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ACADÉMIE FRANÇAISE
1160
VIGNY Alfred de
(1797-1863) [1845,
32
e
f].
MANUSCRIT
autographe,
Royer-
Collard
, 30 janvier 1842 ; 2 pages
et demie grand in-fol. (36 x 23 cm),
paginées 9 à 11 (portrait joint).
2 000 / 2 500 €
Célèbre récit, écrit sur le vif, de sa visite
académique à Royer-Collard
.
[Le récit de cette visite à Pierre-Paul
ROYER-COLLARD
(1763-1845) a été recueilli
dans le
Journal d’un poète
(Bibl. de la
Pléiade, p. 1163-1165).]
La scène se passe dans une antichambre mal
chauffée, entre le candidat et « un pauvre
vieillard, rouge au nez et au menton, sa tête
chargée d’une vieille perruque noire et enve-
loppé de la robe de chambre de Géronte
avec la serviette au col du Légataire uni-
versel ». Vigny est mal reçu et rapporte avec
verve sous forme de dialogue de comédie
les propos échangés.
Royer-Collard lui déclare : « Mon opinion
est que vous n’avez pas de
chances
», avec
un « certain air qu’il veut rendre ironique
et insolent ». Il se vante même de ne rien
lire, ni journaux, ni «
rien
de ce qui s’écrit
depuis trente ans », il ne va pas au théâtre,
il ignore donc les œuvres de Vigny. Ce der-
nier, au moment de se retirer, lance : « Vous
n’attendez pas, je pense que je vous fasse
connaître mes œuvres, vous les découvrirez
dans votre quartier, ou en Russie dans la
traduction russe ou allemande sans que
je vous dise : Mes enfans sont charmans
comme le hibou de Lafontaine »...
Et Vigny de conclure : « Vieillard à demi en
enfance. Aigri de se voir oublié après avoir
eu son jour de célébrité. Jusqu’ici les acadé-
miciens me donnent une bonne comédie, ils
ne l’écriraient pas si bien qu’ils me la jouent
sans le savoir ».
L’Académie française au fil des lettres
, p.
196-200.