarquables de son temps. Elle recevait

dans son salon Samuel Johnson, Edmund Burke, Horace Walpole, Joshua Reynolds, etc. Elle est à

l’origine du mot “bas bleu” parce qu’elle avait nommé son cercle intellectuel le “bluestocking circle”.

Le mot n’avait pas, au départ, la connotation péjorative qu’il prit par la suite. Et, comme pour mieux

souligner son rôle et son influence, ses amis la surnommèrent “The Madame Du Deffand of the

English capital”.

Exemplaire parfait de la bibliothèque de Mme du Deffand, avec son chat doré sur le dos.

Marie de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand (1697-1780), incarne l’esprit brillant des

Lumières. Elle entretint une riche correspondance avec tous les beaux esprits du temps qui se

pressaient dans son salon “tapissé de moire bouton d’or” : d’Alembert, Montesquieu, Voltaire,

Fontenelle, Marivaux, Horace Walpole et le président Hénault, son amant. “Personne n’exerça une

influence plus directe sur la société de son époque […]. Ses

Lettres

ont suffi pour la classer parmi les

plus purs écrivains de la langue, et ont été plus d’une fois réimprimées” (Quentin Bauchart).

Frappée de cécité en 1767, elle fit venir auprès d’elle sa nièce, Julie de Lespinasse, comme lectrice :

nul doute que cette dernière lui lut cette

Apologie de Shakespeare

dont elle avait rencontré l’auteur.

L’exemplaire a ensuite appartenu au

prince de Beauvau

, avec étiquette imprimée (“Du legs de la

marquise du Deffand au prince de Beauvau”). Il avait été nommé par la Mme du Deffand son

exécuteur testamentaire, avec le marquis d’Aulan. Mme du Deffand avait légué à Beauvau, “comme un

souvenir d’amitié, quelques pièces de porcelaine et un choix dans ses livres.”

Le volume appartint ensuite à

André Langlois

, avec ex-libris et, comme à son habitude, note autographe

sur un feuillet monté en tête, puis à

Hubert Heilbronn

, avec ex-libris.

4 000 / 6 000 €

Deux

femmes

d’esprit

réunies

contre

Voltaire