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ACADÉMIE FRANÇAISE

m’avaient déjà frayé

Sous l’œil des Barbares

et

l’Homme Libre,

et qui, lorsque j’étais

encore un adolescent tourmenté, au fond

de sa province, m’avaient ramené à la vie

intérieure de ma pieuse enfance par les

détours enchantés d’une pensée et d’un art

tout profanes ? Après ma mère chrétienne,

qui avait tant souhaité de voir ce jour que

je vous dois, après mes maîtres religieux,

Maurice Barrès acheva de me persuader

que le royaume qu’il nous faut atteindre

est bien au dedans de nous. Sans ce fils

de Pascal, tout ce qui est humain ne me

fût pas devenu l’objet d’une curiosité à ce

point ardente. C’est, en partie, grâce à ses

leçons, que devant un homme aussi différent

de moi qu’Eugène Brieux, et en dépit de ce

qui nous séparait, j’ai éprouvé d’abord une

sympathie, très tôt changée en un sentiment

plus profond »…

L’Académie française au fil des lettres

,

p. 284-287.

Si l’on peut dire qu’un homme de lettres vient

au monde avec son premier livre, en la per-

sonne de Maurice Barrès, votre compagnie

s’est penchée sur mon berceau. Que dis-je ?

Elle m’a, littérairement, donné l’être et la vie.

Avant l’extraordinaire fortune qui m’échoit

aujourd’hui, mes vingt ans avaient eu déjà le

bénéfice d’une élection singulière, le maître le

plus armé, que j’admirais au point de n’avoir

pas osé lui adresser mon premier livre [

Les

Mains jointes

, 1909], soudain je le voyais me

distinguer dans une foule qui le pressait de

toute part, s’approcher de moi, demeurer

attentif à mes balbutiements. Et la merveille

ne fut pas tant le témoignage public qu’il me

donna de son estime que cette ambition

dont je fus désormais possédé, de ne pas

faire mentir un tel prophète, lorsque ayant

écarté les frêles roseaux de mes poèmes, il

assurait y découvrir une source.

Pour lui donner raison, pouvais-je faire

mieux que d’avancer dans le chemin que