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les collections aristophil

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BALZAC Honoré de (1799-1850).

L.A.S. « Balzac », 18 août 1831, à Samuel-Henry BERTHOUD

à Cambrai ; 3 pages in-8, adresse avec petit cachet de cire

(brisé avec petite déchirure, légères rousseurs).

3 000 / 4 000 €

Belle lettre sur

La Peau de chagrin

et les

Romans et contes

philosophiques

.

[Samuel-Henry BERTHOUD (1804-1891), journaliste et romancier,

rédacteur en chef de la

Gazette de Cambrai

, fut beaucoup soutenu

à ses débuts par Balzac, qui l’aida à placer ses contes et nouvelles

dans des revues parisiennes ; à l’époque de cette lettre, il vient de

publier deux volumes,

Chroniques et traditions surnaturelles de la

France

et

Contes misanthropiques

.]

« Mon bon Berthoud, songez qu’il m’est impossible de v[ou]s envoyer

la Peau de chagrin

avant une huitaine de jours, vous savez ce que

sont les exigences des libraires. Gosselin a gardé toute la première

édition pour la vente, – nous avons deux volumes de réimprimés et le

3

e

ne durera pas longtems à faire, – ainsi vous aurez 3 beaux volumes

décens et honorables au lieu de deux. – J’ai été assassiné par des

obligations de journalisme et de plus, je suis forcé d’aller ces jours-ci

en Touraine pour une affaire fort désagréable, sans cela j’eusse été

vous voir avec un plaisir que je ne saurais exprimer. – Du reste, je

n’en ai pas perdu l’espoir, et je crois que la Flandre me verra en 8

bre

.

J’aurai trois ou quatre jours à vous donner, si Dieu le veut. – Si je ne

vous ai pas écrit c’est à cause des énormes travaux dans lesquels

je suis engagé par suite des besoins pécuniaires que ma maladie et

mon inaction forcée m’ont faits.

Croyez, mon bon ami, que nul mieux que moi ne connais les douceurs

de l’amitié, ses lois, et j’ai si bien senti parfois dans la vie le charme

qu’il y a d’être aimé que je comprends admirablement bien les

pensées dont vous êtes actuellement assailli sur ces étranges amitiés

parisiennes qui veulent de l’actualité, qui oublient l’absent, qui souvent

s’en moquent. Mais je voudrais vous voir entraîné par notre courant,

je voudrais que vous connussiez de quelle religion cordiale vous êtes

l’objet, et que de fois une sincère et vive exclamation qui m’échappe

vous est accordée au détriment de mes amis présens. Je suis ni un

homme, ni ange, ni un diable. Je suis une espèce de mécanique à

littérature, je suis hébété de travail. L’autre jour, nous deux NODIER,

nous nous confessions que nous nous arrachions les cheveux par

momens faute de pouvoir réaliser nos promesses et de ne nous

trouver sans un mot à écrire avec des idées plein la tête. – J’ai en

ce moment un malheureux article intitulé

l’Auberge rouge

, et je suis

depuis trois mois accroupi devant ce sujet-là.

Vous êtes bien chiche de détails sur vous quand vous m’écrivez ; je

ne sais ni ce que vous faites, ni ce que vous prosez – cela est mal

– j’ai plus de confiance. Je vous réitère que je n’ai jamais vu v[otre]

éditeur, – que vos livres ont été mal lancés – que vous vous êtes

fait du tort pour l’avenir par la manière dont tout ceci a été conduit.

– Songez qu’il ne suffit pas d’avoir du talent,

des amis prêts à

vous

servir

. Il y a un fait à accomplir, une entente commerciale, et vous

auriez dû moins vendre vos livres que les remettre entre les mains d’un

homme habile qui vous aurait fait valoir 100

p

/100 à v[otre] première

publication. Il faut bien vous aimer pour vous écrire tout cela »...

Correspondance

(Bibl. de la Pléiade), t. I, p 384 (n° 31-66).