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Littérature

542

VIGNY Alfred de (1797-1863).

18 L.A.S. « Alfred de Vigny » ou

« Alfred », 1820-1830, à Victor

HUGO ; 56 pages in-8, adresses

dont plusieurs avec cachets de cire,

montées sur onglets sur feuillets

de papier vélin, le tout relié en un

volume in-8 maroquin bordeaux,

plats et dos à nerfs ornés de filets et

d’un motif romantique doré aux petits

fers, doublure de maroquin même

ton serties d’un filet doré, gardes de

soie brochée vieil or, doubles gardes

tranches dorées (

Marius Michel

,

A. &

R. Maylander

).

20 000 / 30 000 €

Remarquable recueil de la correspondance

de Vigny à Victor Hugo, précieux

témoignage de l’amitié fraternelle entre

les deux grands poètes romantiques

.

[En 1820, Vigny a fait la connaissance de

Victor Hugo, son cadet de cinq ans, par

l’intermédiaire de leurs amis communs Émile

et Antoni Deschamps. Vigny, qui suit une

carrière militaire, n’a alors rien publié, tandis

qu’Hugo est déjà célèbre. En décembre,

Le

Conservateur littéraire

, fondé par les frères

Hugo, va publier ses premiers textes. Nous

renvoyons entre crochets pour chaque lettre

à l’édition de 1989 de la

Correspondance

de Vigny.]

[Courbevoie] 22 octobre [1820

. 20-2]. Il

félicite « Monsieur Victor » de son

Ode sur

la naissance du duc de Bordeaux

 : « Vous

avez fait là un bel ouvrage sur un sujet où

l’on marche toujours au bord du vulgaire, et

jamais le pied ne vous a glissé ». Il est malade.

« Je ne fais rien, comme vous pensez, que

rêver à quelques projets pour l’avenir, et j’ai

un singulier plaisir à oublier ce que j’ai fait,

j’y reviendrai ensuite pour perfectionner,

mais j’aime les pays nouveaux. […] je sens

que mon imagination est comme Phaéton,

elle meurt si elle n’est libre »...

[

Orléans février-mars 1823

. 23-4]. Il n’est pas

allé embrasser Victor avant de partir, mais

(allusions à la folie d’Eugène Hugo, et à ses

propres amours contrariées pour Delphine

Gay) : « J’avais honte de toutes ces misères

du cœur lorsque je les comparais à ces

grands fléaux dont nous frappe notre propre

nature physique quand elle se dégrade

tout-à-coup longtems avant la mort, et que

l’âme s’absente en laissant le corps debout

et souriant comme ces horribles figures

d’Herculanum ».

Han d’Islande

remplit son

esprit tout entier : « c’est un beau et grand et

durable ouvrage que vous avez fait là. Vous

avez accompli tout ce que j’attendais lorsque

j’eus dans les mains le premier chapitre.

Vous avez posé en France les fondemens de

Walter Scott. Votre beau livre sera pour nous

comme le pont de lui à nous et le passage

de ses couleurs à celles de France »…

Bordeaux 26 août 1823

. [23-13]. Commentaires

sur le 2

e

numéro de

La Muse française

, et les

articles d’Hugo, notamment celui sur Walter

SCOTT : « Je lui en veux mortellement de

déflorer ainsi notre histoire pour habiller de

ses nobles traits ses paysans d’Écosse ». Puis

il évoque son travail sur son poème

Satan

(qui deviendra

Éloa

) : « J’ai pensé, j’ai écrit.

Satan

est fait, c’est-à-dire, en style de mon

ami Girodet, je n’ai fait que couvrir la toile,

il me reste tout à retoucher »...

[Bordeaux] 20 octobre [1823

. 23-29]. Sur la

mort du premier fils des Hugo : « Que vous

dire, mon bon ami, sinon que je pleure

comme vous ? Je ne sais pourquoi on a créé

le mot de consolation, quand la chose n’existe

pas. Il n’y en a pas pour ceux qui sentent le

malheur tout entier, tout fort comme il est.

Vos douleurs de père ont été bien proches

de celles de fils et de frère ; vous êtes accablé

par les peines de famille, cette assemblée

naturelle que l’on croit notre seule source

de biens »...

22 mai 1824

. [24-10]. Après l’article louangeur

d’Hugo dans

La Muse française

sur

Éloa

, et

la publication des

Nouvelles Odes

. « Malgré

les illusions de votre amitié, malgré les éloges

trop grands de mon ouvrage, le vôtre est

une bien belle chose, mon ami ; je ne sais

rien de supérieur à votre définition de la

méditation et de l’inspiration. Tous les poëtes

du monde vous doivent de la reconnaissance

pour avoir fait connaître au profane vulgaire

quelle est leur nature […] Vous n’avez pas

cherché bien loin votre modèle, vous êtes

descendu en vous. Vous y avez aussi trouvé

cette fraternelle amitié dont vous parlez avec

tant de charme et que j’ai si bien aussi pour

vous ». Hugo doit faire « un bel article pour

la mort de Lord Byron »...

[Oloron] 25 juillet 1824

. [24-18]. Sur le

sabordage de la revue

La Muse française

.

« Je ne comprends rien à tout ce qu’on

m’écrit, cher ami, mais du fond de mes

montagnes il me semble que nous faisons

une sottise. Quoi la Muse cesserait quand elle

est devenue une puissance ? Autant vaudrait

que des hommes chassés de tous les ports

de mer et exilés sur l’océan s’avisassent de

brûler leur vaisseau ». Quant à lui, il travaille,

« et je me trouve heureux de ne plus voir la

littérature pour mieux vivre avec la poësie ».

Il aimerait savoir ce que Chateaubriand a

pensé d’

Éloa

… Il conclut : « Combattons

toujours. Nous nous appelons tous les deux

Victor, qui veut dire vainqueur dans la langue

classique »…

Pau 5 octobre 1824

. [24-27]. « L’Ennui

m’environne, je vis seul, les Pirénées sont

sous mes yeux, et vous pouvez croire que

je n’écris pas ! Je ne cesse de penser que

pour écrire tout ce qui s’accumulerait dans

ma tête. J’ai fait et terminé un mystère, mais

c’est le troisième [

Le Déluge

] et non celui

que je vous avais raconté : ce Satan qui

effrayait votre amitié pour moi, et auquel je

ne puis cependant résister je l’achève aussi

à présent. L’autre est sur la terre et j’y ai mis

toute cette immense nature que je représente

avec tous les arts qui sont dignes d’elle. Je

vois de mon balcon les montagnes qui voient

la Méditerranée, et à ma droite celles que

.../...