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À travers près de cent cinquante numéros, cette seconde partie de
vente recèle de vrais trésors, et bien des lettres à prix doux.
À côté de nombreuses lettres d’écrivains, souvent remarquables
(Flaubert à Louise Colet, Maupassant à Tourgueniev racontant
la mort de Flaubert, et de belles lettres de Marcel Proust),
signalons quelques précieux ensembles de correspondances :
correspondances familiales, avec les tendres lettres de Stendhal
à sa sœur Pauline, les émouvantes lettres du jeune Victor Hugo
à son père, la correspondance pathétique de Céline à son beau-
père ; correspondances littéraires, comme celle d’Alfred de Vigny
à Victor Hugo, tous deux jeunes et fougueux romantiques, celle de
Gérard de Nerval à son ami Francis Wey, ou celle de Bernanos à
son éditeur ; correspondances amicales : « l’oblat » Huysmans au
cabotin Henri Girard, ou Colette à la grande Marguerite Moreno.
Signalons encore plusieurs lettres adressées à Cocteau par ses
pairs (Gide, Giono, Max Jacob, Jouhandeau, Montherlant, Proust,
Valéry).
Parmi plus d’une trentaine de manuscrits, qui vont des esquisses
et brouillons jusqu’au manuscrit mis au net, voire jusqu’à l’épreuve
corrigée (Balzac), on remarquera bien sûr les grands romans.
Flaubert rédige à l’âge de dix-sept ans sa première grande œuvre,
Les Mémoires d’un fou
, récit largement autobiographique, dont on
retrouvera l’empreinte dans
L’Éducation sentimentale
. Aux côtés
de Flaubert, son ami Ernest Feydeau et son roman
La Comtesse
de Chalis
; son disciple Guy de Maupassant, avec les manuscrits
de deux contes ; et un autre ami, Alphonse Daudet, avec le carnet
contenant les ébauches et le premier jet de son roman
Sapho
.
Léon Bloy, à côté du carnet de poche tenu pendant la guerre de
1870, dont il tirera les récits de
Sueur de sang
, a rédigé le brouillon
complet de son roman
Le Désespéré
dans un cahier, où figurent
aussi les brouillons d’articles et de son livre sur Christophe Colomb.
De Pierre Louÿs, dans son impeccable calligraphie, le manuscrit
mis au net de
L’Œuf bleu
, superbement illustré par Albert Besnard,
côtoie celui de
Poëtique
, son credo esthétique, et un roman érotique
inachevé. Le manuscrit complet du chef-d’œuvre d’André Gide,
Les Caves du Vatican
, dans trois grands cahiers, est accompagné
d’un cahier de notes préparatoires. C’est sur un modeste cahier
d’écolier que Raymond Radiguet met au point la fin du
Diable au
corps
, avec l’aide de Jean Cocteau. On mesurera la différence entre
les manuscrits contemporains (1925) de
Bella
de Jean Giraudoux,
soigneux et détestant les ratures, et de
La Petite Infante de Castille
de Montherlant, au dos de papiers de récupération, très corrigé.
Giono rédige à l’encre et corrige le volumineux manuscrit du
Chant
du Monde
, tandis que Simenon, après quelques notes jetées sur
une enveloppe, utilise le crayon de papier pour écrire d’une traite
La Mort de Belle
qu’il dactylographie aussitôt et révise alors avec
soin.
Des poèmes de Musset, Hugo ou Théophile Gautier côtoient les
manuscrits du premier livre d’Edmond Rostand,
Les Musardises
, et
des
Vingt-cinq poèmes sans oiseaux
de Paul Morand. Un journal
intime de George Sand, intitulé avec humour
Entretiens journaliers
avec le très docte et très habile Docteur Piffoel
… (1836-1840), côtoie
un carnet-agenda de Victor Hugo en 1872. D’intéressants manuscrits
d’articles sont signés Lamennais, Barbey d’Aurevilly, Alexandre
Dumas, Théophile Gautier (élogieuse critique de
Salammbô
),
Zola (contre Victor Hugo), Gide (sur Thomas Mann) ou Jorge Luis
Borges. Stendhal prépare un important essai sur la langue italienne.
Jacques Bainville retrace l’
Histoire de France
. Sacha Guitry, interné
à Drancy à la Libération, rédige sa défense. Cocteau accumule des
notes pour
La Corrida du 1
er
Mai
. À côté de lettres de quelques
philosophes allemands : Ludwig Feuerbach, Hegel, Nietzsche, le
carnet du jeune Sartre, et les cahiers où Cioran notait ses pensées.
Dans le domaine étranger encore, Andersen, D’Annunzio, Kafka,
Borges, Rilke, Thomas Mann, et les trois grands russes : Dostoïevski,
Tourgueniev, et Léon Tolstoï, avec l’important manuscrit corrigé en
français de son
Non-agir
.
Certains écrivains sont aussi dessinateurs, comme on en verra de
beaux ou d’amusants exemples avec Jean Cocteau, Victor Hugo,
Max Jacob, Guy de Maupassant, Marcel Proust, Paul Valéry ou
Paul Verlaine.
Thierry Bodin
Manuscrits et
lettres autographes
des XIX
e
et XX
e
siècles