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les collections aristophil

444

GAUTIER Théophile (1811-1872).

MANUSCRIT

autographe signé,

Salammbô par Gustave

Flaubert

, [1862] ; 9 pages oblong in-8 remplies d’une petite

écriture, en partie découpées pour l’impression en bandes

et remontées (quelques légères rousseurs), avec enveloppe

à en-tête du

Moniteur universel

.

8 000 / 10 000 €

Magnifique article disant son admiration pour le roman

Salammbô

de Gustave Flaubert

.

Le roman de FLAUBERT vient de paraître (Michel Lévy, 1863). L’article

de Gautier est publié dans le

Moniteur universel

du 22 décembre

1862, et sera recueilli en 1877 dans

L’Orient

(tome II). Le manuscrit

présente quelques ratures et corrections.

« Depuis longtemps on attendait avec une impatience bien légitime

Salammbô

le nouveau roman de M Gustave Flaubert mais l’auteur n’est

pas de ceux qui se hâtent. […] il n’abandonne une œuvre qu’au moment

où il la croit parfaite c’est-à-dire lorsque soins, veilles, corrections,

remaniemens ne peuvent plus la perfectionner […] plusieurs années

se sont écoulées entre la française Madame Bovary et Salammbô

la Carthaginoise. C’est une hardiesse périlleuse, après une œuvre

réussie, de dérouter si complètement le public que l’a fait M Gustave

Flaubert dans son roman punique. […] Mais n’est-ce pas un beau rêve

et bien fait pour tenter un artiste que celui de s’isoler de son temps

et de reconstruire à travers les siècles une civilisation évanouie, un

monde disparu ? Quel plaisir, moitié avec la science, moitié avec

l’intuition, de relever ces ruines enterrées sous les écrasemens des

catastrophes, de les colorer, de les peupler, d’y faire jouer le soleil

et la vie et de se donner ce spectacle magnifique d’une résurrection

complète ! »…

Théophile Gautier souligne l’immense labeur d’archéologue et

d’historien de Flaubert qui, « avec une patience de bénédictin a

dépouillé toute l’histoire antique. […] pour un détail il a lu de gros

volumes qui ne contenaient que ce détail. Non content de cela, il a

fait une excursion investigatrice aux rives où fut Carthage, adaptant

la science acquise à la configuration des lieux, interrogeant les flots

limpides qui cachent tant de secrets, frappant le sable du talon pour

en faire sortir une réponse à un doute, s’imprégnant de la couleur du

ciel et des eaux, se logeant dans la tête la forme des promontoires,

des collines, des terrains, de façon à bien planter le décor de son

drame et de sa restauration car

Salammbô

est à la fois l’un et l’autre ».

« La lecture de

Salammbô

est une des plus violentes sensations

intellectuelles qu’on puisse éprouver ; dès les premières pages on

est transporté dans un monde étrange, inconnu, surchauffé de soleil,

bariolé de couleurs éclatantes, étincelant de pierreries au milieu

d’une atmosphère vertigineuse où se mêlent aux émanations des

parfums les vapeurs du sang »... Gautier évoque avec lyrisme « le

spectacle de la barbarie africaine avec ses magnificences bizarres »,

le « début tumultueux » du roman « qui nous fait assister à l’orgie des

mercenaires dans les jardins d’Hamilcar », et restitue ses impressions

dans un magnifique poème en prose, jusqu’à la sublime apparition

de Salammbô, et l’amour qui s’empare de Mathô… « C’est ainsi que

s’ouvre ce livre splendide et monumental »…

Gautier continue de résumer le roman, avec verve, ferveur et

enthousiasme, mais aussi avec une fascination pour cet Orient

sauvage, qu’il évoque dans une langue poétique et avec des coloris

de peintre… Il proclame à plusieurs reprises son admiration ; ainsi :

« Rien n’est magnifique et terrible comme l’assemblée nocturne

des Anciens qui se tient dans le temple de Moloch bâti en forme

de tombeau »… Ou, lorsqu’Hamilcar visite ses magasins remplis de