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106

les collections aristophil

418

CÉLINE Louis-Ferdinand

(1894-1961).

38 L.A.S. (« LFDestouches »,

« LFCeline » ou « LFC »), 1947-1951, à

son beau-père Jules

ALMANSOR 

;

environ 145 pages la plupart in-fol.,

3 enveloppes (fentes et bords un peu

effrangés à quelques lettres).

15 000 / 20 000 €

Importante correspondance inédite à son

beau-père, sur ses ennuis juridiques et

financiers durant son exil.

Les lettres sont écrites de Copenhague et de

Korsør en 1950 et 1951, où Céline vit dans un

logement rudimentaire mis à disposition par

son avocat danois Thorvard

MIKKELSEN

,

puis de Menton et Nice en 1952 après

l’obtention de son amnistie. Ces échanges

témoignent de la totale confiance que

Céline avait en son beau-père, qui lui avait

notamment fait parvenir l’argent provenant

de ses éditions clandestines, et auquel il

confie en toute discrétion de nombreuses

transactions financières pour son compte ;

Jules ALMANSOR (1882-1952) était expert-

comptable ; Céline écrit « Almanzor ». La

plupart des courriers sont des demandes

d’aides, ou des remerciements pour le grand

soutien matériel, administratif et logistique

qu’il apporte à sa fille Lucette et à lui durant

leurs années d’exil. On y retrouve également

ses inquiétudes à l’approche de son procès,

sa révolte contre l’incompréhension générale,

beaucoup de méfiance et des imprécations

envers les « pilleurs » de ses œuvres.

1947.

Copenhague 15 mars

. « Bien

sincèrement et affectueusement merci pour

tout ce que vous faites pour nous. C’est bien

la première fois de ma vie (et je vous assure

la dernière fois) que je lance un SOS. J’ai

l’habitude de venir au secours des autres.

Je n’aime pas ma propre détresse. […] Les

conditions nouvelles qui me sont faites sont

nettement meilleures, (enfin ! après 16 mois de

tortures). Les autorités d’ici n’ont pu vraiment

rien trouver de sérieux dans les inculpations

françaises qui leur eussent permis de me

livrer

. Il a donc bien fallu qu’ils me gardent

– Oh ce n’est pas de très bon cœur ! […]

Ils n’avaient pas de motif non plus de me

faire absolument crever. Je peux à présent

observer Lucette de près. Elle a beaucoup

souffert mais son état s’améliore bien depuis

que je suis beaucoup plus souvent et de

longues heures avec elle »… Leurs conditions

de vie s’amélioreront s’il obtient le refuge

politique, « libre – je l’espère »… Il suggère

que des parents belges de Lucette s’occupent

de faire éditer ses livres dans leur pays : « Le

cas est épineux […] mais le commerce très

fructueux – et il faut bien que je me débrouille

d’une façon ou de l’autre […] puisque en

France on me boycotte ! »……

Korsør

le 23

[novembre]

. Commande urgente d’un « ruban

pour boutonnière de

médaille militaire

 »,

pour pouvoir se rendre au Consulat de

Copenhague, et commande détaillée de

linge de maison ; Daragnès remboursera ;

consignes pour l’envoi… « Mes affaires

judiciaires s’agitent un peu. Je ne serais

pas surpris d’être passé à la casserole l’un

de ces prochains jours ! D’où ma visite au

Consulat ! »…

1950.

Le 8 [mai]

. Lucette doit

entrer à l’hôpital de Copenhague pour y être

opérée d’un « kyste à l’ovaire. […] Bien sûr je

ne la quitterai pas. Je vais donc demeurer

chez Mikkelsen ». Suivent plusieurs courriers

inquiets puis rassurants à ce sujet...

Le 23

[mai]

. « Lucette a été opérée le 21 – au matin.

Ce fut un fibrome extra utérin rattaché à

l’utérus par un mince pédicule.

Le mieux

de ce qu’on pouvait redouter. […] Mais la

pauvre chérie a bien souffert et souffre

encore », notamment par « le lever post-

opératoire […] cette pratique est infiniment

douloureuse,

monstrueuse

mais elle est à

présent classique […] vous savez combien

Lucette est courageuse et peu geignante

mais elle accuse la douleur […] Je ne la quitte

pas du matin 8 h au soir 8 h. Heureusement

grâce à Mikkelsen nous avons pu avoir une

chambre individuelle […] Lucette sortira je

crois très bien de cet abominable incident ».

Il loge « dans une sorte de placard avec

Bébert le chat, dans le couloir du bureau

de Mikkelsen »… D’autre nouvelles suivent…

Le 1 [juin]

. La sortie de l’hôpital est retardée

par un abcès à la suture. « Lucette a été

admirable la pauvre chérie de courage et de

résolution. Après tant d’atroces épreuves !

Mille gratitudes pour votre offre d’aide. Vous

avez déjà fait beaucoup pour nous. J’essaye

de me débrouiller, il n’est pas dans ma nature,

même dans les pires conditions, de ne pas

prendre sur moi toutes les conséquences

de mes aventures ! Je paye – le prix – il est

horrible je l’avoue – mais pour Lucette si

nous arrivons à nous tirer d’ici, il se pourrait

alors que je vous demande de m’aider un

peu à l’habiller – pour revenir dans la vie

normale – si elle doit donner des leçons »…

Le 9

 : « Lucette vient d’être opérée, voici la

5

ème

fois en 3 semaines ! »…

Le 15

. « Je vous

dirai quand je serai absolument à bout de

ressources. Nous avons tout

vendu

. Ça ira

encore un moment. Je vous dirai par qui et

comment m’adresser cette somme.

Oh pas

du tout

par MIKKELSEN qui étoufferait

tout

 !

[…] C’est un rapace super normand (généreux

à ses heures !) d’un maniement très délicat !

Et nous lui devons tout ! »…

Le 11

. « Vous savez

qu’il est impossible de rien confier aux lettres.

En une heure d’entretien je vous aurais appris

mille choses… Notre vie ici est un malentendu.

Et ce sont toutefois les

autres

qui parlent

pour nous. […] Hélas la vérité est

toute autre

.

[…] La vérité

comptable

et morale 

! Mais

il faut tenir avec les éléments que nous

avons en main ! 

Pratiquement

 »…

Le 7

, sur

les moyens de lui faire passer de l’argent,

avec « crapulerie d’État » du Danemark sur