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les collections aristophil
1159
VIGNY Alfred de
(1797-1863) [1845,
32
e
f].
L.A.S. « Alfred de Vigny », [Chatham,
18 août 1836], à Antoni DESCHAMPS,
chez le Dr Blanche à Montmartre ;
3 pages in-4, adresse (petites
déchirures par bris de cachet
réparées ; portrait joint).
700 / 800 €
Belle lettre à son ami lors de son séjour
en Angleterre
.
Il ne l’oublie pas, et se rappelle combien
Antoni avait souffert en Angleterre : « Vous
étiez alors bien abattu et je crois que la tra-
versée et la saison vous avaient fait voir tout
sous une couleur plus sinistre qu’il n’eût fallu
pour être juste. Pour moi, c’est le contraire.
La saison est chaude et belle ; tout est gazon
et roses. Les routes de ce grand jardin de
l’Angleterre sont couvertes de ces voitures
que vous savez où l’on fait de la musique
en déployant de grandes bannières. John
Bull est en gaieté. Il travaille et il chante. Je
connais à fond à présent ses sentiments,
ses idées et sa vie. Je fais mes provisions
de remarques. Je vais du haut en bas de
l’échelle ».
Il est venu à Chatham « visiter les vaisseaux
de ligne qui sont dans la Tamise et sur les
chantiers », et « voir de près la sévérité de la
discipline anglaise. Partout l’ordre et le travail.
Quelque fortune que l’on ait, on travaille.
Des fils de Lords sont avocats et plaident.
J’aime cela »…
Les Anglais sont bien en arrière « dans la
connaissance de notre littérature ; mais en
vérité c’est bien la faute aussi de ceux qui
devraient la leur faire connaître. On ne leur
envoie pas les plus beaux de nos livres. […] Je
vous prie de voir notre cher Poëte et notre
bon ami S[AIN]TE-BEUVE ». Il va bientôt
revenir : « vous me reverrez au milieu de
vous et de ces assassins qui, dit-on, courent
les rues. Puis-je croire cela ? Allons-nous
devenir des brigands à stylet, grand Dieu !
Sera-ce encore la France italienne que les
mémoires auront à peindre comme au temps
de Bussy-Rabutin ? »…
Correspondance
, t. 3, p. 140 (n° 36-84).