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les collections aristophil
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FLAUBERT Gustave
(1821-1880).
L.A.S. «
ton
G. », Nuit de vendredi 2 h. [23 décembre 1853], à
Louise COLET à Paris ; 4 pages in-4, enveloppe avec cachet
de cire rouge (Louise Colet a noté deux vers au dos de
l’enveloppe).
12 000 / 15 000 €
Très belle lettre sur l’écriture de
Madame Bovary
et le gueuloir,
et évoquant vertement les amours de Louis Bouilhet
.
« Il faut t’aimer pour t’écrire ce soir car je suis épuisé. J’ai un casque
de fer sur le crane. Depuis 2 h de l’après-midi (sauf 25 minutes à
peu près pour dîner) j’écris de la Bovary. Je suis à leur Baisade – en
plein – au milieu. On sue et on a la gorge serrée. Voilà une des rares
journées de ma vie que j’aie passés dans l’Illusion, complètement,
& depuis un bout jusqu’à l’autre. Tantôt à six heures au moment où
j’écrivais le mot
attaque de nerfs
j’étais si emporté, je gueulais si fort,
et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que
j’ai eu peur moi-même d’en avoir une. Je me suis levé de ma table
et j’ai ouvert la fenêtre pour me calmer. La tête me tournait. J’ai à
présent de grandes douleurs dans les genoux, dans le dos et à la tête.
Je suis comme un homme qui a trop foutu (pardon de l’expression)
c’est-à-dire en une sorte de lassitude pleine d’enivrement. – Et puisque
je suis
dans l’amour
il est bien juste que je ne m’endorme pas sans
t’envoyer une caresse, un baiser, et toutes les pensées qui me restent.
Cela sera-t-il bon ? Je n’en sais rien. (Je me hâte un peu pour montrer
à B. [Bouilhet] un ensemble quand il va venir.) Ce qu’il y a de sûr c’est
que ça marche vivement depuis une huitaine. Que cela continue !
Car je suis fatigué de mes lenteurs ! Mais je redoute le réveil, les
désillusions des pages recopiées ! N’importe, bien ou mal, c’est une
délicieuse chose que d’écrire ! que de ne plus être
soi
mais de cir-
culer dans toute la création dont on parle. Aujourd’hui par exemple
homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me
suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d’automne,
sous des feuilles jaunes, & j’étais les chevaux, les feuilles, le vent, les
paroles qu’ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s’entrefermer
leurs paupières noyées d’amour.
Est-ce orgueil ? ou piété ? est-ce le débordement niais d’une satis-
faction de soi-même exagérée, ou bien un vague et noble instinct de
Religion, mais quand je rumine après les avoir subies, ces jouissances
là, je serais tenté de faire une prière de remerciement au Bon Dieu
si je savais qu’il pût m’entendre. – Qu’il soit donc béni pour ne pas
m’avoir fait naître marchand de coton, vaudevilliste, homme d’esprit,
etc. Chantons Apollon comme aux premiers jours ! aspirons à pleins
poumons le grand air froid du Parnasse, frappons sur nos guitares
& nos cymbales – & tournons comme des derviches dans l’éternel
brouhaha des Formes et des Idées »…
Il attend avec impatience
La Servante
de Louise Colet : « Pour faire
de la littérature étant femme, il faut avoir été passée dans l’eau du
Styx »... Quant à Maxime DU CAMP, « il y a entre les hommes une
sorte de pacte fraternel & tacite qui les oblige à être maquereaux
les uns des autres » ; mais Flaubert ne veut pas renouer avec lui :
« c’est un homme
à ne pas voir
, je crois. Cette locution que j’emploie
ouvre la porte à
toutes
les hypothèses. Ce malheureux garçon est un
de ces sujets auxquels je ne veux pas penser. Je l’aime encore au
fond, mais il m’a tellement irrité, repoussé, nié, et fait de si odieuses
crasses que c’est pour moi “comme s’il était déjà mort” ainsi que dit
le duc Alphonse à M
e
Lucrezzia ».
Puis il évoque les amours de Louis BOUILHET avec « la Sylphide »
[Edma Roger des Genettes] « qui, à ce qu’il paraît, a été fortement
touchée
(& branlée, peut-être ?). […] J’avais toujours jugé ladite une
gaillarde chaude, – et je ne me suis pas trompé. Mais elle a l’air de
mener ça bien, rondement, cavalièrement. Tant mieux. Cette femme
est rouée. Elle connaît le monde, elle pourra ouvrir à B.
des hori-
zons nouveaux
. Piètres horizons ! il est vrai, mais enfin ne faut-il pas