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les collections aristophil

sa propre publicité, mais explique ce malentendu : R.

VALLERY-

RADOT

lui a conseillé de changer le titre, qui paraissait trop triste :

« j’ai cédé, lui adressant quelques titres nouveaux parmi lesquels il a

choisi la “

Grande peur des Bien-pensants

”. Voilà tout »…

Toulon 30

mars

. Il approuve le dédoublement du chapitre trop long. Il souhaite

un prompt rétablissement à Mme Bessand-Massenet en cure en

Suisse, et lui recommande son ami Michel

DARD

, qui séjourne aussi

à Montreux…

Toulon 1

er

avril

. Il renvoie un projet (de publicité) « juste

à point pour ne pas mourir d’une mort violente due à une brusque et

totale dilatation de ma vanité »… Lundi : il accepte de venir à Paris pour

la sortie du livre. « Hélas ! je ne me fais plus énormément d’illusions

sur la bonne volonté du cher Grasset (est-il français ?...). Je crains

bien qu’il ne se fiche du bouquin comme de sa première et lointaine

maîtresse »…

26 mai

. La veuve de

DRUMONT

lui a écrit une lettre

navrante : « Flammarion refuse de rééditer les livres de son mari ».

Il aimerait « s’entendre avec ces manants », pour publier quelques

passages choisis. Il a entendu que certains libraires faisaient une

mauvaise publicité à son livre. Qu’en est-il ?...

22 juin

. « Assurément,

vous m’avez enterré déjà dans cette petite part empoisonnée du cœur

où achèvent de pourrir les amitiés mortes avant que le squelette en

puisse être dressé sur du fil de laiton, par les soins des naturalistes ».

Il s’est installé route d’Hyères, où il travaille enfin chez lui : « seul entre

quatre murs, je puis me croire une espèce de génie. Au café sous le

regard sceptique des garçons, ce n’est réellement pas possible ! »…

4

novembre

. Il a été très malade : « J’ai failli dériver tout doucement au

large de la mer sans rives, et sans l’autorisation du dictateur Bernard

Grasset ». Il ne va toujours pas bien…

Hyères 28 juin [

1933

].

Belles

réflexions sur leur amitié (après le décès de Simone B.M. le 11 mai),

qui a eu des hauts et des bas : « Elle a grandi presque malgré moi,

ou du moins presque sans que j’y pense. Je puis donc vous prier

de l’accepter maintenant bien moins comme un don volontaire que

comme une pauvre chose qui vous appartenait depuis toujours »…

Il lui demande d’être le parrain de son prochain enfant attendu en

août…

[31 août]

 : « croyez-vous, ou ne croyez-vous pas possible une

enquête sur

HITLER

, et la jeunesse allemande ? De toutes manières,

je ne voudrais réellement pas mourir sans avoir dit quelque chose du

drame wagnérien qui se joue en ce moment là-bas, et qui met debout

toute la juiverie du monde. […] Je vous assure que j’ai quelque chose

à dire de ce bonhomme-là »…

3 octobre

. Il annonce la naissance de

son fils Jean-Loup (30 septembre 1933), qui « a dégringolé hier en ce

vague et triste monde, avec une vitesse record » ; il souhaite que son

ami accepte d’être le parrain…

7 novembre

. Sur un projet de revue qui

semble intéresser la maison Grasset, qui y voit une bonne opération

financière, dont il ne veut pas la priver : « Car je crois sincèrement

qu’en l’état présent de mes rapports avec une partie du public de

la

Grande Peur

la publication des Morceaux choisis de Drumont ne

serait pas une brillante affaire ». Il est souffrant : « Mettons que ce soit

la grippe. Moi j’appelle ça un écœurement total de l’âme, et la grippe,

ou la tripe n’y est pour rien »… – [

Paris

, après son accident de moto (31

juillet 1933)] : « J’ai vu hier “l’électrologue” et le radiologue (ou graphe).

Évidemment, je commence – ou plutôt continue à croire – que je

trainerai la patte toute ma vie »… [

Baléares

1935

]. Longue lettre sur sa

situation financière et à l’égard de

PLON

qu’il surnomme la « Veuve

Garancière », qui lui a fait des avances de 1927 à 1929 dont il ignore

le montant, et dispose d’une délégation sur l’indemnité que Bernanos

devrait toucher après son accident, « de deux romans achevés (

Un

crime

et

M. Ouine

), d’un « autre roman dont elle possède plus de

deux cents pages et qu’il m’est

très

facile d’achever en cinquante »,

et de 110 pages « d’un autre livre [

Journal d’un curé de campagne

],

lesquelles pages sont certainement les plus émouvantes que j’ai

écrites […] Tout ce travail (sauf

M

r

Ouine

) a été fait depuis fin avril 1934,

c’est-à-dire en huit mois, en dépit d’un mois de maladie, et de cinq

à six semaines perdues pour le déménagement (!), la vente de mon

mobilier, l’installation ici »… Il aimerait pouvoir « travailler tout de suite

à mon journal », à condition de le payer à la page : « Il me semble, je

vous jure, que ce journal serait beau. Et demain, il sera sans doute

trop tard. Tous crevés,

même

les salauds ! » Ce serait impubliable chez

Plon « où la grandissante méfiance de certains salauds ferait déjà

une jolie petite haine, bien roulée »…

Une lettre d’

Hyères

est adressée à Pierre

GAXOTTE

pour lui

recommander Pierre Bessand-Massenet, « un des cœurs les plus

réellement

fiers que je connaisse »… Un autre lettre à un ami annonce

la naissance de Jean-Loup : « Un petit garçon vient de dégringoler en

ce bas-monde – dégringoler est le mot qu’il faut. Un quart d’heure

a suffi. […] Que ne puis-je aussi vite donner un livre à la Postérité ! »…

Manuscrit

autographe signé (3 pages et demie in-4) de la

fin de la

conclusion de

La Grande Peur des bien-pensants

, où Bernanos

interpelle les « Jeunes français, jeunes électeurs français, soldats d’hier

ou de demain »… ; et pour finir l’affirmation lucide que « la société

qui se crée peu à peu sous nos yeux réalisera aussi parfaitement

que possible, avec une sorte de rigueur mathématique, l’idéal d’une

société sans Dieu. Seulement, nous n’y vivrons pas. L’air va manquer

à nos poumons. L’air manque. Le Monde qui nous observe avec

une méfiance grandissante s’étonne de lire dans nos yeux la même

angoisse obscure. Déjà quelques-uns d’entre nous ont cessé de

sourire, mesurent l’obstacle du regard… On ne nous aura pas. On ne

nous aura pas vivants ! »

Suivent 2 pages autographes de corrections pour

La Grande Peur

des bien-pensants 

; puis un tiré à part des

Cours et Conférences

d’Action française

(octobre 1929) avec la conférence de Bernanos

sur Édouard

Drumont

.

On a relié en tête du volume une

photographie de Bernanos par

Laure

ALBIN-GUILLOT

(1927, 25,5 x 18 cm) avec

dédicace

a.s. : « à

Pierre Bessand-Massenet, à son amitié si diligente et si discrète, avec

ma très affectueuse gratitude, G. Bernanos ».

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