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les collections aristophil
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FLAUBERT Gustave
(1821-1880).
L.A.S. « ton G. », Samedi 1 h. [« 16 avril 1853 » de la main de
Louise Colet], à Louise COLET ; 4 pages in-4.
12 000 / 15 000 €
Très belle lettre sur l’écriture de
Madame Bovary
.
Il a été la veille « d’une tristesse funèbre, atroce, démesurée, – et
dont j’étais stupéfait moi-même. Nous ressentons à distance nos
contre-coups moraux. Avant hier, dans la soirée j’ai été pris d’une
douleur aigue à la tête, à en crier et je n’ai pu rien faire. Je me suis
couché à minuit. Je sentais le cervelet qui me battait dans le crane,
comme on se sent sauter le cœur quand on a des palpitations. […] Je
ne m’occupe plus que de ma Bovary, désespéré que ça aille si mal ».
Il tente de consoler sa « pauvre amie », dont la lettre est « pleine de
sanglots ». Il lui enverra de l’argent si elle en a besoin et si elle échoue
au concours : « quant à l’Académie je médite (en cas d’insuccès) une
vengeance raide qui leur tapera sur les doigts & les fera lire à l’avenir
les pièces à juger, avec plus d’attention. Mais je crois que Villemain
va faire les cinq cents coups. – C’est comme la bataille de Marengo
tu la gagneras peut-être au moment où tu crois tout perdu »... Si
elle échoue, il lui propose d’apporter à Mantes
L’Acropole
: « nous
reverrions tout, ne laissant rien passer comme à
la Paysanne
. Nous
en ferions une chose parfaite, ce qui ne serait pas difficile. Le morceau
des Barbares serait exécuté
comme je l’ai conçu
, c’est-à-dire on y
taperait légèrement sur ceux qui échignent l’antique sous prétexte de
le conserver, badigeonneurs, faiseurs d’expurgata, professeurs, etc.
On pourrait faire là-dessus un mouvement crane & où l’Académie
ne serait pas ménagée sans la nommer. – Puis le lendemain du prix
je publierais mon
Acropole
avec une note “Ce poëme n’a pas eu le
prix” »... Il vient de relire deux fois
La Paysanne
: « C’est superbe
(sans exagération). Ça marche comme un chemin de fer & c’est plein
de couleur. Q[uoi]que je la susse presque par cœur j’ai été attendri
encore ». Il signale quelques fautes à revoir, et donne des indications
typographiques pour la composition du titre, dont il trace la maquette…
« Supprime aussi, aux annonces des autres récits, la femme intelligente,
qui a l’air de faire une classe à part. La femme intelligente n’est pas
un rang dans la société. Mets la lionne, la bas-bleu n’importe quoi.
Mais pas d’épithète qualificative »...
Puis il revient à
Madame Bovary
. « Je suis brisé de fatigues, & de
fatigue – & d’ennui – Ce livre me tue. Je n’en ferai plus de pareils.
Les difficultés d’exécution sont telles que j’en perds la tête dans des
moments – on ne m’y reprendra plus à écrire des choses bour-
geoises. La fétidité du fonds me fait mal au cœur. Les choses les plus
vulgaires, sont par cela même atroces à dire. & quand je considère
toutes les pages blanches qui me restent encore à écrire j’en demeure
épouvanté. – À la fin de la semaine prochaine j’espère te dire p[ou]
rtant quand est-ce qu’enfin nous nous verrons. […] Ce sera dans trois
semaines, je pense. Si un bon vent me soufflait je n’en aurais pas
pour longtemps. – Que c’est bête de se donner tout ce mal-là, &
que personne n’appréciera jamais ! – Mais je me plains, quand c’est
toi qu’il faut plaindre. Peut-être m’envoies-tu ta tristesse. – Eh bien
prends donc toute ma force – & mes baisers les plus tendres – Je
mets ma bouche sur tes lettres, mon cœur sur ton cœur »...
Correspondance
(Pléiade), t. II, p. 4.