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les collections aristophil
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CÉLINE Louis-Ferdinand
(1894-1961).
3 L.A.S. « LFCeline », [Klarskovgaard] 2
et 3 janvier [1950], à Georges BIDAULT,
Président du Conseil ; 10 et 4 pages
in-fol. et 1 page in-4.
4 000 / 5 000 €
Étonnantes lettres à Georges Bidault, alors
Président du Conseil, quelques semaines
avant son procès
.
[Georges BIDAULT (1899-1983) est depuis
octobre 1949 Président du Conseil. Frappé
par l’élan de confiance et d’espoir qui émanait
de son allocution de Noël prononcée à la
radio le 24 décembre 1949, Céline lui adresse
ces deux lettres. À cette époque, il est exilé au
Danemark, et se débat pour pouvoir rentrer
libre en France, lançant des appels à toutes
les bonnes volontés possibles pour le tirer de
là. C’est dans ce cadre qu’il écrit au président
du Conseil, « familièrement, presque sur
le ton de la conversation et parsème sa
requête, comme il en avait l’habitude, de
coups de pattes aux uns et aux autres. […]
Quel autre proscrit en passe de comparaître
devant une Cour de Justice aurait écrit de
cette façon au Président du Conseil ? […]
Ces deux lettres […] constituent une parfaite
illustration de l’originalité foncière de Céline,
de sa verve, de sa faconde, de son esprit
frondeur et de cette manière si particulière
et si sympathique qu’il avait de ne jamais
se prendre au sérieux » (François Gibault).]
2 janvier
. Il vient de lire son « allocution de
Noël, aux Français », qu’il n’avait pu entendre,
n’ayant pas la radio : « admirable ! Je suis
ému… Quels termes ! […] Oh là ! moi qui
suis engagé volontaire des 2 guerres, mutilé
à 75 p 100, médaillé militaire depuis nov.
1914, pensez si les larmes me montent… !
Surtout que je gis sur mon grabat
glacial
malade à crever, précisément, des suites
de mes blessures de guerre et des 18 mois
de Réclusion
(Vesterfangsel) que les Danois
m’ont fait faire
ici
à la demande furieuse de
Monsieur Guy de LA CHARBONNIÈRE, votre
petit ami (ce vichyssois (de la Martinique)
maquillé résistant)... […] cet odieux bouffon
a même fait emprisonner ma malheureuse
femme et mon
chat
! Me voici ici prisonnier
sur parole, et dans l’état le plus misérable »,
persécuté maintenant par René MAYER
(ministre de la Justice) : «
Mon dossier
est vide
». Alors que le commissaire du
gouvernement Seltensperger « avait conclu
au non-lieu – total. Il lui fut intimé l’ordre
d’avoir à m’inculper
quand même
de quelque
chose... Il me déféra devant la
Chambre
Civique
...
Mais MMayer vint
... ! Du coup sur
son ordre on te me rebascule sous l’article
83 ! […] Vengeance, et
vengeance raciste
!
C’est une grosse ficelle quand même !
J’ai conseillé aujourd’hui à M. Mayer de
démissionner
avant
de me faire condamner
sur ordre
. […] Je n’aime pas le scandale M.
le Président. J’ai bien souffert depuis 10 ans,
sous les Allemands, après les Allemands,
la même persécution
. Je n’ai rien dit –
mais si M. Mayer insiste vraiment à faire
l’idiot enragé “
Je dirai
” (
Poteau-sur-Seine
).
Pourquoi ce Procès Dreyfus à l’envers ?
Le premier n’a pas suffi... ? […] Me voici
maintenant inculpé d’
Entreprise contre la
France
? À qui le fera-t-on croire ? » Les
communistes, dénoncés par Jules MOCH,
trahissent certes la France, mais rigolent :
« Ça rend fort
de vraiment trahir
. Moi je n’ai
jamais “entrepris” ni trahi
personne
,
ni rien
.
Alors me voilà frais ! Je vais payer pour tout
le monde ». Il va même payer pour Mme
VOILIER qui a pu faire acquitter la maison
Denoël. « J’ai tout souffert, tout perdu dans
cette effroyable aventure d’avoir prétendu,
prétentieux, faire entendre ma voix chétive et
burlesque, avant que s’ouvrent les Abattoirs.
On ne m’y reprendra plus […] Si la Guerre est
l’Industrie nationale des Allemands, je crois
que la persécution de l’Écrivain est le vice
national des Français. […] Après tout, tout
de même, il serait peut-être temps que ça,
change un peu... Vous seriez bien aimable,
ça serait peut-être votre très grand titre de
gloire, de dire à ce Mayer qu’il me foute la
paix ! Qu’il aille passer son épilepsie ailleurs !
Je me dois moi Monsieur le Président aux
Lettres Françaises, au patrimoine national »…
Et Céline continue de dénoncer Mayer : « Il
s’en fout du Droit ! de tous les droits ! c’est
que je crève qu’il veut ! c’est un Sadique »…
Sous sa signature il ajoute : « né le 27 mai
1894 à Courbevoie Seine ».
Le 3
. Il craint d’avoir oublié le S au prénom
de Bidault, et revient sur sa dénonciation de
René MAYER comme « un “adultérateur de
monnaie” (tel Philippe le Bel) non ! ce n’est
qu’un tripatouilleur de Devises... Le délit est
moindre. On les a déjà bien oubliés tous les
“5000” qu’il a fauchés ! Il peut recommencer
demain (amnistie) ! Mais je vois déjà qu’il
fabrique des faux poids pour les Balances
de Sa Justice – oh ça c’est grave ! Il peut se
permettre tout qu’il dit. Ce n’est plus Paris
c’est Patisalem... […] Et Parisgrad pour quand ?
[…] Quel nouvel Offenbach nous donnera 100
ans après l’autre “La Vie Parisgradienne” !
Qu’on rigole un peu ! Il est temps ! Lui il
est pas drôle le financier-justicier. Duc de
Montrouge – because le fort ! et autres lieux !
Rotchild-Vendôme ! Byzance voyez-vous
Mr le Président ça a duré 6 siècles ! Le tout
c’est d’être un bon Byzantin et on vit bien
heureux... C’est un fameux Byzantin votre
Mayer de Vendôme. Ah mais pas drôle. C’est
pas lui qui fera rigoler les Croisés... Vite un
musicien place Vendôme ! »…
Dédicace
au verso d’une reproduction
annotée de
l’Illustré national
de novembre
1914 célébrant l’action héroïque du « maréchal
des logis Destouches, du 12
e
régiment de
cuirassiers » : « A Monsieur Georges Bidault,
Président du Conseil. Soyons calme, justes et
courageux ! [citation du discours de Bidault]
Nom de Dieu ! A la bonne vôtre ! LFCeline ».
Bibliographie
: « Deux lettres inédites de
Louis-Ferdinand Céline à Georges Bidault »,
in
Bulletin des amis de Georges Bidault
, n°
2, oct. 1988, p. 39-71, avec fac-similés et
présentation de François Gibault : « Céline
au Danemark ». –
Lettres
(Bibl. de la Pléiade),
p. 1269-1272 (lettres 50-1 et 50-2).
Provenance
: Georges Bidault ; vente
Artcurial, 13 décembre 2021, n° 20.