95
ACADÉMIE FRANÇAISE
tout ensemble, comme dans la progression arithmetique, mais de
valeur seulement. Je ne doute pas que vous ne m’entendiés bien. Si
l’on n’a pas ce terme moyen de valeur, il est certain que le produit
d’un terme quelconque par le nombre des termes ne donnera pas
la valeur de la somme, mais il en donnera toujours l’ordre »... Etc. Il
conclut : « Vous avés très bien veu, Monsieur, que la somme infinie
de 1/A est infiniment moindre que ∞. Elle l’est en effet, puisque ce
n’est qu’un Infini radical pur. Je l’ai fait voir dans mon Livre art. 1413,
et suivants, et je croi être le premier ». Il ajoute : « Je serai bien aise
que la langue françoise servit à accommoder notre different. C’étoit
bien de la malice à vous qui la parlés si bien, de m’écrire en Latin.
Faut-il que la France ait perdu des hommes tels que vous, qui lui
apartenoient ? Du moins souvenés vous que nous étions faits vous
et moi pour être Compatriotes »...
7 juillet
. « Il s’en faut bien que je ne sois le Pilote d’un aussi habile
homme que vous, je ne suis qu’un simple Matelot, très peu expé-
rimenté, mais j’ose vous soutenir encore avec assurance que nous
voyons terre ». Et Fontenelle reprend leur discussion mathématique
sur les nombres finis et sur la somme des termes d’une suite... « Je
suis faché pour l’honneur de mon Pays d’apprendre que nous ne
soyons pas compatriotes, mais du moins nous sommes confrères
[...] je persiste a vouloir être du nombre de vos amis, et sera peutêtre
un exemple rare dans les Lettres qu’une assés longue dispute ait fait
naistre l’amitié »...
8 novembre
. « Je crains bien que nous ne prenions le train de ne
pas finir. Il vaudroit mieux s’arrester a un point unique et fondamental
d’où tout dépend. Y a t-il dans A deux termes
n
et n+1, tels que
n
étant fini, n+1 soit infini ? Cela décidé tout est fait »...
1
er
mars 1734
. « J’entre volontiers dans les accommodements, car
je suis bien las de lutter contre un adversaire tel que vous et aussi
supérieur en force. Ce ne sera [...] qu’une question de nom, et c’est
pour cela que je differois de repondre a la lettre par laquelle vous
me demandiés des définitions du fini et de l’infini. J’ai examiné la
suite G, et je trouve qu’il y a veritablement de l’erreur », et il espère
apporter dans une seconde édition quelques corrections « utiles et
nécessaires »... En travaillant « au dernier volume de nos Histoires,
j’ai eu occasion de vous nommer, et j’ai senti que je le faisois avec
plaisir »...
L’Académie française au fil des lettres
, p. 96-103.
INTERIEUR.indd 95
21/10/2019 16:25