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ACADÉMIE FRANÇAISE

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YOURCENAR Marguerite

(1903-1987)

[AF 1980, 3

e

f] ; elle fut la première

académicienne.

L.A.S. « Marg. Yourcenar », Bruxelles

14 décembre 1930, à Jean ROYÈRE ;

3 pages petit in-4 sur papier mauve,

enveloppe.

1 000 / 1 500 €

Belle lettre sur la gloire et le roman

.

Elle remercie son ami de sa belle lettre et lui

répond sur la question de la gloire : « C’est

un fruit qu’on ne mange pas, dites-vous, mais

qu’on partage. Vous avez mille fois raison. Il

ne faut considérer la gloire [...] que comme

un

moyen

. [...] Malheureusement, dans la

vie courante, la gloire ne se présente guère

à nous que sous la forme de succès, chose

agréable à un point de vue tout pratique,

mais décevant et souvent dangereux. Je ne

sais pas encore exactement ce que je vaux.

L’important pour moi, en ce moment, est

d’arriver, au sens précis du mot, à m’estimer

moi-même. Ce que je vous écrivais l’autre

jour au sujet du roman n’est pas très juste.

Un roman n’est pas l’équivalent d’un poème ;

c’est autre chose ; je crois même que c’est

davantage. Dans le poème, la sensation

nous fait retour, multipliée, mais identique

à ce qu’elle était au départ. L’avantage du

roman, même autobiographique, c’est qu’il

nous détache de nous-mêmes, et nous force

d’adopter, autant que possible, le point de

vue du créateur ».

Elle est touchée des soins que Royère et sa

femme portent à leur belle-fille, « un chef-

d’œuvre de dévouement »... Elle ajoute un

amusant post-scriptum sur les formules

finales des lettres, et conclut : « Les Anglais

disent que “la rose peut s’appeler comme

elle veut, elle serait toujours la rose”. Mais

c’est un proverbe auquel il est ambitieux

de faire allusion quand on ne s’appelle que

Marguerite ».

L’Académie française au fil des lettres

,

p. 280-283.

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YOURCENAR Marguerite

(1903-1987)

[AF 1980, 3

e

f].

L.S. et L.A.S. « M. Yourcenar » et

« Marguerite Yourcenar », 1932-1938 à

André FRAIGNEAU ; 1 page petit-in-4

dactylographiée sur papier mauve

avec enveloppe, et 2 pages in-8 sur

papier bleu à en-tête

Normandy

Hotel Paris

.

300 / 400 €

[André FRAIGNEAU (1905-1991), lecteur aux

éditions Grasset, avait inspiré à Yourcenar une

passion intense, mais sans espoir.]

Lausanne 23 mai 1932

. Elle a terminé son

livre en chemin de fer, et comme elle en a

tourné une page « avec un doigt qui venait

de servir à égaliser un fard, une de vos pages

semble avoir saigné. J’aime votre livre. […] Il

me plait que ce livre vous ressemble, et que

tant de ténèbres finissent par mouler votre

image. Je pense à l’histoire que vous m’avez

racontée, et j’imagine un torse de lutteur sûr

de ne pas vaincre […] ou de suppliant sûr de

ne pas être exaucé. Mais peut-être serait-il

temps de s’exaucer soi-même »…

Paris 6 juillet 1938.

Elle le remercie pour les

« lignes si généreuses » qu’il a consacrées

dans le

Mercure de France

à ses

Nouvelles

Orientales

, qui lui rappellent qu’ils ne se sont

pas vus depuis bien longtemps. De passage

à Paris quelques jours, elle l’invite à boire un

porto dimanche…