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les collections aristophil
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GIONO Jean (1895-1970).
L.A.S. « Jean Giono », 27 janvier 1947,
à Jean COCTEAU ; 2 pages in-8.
1 500 / 2 000 €
Lettre amicale à Jean Cocteau, évoquant
ses difficultés avec les éditions Grasset
.
« Il ne s’agit pas de mauvaise volonté cher
Jean. Il s’agit simplement d’obtenir la
permission d’éditer en luxe par les Grasset
qui sont des pignoufs et me font mille ennuis.
Je suis en train d’essayer de rompre les
contrats avec eux, car on ne compte plus les
manquements aux clauses, de leur côté ; il y
en a cent. Si j’étais bien soutenu je devrais
y arriver. La NRF a été au contraire très
compréhensive, mais j’ai déjà donné les
textes que j’y publie à des éditeurs de luxe et
demi-luxe. Si j’ai quelque chose de disponible
(je pense au texte que j’écris maintenant et
qui te plairait je crois) je te l’enverrai pour ton
ami. Moi aussi j’aimerais te revoir, je pense
souvent à toi. J’ai vu
la Belle et la Bête
que
j’ai beaucoup aimé. Mais, Paris m’irrite, je
n’y suis d’accord avec rien. Je m’y force.
J’y crains tout et à chaque instant je suis
tenté de faire appel à ma brutalité. C’est très
désagréable, alors, je préfère ignorer qu’il y
a un endroit de la terre appelé Paris. C’est
bête. J’attends de vieillir, ça arrangera tout.
Mais crois à ma très fidèle et très sincère
amitié »…
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GIRAUDOUX Jean (1882-1944).
MANUSCRIT
autographe signé
« Jean Giraudoux »,
Bella
, 1925 ; 205
feuillets in-fol., relié maroquin rouge,
armoiries sur les plats, cadre intérieur
de maroquin rouge et filets dorés, étui
(
René Aussourd
).
25 000 / 30 000 €
Manuscrit complet, seul existant, de
Bella
,
chef-d’œuvre romanesque de Giraudoux,
offrant une version primitive très différente
du texte publié.
Ce manuscrit de
Bella
de Jean Giraudoux,
jusqu’alors inconnu (Brett Dawson, éditeur
de
Bella
dans les
Œuvres romanesques
complètes
de la Bibliothèque de la Pléiade,
déplorait sa disparition), révèle une version
primitive très différente du texte imprimé. On
y saisit la genèse complexe de ce roman,
probablement le plus beau et le plus riche
de Giraudoux, qui, à côté d’un troublant
portrait de femme, met en scène la lutte entre
deux personnalités politiques, Rebendart et
Dubardeau, derrière lesquelles on a reconnu
l’affrontement de Raymond POINCARÉ et
Philippe BERTHELOT.
Le manuscrit est daté en fin « 21 janvier 1925 ».
À partir de son achèvement, Giraudoux va
profondément remanier son texte avant la
prépublication de
Bella
dans
La Nouvelle
Revue française
du 1
er
octobre 1925 au 1
er
janvier 1926. L’édition originale paraît chez
Bernard Grasset dans la collection des
« Cahiers verts » en 1926. D’importants
passages du manuscrit ne se retrouvent
pas dans le livre ; ils ont été supprimés
pour former des chapitres de
La France
sentimentale
(Bernard Grasset, 1930) ; un
autre chapitre se retrouve dans
Églantine
(Bernard Grasset, 1927).
La Bibliothèque nationale conserve des
esquisses et ébauches de
Bella
antérieures
à notre manuscrit, et divers fragments de
rédactions successives, ainsi que d’autres
fragments qui se rattachent au remaniement
du roman. Notre manuscrit est le seul
complet.
Le manuscrit est écrit au recto de grands
feuillets, avec une faible marge sur la gauche,
et semblerait une mise au net, s’il n’y avait
quantité de petites ratures, corrections ou
additions. Outre les remaniements dans la
structure du roman, le manuscrit présente
quantité de variantes textuelles, souvent
considérables.
Giraudoux va hésiter sur le prénom de son
héroïne : Julienne, Simone (plus tard corrigé
en Bella au f. 78). Il va changer des noms
(Crapuçon deviendra Crapuce, le marquis
Basquetot deviendra baron Basquettot), mais
aussi des lieux : ainsi, le fief de Rebandart qui
est situé en Lorraine dans le manuscrit sera
transporté en Champagne (Lunéville devenant
Reims, etc.), pour éviter un rapprochement
trop clair avec Poincaré ; l’Automobile Club
deviendra le Sporting, etc.
Nous allons tenter de suivre le texte du
manuscrit en renvoyant aux pages de
l’édition de la Pléiade (
Œuvres romanesques
complètes
, tome I) entre crochets (et pour
La
France sentimentale
au t. II), qu’il s’agisse du
texte du roman mais aussi des esquisses ou
autres rédactions. On verra ainsi le prodigieux
travail de reconstruction romanesque auquel
s’est livré Giraudoux.
* Chapitre I (ff. 1-30, à l’encre violette). Le
premier paragraphe, comme une sorte
de bref prologue, est inédit : « Emmanuel
Moïse ?... Au fait, pourquoi ne pas vous
parler de Moïse ? Parce que j’appartiens
à une famille illustre, tous les petits rôles
de comparses tenus dans l’existence des
autres enfants par un capitaine en retraite,