Previous Page  150-151 / 308 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 150-151 / 308 Next Page
Page Background

887

[HELVÉTIUS, Claude-Adrien.]

De l’Esprit

.

Paris, Durand, 1758

.

In-4 [284 x 211 mm] de (2) ff., XXII pp., 644 pp. la dernière non chiffrée pour l’

Approbation

et le

Privilège

: maroquin rouge, dos à nerfs joliment orné, pièce de titre de maroquin vert, roulette, filet

et large dentelle dorés encadrant les plats avec armes dorées au centre, coupes et bordures intérieures

décorées, tranches dorées

(reliure de l’époque)

.

Édition originale : précieux exemplaire de première émission, tiré sur grand papier.

Il est conforme à toutes les remarques précisément listées par David Smith.

(

Bibliography of the Writings of Helvétius

2001, pp. 104-127, avec reproduction de la reliure du présent

exemplaire : “E1a, first issue of the first edition.” Les caractéristiques du grand papier, reconnaissable

aux filigranes, sont également conformes. “Three papers are used : fine, large and ordinary.”)

Publiée chez l’éditeur de l’

Encyclopédie

, sans nom d’auteur, l'édition originale fut saisie sans tarder au

mois de juin 1758. Le manuscrit avait obtenu le privilège royal au prix de quelques coupures opérées

par un censeur n’ayant rien à refuser à l’ancien fermier général, alors maître d’hôtel de la reine Marie

Leczinska. Tollé général, privilège révoqué ; le traité est condamné à être brûlé.

Une seconde édition in-quarto expurgée vit le jour en septembre, sans jamais désarmer l’hostilité des

pouvoirs qui ne pardonnaient pas à Helvétius de s’être attaqué à l’absolutisme tout en fondant une

morale sociale sans Dieu. Entre-temps, circulaient sous le manteau des exemplaires distribués avec

parcimonie par Helvétius qui avait réussi à en soustraire quelques-uns.

Un des livres clés des Lumières.

Condamné par la Sorbonne, le Parlement et le Pape, Helvétius (1715-1771) fut contraint de rétracter

la hardiesse de ses thèses matérialistes et sa critique violente du despotisme. Selon sa doctrine, il faut

laïciser l’enseignement, établir la liberté de la presse, remédier à l’inégalité des richesses. Son ébauche

d’une science de l’homme sera prolongée par la société des idéologues. Toutefois,

De l’Esprit

mit en

danger la cause qu’il entendait servir, entraînant par contrecoup la suspension de la publication de

l’

Encyclopédie

, associée à la réprobation générale.

“No book during the eighteenth century, except perhaps Rousseau’s

Émile

, evoked such an outcry from

religious and civil authorities or such universal public interest” (David Smith).

Splendide et fameux exemplaire en maroquin à dentelle, aux armes de Madame Helvétius,

alias

“Notre-Dame d’Auteuil”.

L’esprit d’Helvétius a survécu en la personne de sa veuve, dont tous les contemporains ont loué

l’intelligence, la beauté et la générosité spontanée. Anne-Catherine de Ligniville (1719-1800),

élevée par sa cousine Mme de Graffigny, épousa Helvétius en 1751. Le couple tenait salon à Paris

dans leur hôtel de la rue Sainte-Anne où les encyclopédistes se réunissaient en “états généraux de

l’intelligence”. On y croisait Rousseau, Condorcet, Voltaire, Buffon, artistes et hommes politiques.

En 1771, à la mort d’Helvétius, elle se retira à Auteuil et continua de recevoir ses amis. Turgot et

Franklin auraient bien voulu l’épouser. Après la Révolution, plus radicale que les philosophes eux-

mêmes, “Notre-Dame d’Auteuil” entretenait la flamme matérialiste et républicaine. Son salon devint

le point de ralliement des Idéologues. On y rencontrait, Destutt de Tracy, Chénier, Volney, Cabanis

et, à l’occasion, Bonaparte. En quête de caution intellectuelle, ce dernier s’efforça de séduire le

“groupe d’Auteuil”, le considérant comme un allié potentiel dans sa conquête du pouvoir, avant de

s’en éloigner tout en nourrissant à son égard un mélange d’irritation et de fascination.

C’est le seul volume aux armes de Madame Helvétius qui soit parvenu jusqu’à nous.

L’exemplaire provient de la collection de

Jacques Guérin

(cat. VI, 1990, n° 26). Il avait auparavant

figuré dans le Bulletin Morgand (1901, nº 41475 : “Riche reliure du XVIII

e

siècle avec larges dentelles

aux armes de la comtesse Helvétius, née de Ligniville, femme de l’auteur.”)

Quelques piqûres. Mouillure claire en tête du dernier tiers du volume. Petites éraflures restaurées sur

les plats ainsi que les coins supérieurs. Les feuillets de gardes blancs ont été renouvelés sans doute par

Jacques Guérin, ou plus tôt. L’exemplaire est conservé à très grandes marges.

Rahir,

Bibliothèque de l’amateur

, p. 454.- Tchemerzine III, 672.

80 000 / 120 000 €